En Suisse romande, on trouve quelques noms de famille typiques qui sont bien de chez nous. Favre, par exemple, mais aussi Pittet ou encore Rossier. Mais aussi les Rochat, qui sont présents en grand nombre dans le canton de Vaud.
Selon les statistiques, les trois noms de famille les plus portés dans le canton de Vaud sont portugais, en raison de la faible diversité de noms de famille lusophones: Da Silva, Ferreira et Pereira. Mais on trouve, en quatrième position, les Rochat.
Et tous les Rochat de Suisse ont pour origine une seule et même personne: Vinet Rochat, qui, en 1480, a quitté Rochejean (dans la France actuelle) pour s'installer avec sa famille à 15 kilomètres de là, dans la vallée de Joux.
L'histoire de Vinet Rochet est banale: alors qu'il désire travailler dans l'entreprise familiale, celle-ci ne peut subvenir aux besoins que d'un des deux fils. Il part alors en Suisse pour travailler le métal. «Vinet Rochat est le seul ancêtre de toutes les branches de la famille Rochat, qui se sont étendues sur le territoire suisse», explique l'historien de la famille, Loïc Rochat, qui a étudié l'histoire à l'Université de Lausanne.
Ce qui n'est pas forcément le cas de toutes les autres personnes portant des noms de famille identiques en Suisse. Cela est notamment dû au fait que de nombreux noms représentent des métiers ou des lieux. Prenons le cas des trois noms les plus répandus en Suisse, tous alémaniques: Müller se traduit en fait par «meunier», Meyer par «métayer» (un genre de paysan s'occupant du bétail) et Schmid par «forgeron».
Lorsque les noms de famille sont apparus, certains ont simplement pris le nom de l'activité qu'ils exerçaient. Ceux qui travaillaient au moulin sont devenus des «Müller», ceux qui tenaient le bétail des «Meyer» et les travailleurs de la forge des «Schmid» — avec tout un tas de variations orthographiques possibles.
Samedi, les Rochat fêteront leur ancêtre en empruntant à pied le chemin que Vinet Rochat avait emprunté en 1480. Plusieurs centaines de personnes devraient participer. Plus de 200 Rochat se sont déjà inscrits - dont des binationaux originaires aussi du Brésil, des Etats-Unis et des Pays-Bas, se réjouit Loïc Rochat, qui coorganise l'évènement.
Ce n'est pas le premier rendez-vous familial de ce genre. En 1980, plus de 2000 personnes (dont 600 Rochats) ont parcouru le trajet de Rochejean à L'Abbaye dans la Vallée de Joux. A l'époque, le président de la Confédération, Georges-André Chevallaz, avait même fait le déplacement.
Le parcours entre Rochejean et L'Abbaye est désormais balisé pour n'importe quel randonneur, avec le blason des Rochat: une roue.
En 2027, Loïc Rochat publiera l'arbre généalogique complet pour lequel il effectue des recherches depuis des décennies. Il s'agit de trois volumes de 600 pages chacun. Au total, il a retrouvé 12 500 descendants de Vinet Rochat et les a répartis en 60 branches familiales.
Aujourd'hui encore, de nombreux Rochat vivent à la Vallée de Joux. Dans la localité de L'Abbaye, qui compte 1500 habitants, ils représentent près de 10% de la population. Depuis le 18ᵉ siècle, la famille s'est répandue dans tout le canton de Vaud, mais aussi à Genève, à Neuchâtel et dans le Jura.
Loïc Rochat qualifie l'arbre généalogique des Rochat d'«extraordinaire» pour une famille aussi nombreuse. Pour les plus petits, la recherche généalogique est plus facile. Mais encore fallait-il trouver les bonnes archives. Et là, le hasard a aidé les Rochat.
En 1480, le couvent de l'Abbaye avait un intérêt économique à ce que Vinet Rochat s'installe à la Vallée de Joux pour y travailler le métal. En guise d'appât, les moines autorisent l'artisan à installer un four à pain chez eux. En échange, ils lui proposent une... exemption fiscale. Ses descendants ont même eu droit de garder ce privilège.
Lorsque les Bernois marchent sur le canton de Vaud en 1536, ils y rencontrent de curieux habitants: ceux-ci sont tous nommés Rochat et indiquent ne pas payer d'impôts grâce aux fours à pain. Cela a rendu les occupants du canton de Vaud perplexes et les a incités à faire des recherches, raconte Loïc Rochat. C'est ainsi qu'est né vers 1600 le premier registre local enregistrant le nom des habitants.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)