Cette loi de l'UE pourrait faire «disparaître» 350 médicaments en Suisse
Près d’un médicament bon marché sur trois a manqué au moins temporairement en Suisse en 2024. Pharmaciens, fabricants et consommateurs craignent un approvisionnement instable en médicaments essentiels dans le futur. Le Parlement a donc transmis à l’unanimité au Conseil fédéral une motion du conseiller aux Etats du Centre Erich Ettlin.
En résumé, le Parlement veut accélérer la création d’une base de données sur les pénuries de médicaments, et rejoindre le système européen de distribution. Pour cela, tous les emballages devront être dotés d’éléments d’identification afin de respecter les exigences de l’Union européenne dans sa lutte contre les contrefaçons. La Suisse serait en revanche contrainte de développer son propre système de dispositifs de sécurité sur les emballages.
Un effet contre-productif
Cela peut sembler logique, mais cela pose un certain nombre de problèmes concrets. Mettre en place un système parallèle de protection contre les contrefaçons représente une charge de travail supplémentaire pour les fabricants. Par ailleurs, cela compliquerait les échanges transfrontaliers, ce qui rendrait l’approvisionnement en médicaments rares plus difficile.
Le Conseil fédéral rappelait la semaine dernière:
Certes, des contrefaçons apparaissent de plus en plus souvent dans le commerce en ligne. Mais au sein des chaînes de distribution légales, elles sont encore «quasiment» inexistantes, selon le Conseil fédéral.
Autrement dit, le besoin de mettre en place un nouveau système de protection n'existe pas réellement. La consultation, qui s’est terminée mercredi, l’a bien confirmé. Une large partie de la branche s’oppose à l’obligation de munir tous les emballages de médicaments d’éléments de sécurité individuels. Cette exigence ne renforcerait pas la sécurité d’approvisionnement, mais au contraire, la compromettrait.
Jusqu’à 60 centimes de plus par emballage
La disponibilité de nombreux médicaments bon marché serait particulièrement menacée. C’est ce que montrent deux études d’impact du gouvernement, qui estime entre 100 000 et 300 000 francs par an les coûts supplémentaires pour ces démarches. Pour les fabricants orientés vers l’exportation, les conséquences financières resteraient faibles. Mais pour les producteurs locaux de génériques, la mesure entraînerait un surcoût allant jusqu’à 60 centimes par emballage.
Une telle hausse peut être absorbée par les médicaments innovants et chers. Mais pour environ 350 médicaments coûtant moins de 11 francs à produire, cette augmentation pourrait tout simplement signer leur fin. Le surcoût ne peut en effet pas être répercuté sur les clients, et les marges de production pour ce type de médicaments sont déjà extrêmement réduites.
La branche met en garde, de nombreux antalgiques, somnifères, anti-inflammatoires, antiépileptiques et antihypertenseurs sont aujourd’hui vendus à des prix si bas qu’aucune hausse de coûts ne pourrait être absorbée. Le président de l’Association des entreprises pharmaceutiques en Suisse (Vips), Marcel Plattner, le confirme:
Le Conseil fédéral passe outre la loi
Cette inquiétude n’est pas seulement exprimée par les fabricants de génériques. Les associations de pharmaciens et de médecins rejettent également la nouvelle réglementation. L’approvisionnement en médicaments essentiels deviendrait soit plus coûteux, soit impossible.
Les faîtières doutent en outre de la légalité de la mesure, car il n’existe aucune base légale pour une telle obligation, et une modification par voie d’ordonnance n’est pas admissible, souligne par exemple l’association des pharmaciens Pharmasuisse dans sa prise de position.
Selon la loi, le Conseil fédéral ne peut rendre obligatoires les dispositifs de sécurité que pour combattre ou prévenir les contrefaçons. Or, en Suisse, ce problème n’existe tout simplement pas dans la chaîne légale de distribution.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
