On espérait que l’arrivée des réfugiés ukrainiens permettrait de résoudre le manque de personnel qualifié en Suisse. Mais la politique et l’opinion publique suisses ont rapidement dû abandonner cette idée. La Confédération a récemment publié des chiffres décevants concernant le taux d’emploi des réfugiés bénéficiant du statut de protection S. En moyenne, moins d’un tiers d’entre eux ont réussi à s’intégrer au marché du travail suisse.
Les Ukrainiens témoignent également de leur frustration: des décennies d’expérience professionnelle et des diplômes universitaires obtenus dans leur pays sont souvent jugés sans valeur par les employeurs suisses.
Une médecin spécialisée effectue actuellement un stage non rémunéré comme aide-soignante dans un établissement pour personnes âgées. Une autre femme, titulaire d’un master en administration publique et forte de plusieurs décennies d’expérience en conseil politique et touristique, n’a toujours pas trouvé d’emploi. Pourquoi cette intégration professionnelle est-elle si difficile?
Frédéric Berthoud, du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), explique que «trop d’importance est souvent accordée à la reconnaissance des diplômes». Dans de nombreux cas, un tel processus n’est même pas nécessaire. Seules les professions réglementées exigent une reconnaissance préalable des qualifications étrangères.Selon Berthoud, un bon accompagnement est essentiel.
Chaque cas est unique, et l’accès au marché du travail varie en fonction de nombreux facteurs.
Les réfugiés avec le statut S qui souhaitent exercer la médecine en Suisse doivent se conformer à des exigences strictes. Comme pour les ressortissants de pays tiers, les professions médicales – médecins, chiropraticiens, pharmaciens – sont rigoureusement réglementées. La Suisse ne dispose d’aucun accord avec les pays hors UE ou AELE concernant la reconnaissance mutuelle des qualifications. Ainsi, un spécialiste formé en Ukraine ne peut pas exercer directement en Suisse.
Il existe cependant des solutions. Un diplôme non reconnu peut permettre une inscription au registre des professions médicales. L’exercice de la profession dépend ensuite des réglementations cantonales. Dans certains cantons, comme Zurich, il est possible de travailler sous supervision, par exemple comme assistant(e) médecin, à condition d’être enregistré et de maîtriser suffisamment l’allemand.
La reconnaissance des professions de santé réglementées, comme les physiothérapeutes ou les podologues, comporte également des défis. Marc Bieri, du Comité international de la Croix-Rouge suisse (CRS), explique:
Il cite également l’exemple des maisons de retraite.
Les réfugiés ukrainiens ont aussi dû revoir leurs attentes concernant la hiérarchie des emplois. Beaucoup s’imaginent, à tort, qu’un dentiste pourrait exercer comme hygiéniste dentaire ou qu’un gynécologue pourrait devenir sage-femme. Or, ces professions sont autonomes et régies par des lois distinctes.
Les démarches de reconnaissance, souvent longues et complexes, mettent à rude épreuve la patience des candidats. Selon Bieri, elles peuvent prendre quelques semaines en cas d’équivalence complète, mais s’étendre sur trois ans si des compétences linguistiques ou techniques doivent être acquises.
Traduit et adapté par Noëline Flippe