En médecine, l'homme est la norme, la femme est négligée. Conséquence: hormis les organes sexuels, les différences biologiques ont été ignorées et peu étudiées jusqu'à présent. C'est ce que constatent les auteurs du rapport de recherche La santé des femmes. Meilleure prise en compte de leurs spécificités, publié en mai sur mandat de la Confédération.
Les trois auteures se sont penchées sur l'impact du sexe biologique et des rôles sexuels (sexe social) sur la santé et les comportements en matière de santé. Dans ce qui suit, nous montrons, à l'aide de quatre problématiques tirées du rapport de recherche, ce qui doit être fait pour mettre les hommes et les femmes sur un pied d'égalité sur le plan médical.
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité en Suisse – et dans le monde –, chez les hommes comme chez les femmes. Pourtant, elles ont la réputation d'être plus fréquentes chez les hommes et sont considérées comme des «maladies masculines».
Bien que ces maladies soient mieux étudiées qu'il y a quelques années, elles sont toujours identifiées plus tard chez les femmes et restent sous-diagnostiquées. La preuve en est qu'aujourd'hui encore, les femmes souffrant de douleurs dans la poitrine sont 2,5 fois moins souvent adressées au service de cardiologie que les hommes.
Cela s'explique notamment par le fait que les femmes présentent un plus grand nombre de symptômes différents et parfois atypiques par rapport aux hommes, par exemple des douleurs entre les omoplates, des nausées, des vomissements ou un essoufflement. Même si les femmes présentent des évolutions de la maladie similaires, voire plus graves, elles sont moins souvent admises dans les unités de soins intensifs que les hommes.
L'idée fixe selon laquelle les maladies cardio-vasculaires sont des «maladies d'hommes» empêche de reconnaître la maladie chez les femmes. Interrogée à ce sujet, Tina Büchler, co-auteure du rapport, explique ainsi que:
Ainsi, selon elle, l'infarctus du myocarde n'est pas plus une maladie masculine que le cancer du sein n'est une maladie féminine.
Cependant, dans le cas des maladies cardiovasculaires, les femmes ne sont pas seulement désavantagées au niveau du diagnostic, mais aussi au niveau du traitement et de la rééducation. Les patientes ont recours à cette dernière moins souvent et moins longtemps que les hommes et l'interrompent plus souvent. Et ce, bien que la rééducation permette de réduire le taux de mortalité et le nombre de réhospitalisations.
Les auteurs expliquent cela par le fait que les femmes se voient plus rarement proposer une rééducation ou qu'elles sont empêchées d'en faire une parce qu'elles doivent s'occuper de proches ou d'enfants. Selon les auteurs, l'exemple de la thérapie et de la rééducation est exemplaire du fait que les désavantages en matière de soins de santé ne sont pas uniquement dus aux différences biologiques entre les sexes.
La démence, maladie dans laquelle la mémoire se détériore, le sens de l'orientation se dégrade et l'oubli prend le dessus, est connue comme une maladie des personnes âgées. Ce dont la population est moins consciente, c'est que deux tiers des personnes atteintes de démence sont des femmes.
Bien qu'elles soient nettement plus touchées que les hommes, les maladies démentielles telles que la maladie d'Alzheimer sont diagnostiquées moins souvent ou plus tard chez les femmes. Cela s'explique par le fait que les tests de mémoire permettant de détecter la maladie sont axés sur les hommes. En effet, les femmes obtiennent souvent de meilleurs résultats à ces tests-là en raison du rôle social qui leur est attribué.
En effet, ce sont souvent elles - notamment dans les familles - qui planifient, coordonnent et communiquent. L'avantage de cette meilleure mémoire conduit à un diagnostic tardif ou à la non-détection de la démence chez les femmes. Le rapport propose comme mesure de concevoir à l'avenir les tests en tenant compte du genre. En cas de démence, il faut un test adapté aux femmes.
L'un des problèmes des diagnostics tardifs chez les femmes est que cette invisibilité est utilisée pour justifier la prédominance des hommes dans les études correspondantes, au lieu de se concentrer sur les lacunes des connaissances en matière de diagnostic chez les femmes. Un cercle vicieux. Les auteurs demandent des tests sensibles au genre pour le diagnostic ainsi que davantage d'offres institutionnalisées afin de détecter plus rapidement certaines maladies comme la maladie d'Alzheimer. La Confédération prévoit de mettre en place une plateforme nationale «Démence» à partir de 2025 afin de combler ce déficit.
Certes, les femmes se voient prescrire plus souvent des psychotropes que les hommes, mais le risque d'effets secondaires est deux fois plus élevé chez elles. Avec le corps masculin comme norme, un modèle dit «unique» s'est imposé dans le développement des médicaments. Selon ce dernier, les tests de médicaments, de la recherche fondamentale aux études cliniques, sont principalement réalisés sur des animaux et des hommes de sexe masculin. Cela signifie qu'une grande partie des connaissances sur le corps féminin fait tout simplement défaut et que les différences en termes d'efficacité ou de toxicité sont ignorées.
L'exclusion des femmes de la recherche est, aujourd'hui, encore justifiée par le fait que le cycle menstruel des animaux femelles ou des femmes pourrait fausser les résultats. En raison des fluctuations du taux d'hormones, les résultats seraient plus variables et moins clairs que ceux des hommes, craignait-on. Des résultats de recherche récents réfutent toutefois ce mythe de la variabilité féminine. Néanmoins, les cellules, les animaux et les hommes sont également surreprésentés dans la recherche médicale encore aujourd'hui.
Dans ce contexte, la science a longtemps ignoré le fait que les femmes et les hommes réagissent différemment aux médicaments. Le métabolisme et le cerveau ne fonctionnent pas de la même manière. En conséquence du biais masculin dans le développement des traitements médicamenteux, les femmes souffrent plus souvent d'effets secondaires que les hommes, les traitements sont, en outre, souvent moins efficaces, voire contre-productifs, par exemple en raison de dosages ou de combinaisons de traitements inadaptés.
Les auteures constatent qu'à l'avenir, il faudra davantage d'études sur la détermination des traitements et des dosages qui tiennent compte du genre, afin de combler les lacunes en matière de connaissances et de données.
En Suisse, on compte plus de 200 000 personnes atteintes d'endométriose. Les premières enquêtes diffusées dans les médias remontent au milieu des années 1990. Malgré cela, il faut aujourd'hui encore six à neuf ans pour qu'une femme soit diagnostiquée. Et une femme sur dix en souffre en Suisse.
L'endométriose est une maladie qui touche exclusivement le corps féminin. Elle se caractérise par une prolifération de la muqueuse utérine en dehors de la cavité utérine, dans la région pelvienne ou même dans l'abdomen. Lorsque la muqueuse utérine se contracte et que les règles commencent, elle le fait, chez les personnes concernées, partout où la muqueuse se développe, ce qui provoque des inflammations locales et de fortes douleurs.
Les nombreux diagnostics manqués et tardifs de l'endométriose ont une cause: les troubles menstruels ne sont souvent pas pris au sérieux. De plus, il existe de grandes lacunes tant dans la recherche que dans la prévention et les soins. Les possibilités de traitement sont limitées. Elles nécessitent une grande spécialisation et, comme l'endométriose peut devenir chronique, ces deux aspects sont synonymes de coûts élevés.
Selon le rapport de recherche, il est nécessaire d'agir en formant les médecins généralistes à la maladie. Il faudrait également se concentrer sur les soins à long terme. Actuellement, il manque par exemple un soutien pour la réintégration dans le monde du travail après une opération et des conseils sur la manière de gérer les douleurs et la charge psychique.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)