La Migros a-t-elle changé? C'est ce que pensent de nombreux employés du géant orange, interrogés pour un reportage diffusé jeudi sur la RTS. L'émission Temps Présent a recueilli leur témoignage, tandis que les changements managériaux et structurels de l'entreprise sont critiqués de toutes parts.
L'émission est diffusée alors que la Migros fête en grande pompe ses 100 ans. Si l'entreprise d'une importance majeure en Suisse — 32 milliards de chiffres d'affaires, 100 000 employés — garde autour d'elle une aura familiale et sociale, l'émission pointe une entreprise comme les autres qui a dû se restructurer selon les règles du marché.
Temps Présent a multiplié les témoignages d'anciens ou actuels employés épuisés, déçus ou en colère, qui dénoncent des conditions de travail qui se sont fortement détériorées. Une employée qui a débuté dans les années 1980 à la Migros dénonce, anonymement, une entreprise où il faut désormais toujours faire plus avec les mêmes moyens, et où les tâches se multiplient.
Esther a travaillé près de quinze ans dans l'entreprise. En 2017, les conditions se tendent pour elle. Elle doit travailler à la cuisine du restaurant Migros et commence à avoir des problèmes d'épaule. En 2023, ses absences lui sont reprochées, puis elle est poussée à la démission. Elle refuse, Migros la licencie.
Il y a aussi François, travailleur pour Micarna, à Ecublens, qui apprend d'une semaine à l'autre que l'usine où il travaille va fermer le mois suivant. «Je n'étais pas du genre syndicaliste, et pourtant j'ai fini par mener la grève», indique le moustachu.
Pour ce bosseur, habituellement, «on ne fait pas la grève, à la Migros, on travaille». Et pourtant, quand ils ont fermé l'usine d'Ecublens, «j'ai vu une facette de leur façon d'agir». Il mènera la première grève de l'histoire de la Migros.
Ou encore Maxime, cuisinier qui aura travaillé quatre ans dans les cuisines d'un restaurant Migros avant d'avoir un double cancer. Après une opération et six mois de convalescence, il reprend à 50%, avant d'être licencié. «Nous avons 100 000 collaborateurs, il y aura toujours des cas isolés où nous commettons des erreurs», reconnaît devant la caméra de la RTS Mario Irminger, directeur général de la société, tout en assurant:
Une référence directe au «capitalisme social» du fondateur, Gottlieb, Duttweiler qui avait synthétisé quinze thèses, parmi lesquelles le caractère «exemplaire» des liens entre le salariat et le patronat. Selon David Bosshart, à la tête de la fondation Duttweiler, le fait que la Migros soit critiquée est justement parce que les attentes sont «plus hautes envers Migros que d'autres entreprises».
Interrogé, le journaliste Alain Jeannet, qui prépare un livre sur le géant orange, se veut critique. Il raconte que, dans les années 1990, la Migros a tenté une «politique d'expansion» débridée. A l'époque, l'argent remplit les caisses et l'entreprise peut se le permettre.
Mais cette «mégalomanie», comme il l'appelle, ne dure pas. Après des échecs dans les années 2000 et le durcissement économique, à partir des années 2010, la vente de produits alimentaires ne rapporte plus. Les marges fondent, et pour ne pas toucher aux prix, les économies sont plutôt faites sur le dos du personnel.
Temps Présent rappelle que, jusqu'en 2004, la retraite des employés de Migros était fixée à 62 ans. Beaucoup partaient même avant. La caisse de pension Migros leur était alors particulièrement généreuse. Des conditions qui ont bien changé puisque, de 80% en 2024, les employés de Migros soumis à une convention collective de travail (CCT) sont passés à 56% en 2024.
Selon l'émission de la RTS, il y a désormais deux catégories de travailleurs au sein de l'entreprise. Ceux qui sont soumis à la CCT et les autres, comme les employés de la logistique de Galaxus, où le salaire minimal brut est de 4250 francs et où l'accès à la caisse de pension de Migros n'est pas assuré.