Dans le prospectus publicitaire actuel de la chaîne de droguerie allemande Rossmann, le shampooing Alpecin «Grey Attack Coffein & Color» est proposé à 11,20 euros. En Suisse, le même produit coûte au moins 40% de plus. Le «Spiritus Glas-Reiniger» de la célèbre marque Frosch est disponible chez Rossmann pour moins de 10 euros - en Suisse, on paie au moins deux fois plus cher.
De telles comparaisons montrent comment le géant allemand pourrait bouleverser la structure de prix s'il s'installait chez nous. Et ce sera bientôt le cas. La semaine dernière, le distributeur de produits de droguerie a annoncé l'ouverture d'une première filiale en Suisse centrale pour la fin de l'année. D'autres devraient suivre.
Lorsque la concurrence allemande fait son entrée sur le marché national, on peut généralement s'attendre à du mouvement sur le front des prix. C'est ce qui s'est passé avec l'arrivée d'Aldi en 2005 et de Lidl en 2009, qui ont mis une forte pression sur Migros, Coop et les discounters existants. Rossmann se définit certes comme un détaillant en droguerie, mais son assortiment se distingue considérablement des drogueries suisses classiques. L'accent est mis sur les produits de soins, ménagers et pour bébés. Les experts de la branche estiment donc que l'arrivée de Rossmann sur le marché ne va pas donner du fil à retordre aux chaînes de droguerie classiques, mais aux discounters comme Aldi, Lidl ou Otto.
Mais Migros et Coop devraient également ressentir la concurrence, car les leaders du marché ont dans leur assortiment de nombreux produits plus chers que ceux de Rossmann. «Le passé a montré que les commerçants suisses subissent une forte pression lorsque des chaînes de distribution européennes pénètrent sur le marché suisse avec leurs propres produits», explique un droguiste. Rossmann possède 28 marques propres, dont les produits de soin «Isana», «Babydream» pour les petits ou les produits de nettoyage «Domol».
Certaines marques Rossmann sont déjà connues des Suisses. Denner vend leurs produits depuis 2017 et Brack depuis 2020. Rossmann pourra désormais importer directement ces articles en Suisse à un prix avantageux. Interrogé à ce sujet, un porte-parole de Rossmann annonce vouloir: «proposer à la clientèle suisse un très bon rapport qualité-prix. Moins cher que ce à quoi elle est habituée avec ses achats en droguerie jusqu'à présent». Les semaines promotionnelles, très appréciées en Allemagne, seront également proposées en Suisse. Il y aura aussi bien des marques allemandes que des marques typiquement suisses.
Il y aura également un large assortiment de cosmétiques bio et naturels. Dans notre pays, les drogueries vendent également des médicaments qui ne sont pas soumis à ordonnance. Mais cette activité est soumise à de nombreuses obligations et nécessite des personnes spécialement formées. Un porte-parole de Rossmann déclare à ce sujet que l'assortiment se concentrera sur les produits de santé et les compléments alimentaires en vente libre.
Les magasins prévus par Rossmann en Suisse devraient avoir une superficie de 400 à 700 mètres carrés. Elles seraient donc bien plus grandes que les drogueries suisses traditionnelles, qui font plutôt 150 à 250 mètres carrés. De telles surfaces doivent encore être trouvées. «Cela devrait être un défi de réaliser suffisamment de chiffre d'affaires avec des articles bon marché pour payer les loyers suisses élevés», explique un expert de la branche.
Au printemps 2019, le directeur général Raoul Rossmann déclarait encore à la Handelszeitung:
Interrogé à ce sujet, un porte-parole de Rossmann n'a pas souhaité révéler l'emplacement exact de la première filiale. Selon le journal allemand Lebensmittelzeitung, Rossmann cherche «des emplacements dans l'environnement de Coop, Migros, Aldi et Lidl».
Sur le site web de l'entreprise, on peut lire que l'entreprise est à la recherche «d'objets à louer dans des emplacements de première à très bonne qualité ainsi que dans des centres commerciaux spécialisés, des centres commerciaux et des centres de quartier». Les emplacements visés sont «ceux dans lesquels nous couvrons entièrement les besoins quotidiens de nos clients en collaboration avec un magasin d'assortiment complet ou un discounter alimentaire». On privilégie ici un mélange de magasins de textiles et de chaussures ainsi que de magasins spécialisés dans les produits bio. Un porte-parole ajoute:
Les zones cibles seraient des villes ou des quartiers indépendants avec une population d'au moins 6000 habitants et une «zone de rayonnement généreuse» - volontiers aussi des zones rurales ou des régions rurales avec une zone de chalandise étendue. Les observateurs du secteur pensent que la première filiale pourrait ouvrir dans un centre commercial. Le Mall of Switzerland à Ebikon (LU) est cité comme point de départ possible de l'expansion suisse – le concurrent Müller y est également présent. La Handelszeitung parie sur un centre commercial à Zoug ou à Schwyz. La construction d'un magasin en rase campagne est en revanche très peu probable.
La filiale qui doit gérer les affaires en Suisse a déjà été créée. Comme le montre un coup d'œil au registre du commerce, il s'agit de Thereus AG, dont le siège est à Zoug. Fabrizio D'Ascenzo, responsable de la mise en place des activités dans notre pays, siège notamment au conseil d'administration. Il était jusqu'à fin 2022 le directeur national suisse du concurrent Müller, qui est déjà actif dans notre pays depuis vingt ans.
Rossmann est le numéro deux du marché allemand des drogueries derrière DM. Contrairement à Rossmann et Müller, le leader du secteur n'a pas l'intention de s'implanter sur notre marché. L'accent est mis sur l'expansion dans les pays déjà occupés.