Si vous êtes amateurs de randonnées et de sorties en pleine nature, ou de surcroît si vous vous adonnez à une forme de cueillette, quelle qu'elle soit, il peut être vital de savoir identifier certaines espèces dangereuses. On l'ignore souvent, mais nombre de plantes sauvages trouvables en Suisse constituent un sérieux risque de blessure ou de mort en cas d'ingestion, ou même parfois de simple contact.
Brûlures, vomissements, fièvre, états délirants, palpitations, coma, douleurs abdominales, difficultés respiratoires, troubles neurologiques sévères et décès: ces symptômes critiques peuvent se cacher derrière la plus innocente des touffes feuillues, la plus gracile des fleurs, ou le plus bénin des fruits.
Cela peut sembler extrême, mais une simple confusion entre de l'Ail des ours et du Muguet, ou entre de la Gentiane et de la Vératre peut avoir une issue absolument dramatique. Et les exemples ne manquent pas. Voici donc une liste non exhaustive de végétaux très dangereux, que vous seriez bien indiqué d'admirer à distance.
Les spécimens sont ici classés sans ordre particulier, et tous doivent être considérés comme mortels.
Egalement surnommé «Belle-dame» ou «Belle-cerise», cet arbuste de 50 à 150 cm de haut très répandu dans les sous-bois d'Europe centrale et dans de nombreux contreforts eurasiens dispose d'un fruit qui peut être confondu avec de la myrtille sauvage par les ignorants et les enfants.
Et, contrairement à la majorité des espèces toxiques pour l'homme, l'Atropa a l'insolence d'avoir bon goût. Les infortunés gourmets n'ont ainsi pas le réflexe de cracher, et sont même encouragés à consommer d'autres baies.
Durant la Renaissance, les femmes se servaient d'une infusion à base de Belladone pour dilater leurs pupilles, leur donnant des «yeux de biche» réputés plus esthétiques, d'où le nom de la plante: Belle-dame.
Note: Les escargots et les oiseaux sont insensibles au poison de la Belladone, mais leur consommation par des humains après s'être nourris de feuilles ou de fruits peut également entraîner des intoxications.
A ne surtout pas confondre avec le comestible et apprécié Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris), le persil ou la carotte, la grande Ciguë possède des alcaloïdes (des molécules d'origine végétale) capables d'agir sur le système nerveux central. Sa floraison, s'étendant de juin à octobre, se développe en corymbes blancs rappelant également la bien moins dangereuse Achillée millefeuille. Au moindre doute: fuyez!
La Grande Ciguë était utilisée en Grèce antique pour les condamnés à mort. Le philosophe Socrates en fit la triste expérience en 399 av. J.-C.
Note: La Petite Ciguë (Aethusa cynapium) est également toxique, bien que moins dangereuse. Elle peut aussi être confondue avec le persil, la carotte, l'Achillée et le cerfeuil.
Cette petite bulbeuse grêle cache bien son jeu: durant sa floraison, de fin août à octobre, elle orne champs et jardins de jolis petits bouquets de fleurs couleur lilas.
Au printemps suivant, ses feuilles apparaissent, et peuvent alors aisément être prises pour des pousses d'ail des ours ou de poireau sauvage. D'apparence délicate, la Colchique d'automne est en réalité une véritable faiseuse de veuves capable de tuer humains comme bétail avec son alcaloïde, la colchicine.
Les pâturages et enclos doivent être inspectés avant l'arrivée d'herbivores, comme les bovins ou les équidés, car ces derniers risquent de s'empoisonner en cas de présence de Colchique.
Contrairement au Sureau rouge ou noir, dont les baies sont comestibles une fois cuites, le Sureau hièble est pourvu de fruits hautement nocifs, même après cuisson. Bien qu'il ne soit pas aussi dangereux que les autres espèces de cette liste, le risque de confusion avec la baie de sureau noir ou celle de l'Aronia noir fait du Sureau hièble un danger tangible pour les promeneurs et les cueilleurs amateurs.
Le meilleur moyen de le distinguer des espèces sûres reste encore d'observer ses feuilles: pour le Sureau hièble, elles se composent de nombreuses folioles (7 à plus de 10), là où celles des Sureaux noir et rouge n'en ont que cinq à sept, sont moins lancéolées, et avec un long pédoncule. Le Sureau hièble est en outre une plante herbacée, et ne produit pas de bois.
Bien que visuellement très beau, l'Aconit napel est sans doute l'une des plantes les plus toxiques du continent européen tout entier. Pourvu d'un cocktail d'alcaloïdes néfastes, dont l'aconitine, l'aconine, la capeline et bien d'autres, ce végétal peut tuer, même à très petite dose (3 à 6mg chez l'homme adulte, soit 2 à 5g de racine ou de graines).
On peut le confondre avec la Coscoll, consommée en salade dans certaines régions, à cause de la similitude du feuillage. Egalement important à mentionner, l'utilisation de l'Aconitum napellus dans les massifs et caissettes fleuris durant l'été est très répandue en Suisse. Il s'agit en effet d'une annuelle très appréciée des jardiniers pour orner rues et bâtiments durant la période estivale.
Une autre espèce d'Aconit, l'Aconitum lycoctonum, ou Aconit tue-loup, est également réputé pour ses capacités d'empoisonnement. Il était même utilisé durant l'époque féodale pour empoisonner les flèches, ou éliminer les loups, au moyen de carcasses piégées.
Certains d'entre vous tombent certainement des nues à la vue de l'innocente Clochette des bois dans cette liste, surtout lorsque l'on considère le fait que ses fleurs à l'odeur enivrante s'invitent presque religieusement chez nous chaque premier mai. Mais le Muguet fait bien partie des essences végétales les plus toxiques au monde.
En effet, le Convallaria majalis est imprégné dans sa totalité de molécules cardiotoxiques (plus de 20) et est si poison qu'une gorgée de l'eau dans laquelle il baigne peut être fatale. Les fans de la série Breaking Bad se souviennent peut-être de l'utilisation qu'en fait le personnage éponyme Heisenberg. De plus, juste avec ses feuilles, le Muguet peut sembler identique à l'Ail des ours. Les fruits, semblables à de petites grappes de tomates, sont également très concentrés en substances toxiques.
Il n'en existe en Europe presque plus aucun bosquet, appelé ivaie, et pour cause: au moyen-âge, les artisans se servaient de son bois, solide et flexible, pour confectionner toutes sortes d'outils et d'armes, ou des arcs. Ensuite, l'If a été largement abattu pour protéger les animaux d'élevage, notamment les équidés, qui s'empoisonnent mortellement en s'en nourrissant.
La taxine, l'alcaloïde principal de l'If, est responsable de nombreux cas d'intoxications documentés en littérature. Très commun, il est utilisé en haies, en pépinière ornementale et pousse naturellement en parcs et jardins. Il est important de noter que faire du feu avec de l'If est également dangereux et dégage des fumées toxiques. L'If peut en outre être confondu avec le Sapin et l'Epicea, utilisés pour la confection de sirops.
Toutes les parties de l'arbre sont toxiques, exception faite de la partie charnue et rouge de son fruit, l'arille. Cette dernière ceint la graine, de couleur violacée, également toxique. Ne vous y risquez pas, ça n'en vaut pas la peine!
On finirait presque par croire que tout ce qui a une floraison blanche en corymbes cherche nécessairement à nous tuer ou à se faire passer pour une carotte ou du cerfeuil. Et c'est encore le cas ici, avec l'une des plantes les plus fortement concentrées en agents actifs nocifs, surtout dans sa partie souterraine.
Son tubercule peut en outre être identifié à tort comme du radis, du navet ou du céleri, et son odeur agréable finit d'endormir la vigilance des plus fervents cueilleurs. Comble de la malfaisance de l'Oenanthe: les contractions musculaires du visage qu'elle provoque chez ses victimes produisent un sourire sardonique forcé.
Rebelote, une floraison blanche corymbiforme. Il est en revanche difficile de la méprendre, de par sa taille et sa foliaison, très en marge de ce que l'on a pu voir jusqu'ici. Changement de style également: la Berce du Caucase est principalement connue pour ses effets au contact de la peau.
En effet, sa sève, à l'odeur agréable, contient une substance photosensible qui, au contact de la peau et avec une exposition au soleil, provoque d'impressionnantes brûlures cloquées pouvant atteindre la taille d'une pomme de terre. Un contact direct avec la plante, en l'absence de suc, n'est pas dommageable.
L'Heracleum mantegazzianum figure sur la liste noire des plantes envahissantes en Suisse, aux côtés du Sumac, de la Verge d'Or, du Buddleia ou encore de la Renouée du Japon. Description et répartition en Suisse.
Facilement confondu avec la Gentiane jaune, dont les racines sont utilisées pour faire de l'alcool, le Vératre blanc est également très répandu dans les alpages et milieux montagneux d'Europe. C'est bien simple: il est presque impossible de ne pas en trouver dans les champs et zones ensoleillées d'altitude. Les paysans doivent s'en méfier, car le bétail peut facilement s'empoisonner avec.
Le Vératre noir a la particularité, en plus d'être toxique, de provoquer d'intenses crises d'éternuement et des saignements de nez abondants durant sa floraison. Sympathique, n'est-ce pas?
Même si la confusion avec un fruit comestible est basse, sa forme, avec ses quatre feuilles bien rangées et son fruit ostensiblement posé en bout de tige, peut donner envie de s'essayer à une dégustation. Mauvaise idée.
Toute la plante est toxique. Son fruit contient deux principes toxiques capables d'irriter les muqueuses, de causer des troubles digestifs, des céphalées, de l'arythmie cardiaque et de la fièvre. Deux à trois baies suffisent à provoquer des accidents nécessitant une hospitalisation. Dans le temps, le fruit de Parisette était employé pour protéger les poulaillers en empoisonnant les renards au moyen d'appâts piégés. Description et répartition en Suisse.
Ces lignes ont été rédigées par un horticulteur complet qualifié.