Fin octobre, une enquête menée par Bloom et Foodwatch a révélé des taux alarmants de mercure dans des boîtes de thon vendues en Europe. Sur 148 échantillons prélevés dans cinq pays, 58% dépassaient la limite de 0,3 mg/kg de mercure normalement fixée pour les poissons et 10% excédaient même la valeur maximale spécialement attribuée au thon (1 mg/kg). Le mercure, notamment sous sa forme toxique de méthylmercure, peut provoquer de graves troubles neurologiques, particulièrement chez les enfants.
En Suisse, bien que cette enquête ne porte pas directement sur des produits locaux, certaines marques incriminées, comme Rio Mare et Petit Navire, sont également commercialisées. De quoi susciter des inquiétudes chez les consommateurs.
Les enseignes suisses, à commencer par Migros et Coop, qui proposent du thon Rio Mare, ont réagi rapidement. Malgré les résultats inquiétants de l’étude européenne, elles assurent que leurs produits respectent les normes sanitaires. Coop affirme que les produits Rio Mare vendus dans ses rayons ne sont pas issus des mêmes lots que ceux testés dans l’enquête. L’enseigne garantit que ses contrôles internes, ainsi que des analyses indépendantes, «aucun dépassement de la valeur maximale (1mg/kg)», ni même de la limite basse (0,3 mg/kg), rapporte La Liberté.
De son côté, Migros a mandaté des «analyses supplémentaires» auprès de ses fournisseurs, ajoute le média. Les résultats confirment aussi le respect des normes suisses et européennes, selon l’enseigne.
Les tests effectués par les émissions suisses A Bon Entendeur et On en parle de la RTS corroborent ces déclarations. Sur 55 boîtes de thon analysées – et achetées chez Aldi, Manor, Lidl, Coop et Migros –, huit dépassaient la limite stricte de 0,3 mg/kg, mais aucune ne franchissait la limite maximale légale pour le thon de 1 mg/kg. Comment l'expliquer?
Stéphane Fontanet, responsable des tests pour l’émission A Bon Entendeur soumet au moins une théorie selon laquelle chacune des boites de thon est composée à partir d'un «lot» de poisson différent. Selon lui, la teneur en mercure de chaque boite va donc dépendre «de l'espèce, de la date et de la zone géographique où le poisson a été pêché ou encore de la méthode de transformation».
En Suisse, 60% du thon en boîte provient de Thaïlande, pays considéré comme «le plus grand transformateur de thon en conserve au monde», selon un rapport du Centre américain d’études sur le mercure. Les espèces principalement utilisées par l’industrie thaïlandaise, comme le thon rose, blanc et jaune, affichent en moyenne des taux de méthylmercure plus faibles que d'autres variétés, telles que le thon obèse, noir ou rouge.
Toutefois, le système ALARA, qui fixe les seuils maximaux de contaminants «aussi bas que raisonnablement atteignables», est critiqué. Selon Bloom et Foodwatch, ces seuils, établis en tenant compte de la contamination réelle et des impératifs commerciaux, favorisent la vente au détriment de la santé publique. En Suisse comme en Europe, le mercure autorisé dans le thon (1 mg/kg) est trois fois plus élevé que dans des poissons comme la sardine (0,3 mg/kg).
Pour la Fédération romande des consommateurs (FRC), ce compromis est inacceptable. Rebecca Eggenberger, responsable alimentation, estime dans La Liberté que «la sécurité devrait primer sur toutes les autres considérations». (sia)