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Santé

Stérilet: ces Suissesses ont vécu un calvaire lors de la pose

«Medical gaslighting»: quand la médecine ignore la douleur des femmes.
Considérée sans risques de douleurs et complications, la pose d'un stérilet n'a pourtant rien d'anodin. Pour certaines femmes, l'intervention avait tout d'un cauchemar.Image: Imago, montage watson

Elles ont souffert le martyre pour leur stérilet: «Plus jamais!»

La pose d'un stérilet est officiellement considérée comme peu contraignante. Pourtant, certaines femmes évoquent de fortes douleurs, des malaises, voire des pertes de connaissance. Où se trouvent les lacunes?
26.08.2025, 05:3526.08.2025, 05:35
Diana Sonja Tobler / Ch media

La mère de Priska lui tend un croissant et un thé froid pour réconforter sa fille. «Je suis un peu nerveuse», confie-t-elle, juste avant de commencer les démarches et de passer par l’accueil, les toilettes, puis la salle d’attente.

Un choix de contraception qui effraie un peu

Priska a 17 ans, elle est en couple depuis quelques mois et cherchait un moyen de contraception fiable. Son choix s’est porté sur un stérilet hormonal. Cette petite tige en plastique en forme de T diffuse des progestatifs empêchant l’ovulation durant trois à cinq ans.

Avec un indice de Pearl de 0,2, cette méthode est l’une des plus sûres (l'indice de Pearl est un outil statistique qui mesure l'efficacité d'une méthode contraceptive). Sur 1000 femmes utilisant ce moyen de contraception pendant un an, seules deux tombent enceintes en moyenne. A titre de comparaison, la vasectomie affiche un indice de 0,1, et le préservatif varie de 3 à 15 selon l’usage.

Préservatifs, pilule, patch ou stérilet? Il existe une multitude de moyens de contraception.
Préservatifs, pilule, patch ou stérilet? Il existe une multitude de moyens de contraception.Image: Keystone

Une notice très rassurante

Sur le papier, la décision semble simple. Toute jeune femme ne souhaitant pas tomber enceinte dans les années à venir pourrait logiquement opter pour un stérilet. Pourtant, il existe des freins, notamment liés à l’insertion elle-même.

L’intervention consiste à fixer le col de l’utérus à l’aide d’une pince, à mesurer la cavité utérine avec une sonde, puis à introduire le dispositif. La notice d’un modèle répandu indique simplement:

«Vous pourriez ressentir une sensation, mais elle n’est généralement pas douloureuse»
Un stérilet est placé dans un utérus modèle à l'aide de l'inserteur.
Un stérilet est ici placé dans un utérus modèle à l'aide de l'inserteur.Image: Alamy

Des témoignages qui inquiètent

Pourtant, sur Internet comme dans les témoignages personnels, circulent des récits autrement plus alarmants. De nombreuses femmes parlent de douleurs aiguës, de nausées, voire d’évanouissements. Jasmin, s’est vu proposer une perfusion saline sans effet anesthésiant, censée uniquement la rassurer. En vain. Aline, quant à elle, raconte:

«C’est fait, mais je ne le referais jamais. La douleur était insupportable»

Julia a pour sa part perdu connaissance pendant la pose et enduré des douleurs intenses. Aujourd’hui mère de deux enfants, elle compare la douleur à celle de l’accouchement, en plus court, mais sans le réconfort d’un bébé dans les bras. Une phrase revient souvent, comme un écho à la notice:

«On m’avait dit que ça ne ferait pas mal»

C’est aussi ce que se dit Priska. Son gynécologue, Dan Rauch, prévoit d’utiliser un spray anesthésiant local. Priska est tendue, mais confiante. Le médecin l’appelle dans la salle d’examen pour lui expliquer une dernière fois la procédure.

Un grand écart entre théorie et pratique

Dans le protocole d’information de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique, il est indiqué que l’intervention ne nécessite en général pas d’anesthésie. Les recommandations conjointes des sociétés allemande, autrichienne et suisse de gynécologie, publiées en décembre 2023, vont dans le même sens. Il est écrit:

«Ni anesthésie locale ni anti-inflammatoires non stéroïdiens (comme l’ibuprofène) ne sont nécessaires pour atténuer la douleur.»

Un décalage notable avec les témoignages de patientes. Plusieurs gynécologues interrogés rapportent une tout autre approche. A Lucerne, la doctoresse Ingrid Schneider administre de l’ibuprofène et du misoprostol en amont. Ce dernier est également utilisé dans les interruptions médicales de grossesse, car il assouplit le col de l’utérus. Schneider admet:

«C’est plus pour rassurer la patiente que par réelle conviction de l’efficacité»

Chez les femmes souffrant d’endométriose, où la douleur pelvienne est fréquente, elle pratique un bloc cervical avec deux injections anesthésiantes.

A Lucerne également, le docteur Jörg Klatt insiste sur le principe d’humanité. Selon lui, même un effet placebo mérite considération s’il peut atténuer une souffrance.

Quant au Docteur Thomas Eggimann, secrétaire général de la Société suisse de gynécologie et d'obstétrique (SGGG) et chef adjoint à la clinique gynécologique de l’hôpital d’Emmental, il explique que son expérience de 30 ans l’a amené à privilégier les explications détaillées et la verbalisation de chaque geste pour «emmener» la patiente avec lui. Il n’utilise qu’exceptionnellement l’anesthésie ou le bloc cervical.

La Suisse en retard sur les Etats-Unis?

En Suisse, les directives officielles ne reflètent donc pas la pratique réelle. Aux Etats-Unis, cette incohérence a été corrigée à l’été 2024. Depuis août dernier, il est recommandé d’élaborer un plan antalgique pour chaque patiente, et qui peut inclure une anesthésie locale ou un bloc cervical. Les lignes directrices américaines insistent également sur le fait que la perception de la douleur est hautement individuelle. La Suisse est-elle en retard?

Pour la doctoresse Stephanie Verta, ancienne cheffe de service à la clinique gynécologique de l’Hôpital cantonal de Lucerne, et spécialisée dans la prise en charge des femmes souffrant d’endométriose, la réponse est claire:

«Les Etats-Unis sont souvent un peu en avance en matière de connaissances médicales. La Suisse suit quelques années plus tard. On est un peu old school.»

Mais pourquoi persiste-t-on à considérer qu’un geste pouvant provoquer des malaises ne nécessite pas de traitement antalgique? Pour Stephanie Verta, la réponse est neurologique:

«Les nausées, les vertiges, les pertes de connaissance peuvent s’expliquer par la zone stimulée. Certains nerfs réagissent très fortement au contact»

Selon elle, un autre problème réside dans la manière dont les douleurs des femmes sont souvent minimisées. Elle dit:

«On peut parler ici de "medical gaslighting". On fait croire aux femmes que leur ressenti est exagéré ou erroné. Cela tient aussi au fait qu’on accorde moins de crédit aux plaintes féminines concernant la douleur.»

Mieux informer pour mieux protéger

Pour Verta, l’enjeu est aussi d’assurer un meilleur accès au stérilet, qui reste un excellent moyen de contraception:

«Nous avons là une méthode efficace. Il faut la proposer de manière à ce que les femmes aient envie de l’utiliser»

La première étape consiste à informer clairement sur les douleurs possibles, sans les minimiser ni les dramatiser. Comme pour Priska, qui avait été prévenue, qui a reçu un spray anesthésiant et s’est sentie suffisamment en confiance.

Priska ressort finalement du cabinet médical:

«La pince a vraiment pincé, c’était très désagréable pendant trois secondes, raconte-t-elle, mais je pensais que ce serait pire.»

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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