Suisse
Société

En Suisse: «Des dents saines ne devraient pas être un luxe»

«Es gibt grosse Löcher in der Sozialzahnmedizin» – das sagt die Politik zum
Zähne-Ziehen bei Geflüchteten. Photomontage zeigt Nationalrat Michael Graber (SVP) und Nationalrätin Nina Schläfli (SP) vor  ...
La conseillère nationale PS Nina Schläfli et le conseiller national UDC Michael Graber prennent position sur l'enquête de watson.Image: watson/keystone/imago

La Suisse arrache les dents des réfugiés: «Ethiquement, ça me convient»

La Suisse arrache rapidement les dents aux demandeurs d'asile, comme le montre notre enquête. Pas de problème, estime un conseiller national UDC. Une politicienne du PS voit un besoin de réforme, au-delà du domaine de l'asile.
20.07.2025, 19:0020.07.2025, 19:00
Hanna Hubacher
Hanna Hubacher
Plus de «Suisse»

Lorsque l'on parle des requérants d'asile et des traitements dentaires, on reproche souvent aux réfugiés de se faire «refaire» les dents aux frais du contribuable. En effet, une grande partie des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes bénéficiant du statut de protection S sont soutenus par les pouvoirs publics.

Pourtant, comme le montre notre enquête, ce reproche ne correspond pas du tout à la réalité des cabinets dentaires suisses. Les personnes concernées et les professionnels de l'asile et de la médecine dentaire décrivent que certaines personnes souffrant de problèmes dentaires sont placés devant le choix suivant:

  • Soit se faire arracher la dent.
  • Soit prendre des analgésiques.

On vous raconte toute l'histoire ici 👇

Certes, l'arrachage des dents fait partie des recommandations de l'Association des médecins-dentistes cantonaux (AMDCS) pour les personnes relevant du droit d'asile, car cette solution est efficace et peu coûteuse. Mais le coprésident de cette organisation, Peter Suter, commente:

«Placer les requérants d'asile devant le choix entre l'extraction d'une dent ou la prise d'analgésiques, sans les informer sur les alternatives possibles, ne va pas dans le sens de la médecine sociale.»

Inacceptable pour le PS, normal pour l'UDC

Interrogé par watson, le conseiller national UDC Michael Graber affirme qu'il considère le système actuel comme «raisonnable, pragmatique et humain». Le Valaisan, qui est membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique, est d'avis qu'il faut échelonner les prestations médicales en fonction du statut du patient:

«Ceux qui n'ont pas de statut de séjour fixe ne devraient recevoir que des prestations limitées»

Même si, dans la pratique, cela signifie parfois arracher des dents sans proposer de traitement alternatif?
Graber répond par l'affirmative:

«Je pense qu'il est juste d'arracher les dents si cela est nécessaire, sans proposer de traitement alternatif. C'est plus que ce que reçoit chaque Suisse qui doit financer lui-même ses soins dentaires.»

Graber affirme qu'une personne réfugiée s'étant fait arracher une dent peut se financer une prothèse dès qu'elle a un travail. Il ne pense pas non plus que les personnes à qui il manque des dents aient des difficultés à trouver un travail. Pour Michael Graber, c'est une question de principe:

«Les pouvoirs publics devraient seulement prendre en charge les traitements en cas de risque d'atteintes aiguës et graves à la santé»
Michael Graber, SVP-VS, spricht waehrend der dringlichen Debatte ueber die parlamentarisch Initiative 21.502 : Wachsende Wolfsbestaende geraten ausser Kontrolle und gefaehrden ohne die Moeglichkeit zu ...
Le conseiller national UDC Michael Graber est en faveur du système actuel.Image: keystone

Nina Schläfli voit les choses diamétralement différemment. La conseillère nationale PS, qui fait partie de la Commission des institutions politiques et s'occupe des questions d'asile, souligne:

«Des dents saines ne devraient pas être un luxe»

La Thurgovienne considère que c'est «intolérable» que les personnes relevant de l'asile reçoivent des prestations inférieures à celles des personnes bénéficiant de l'aide sociale ordinaire.

La médecine dentaire est un domaine coûteux, admet Nina Schläfli. Elle peut donc tout à fait comprendre que tous les traitements des personnes en cours de procédure d'asile ne soient pas pris en charge dès le début. Néanmoins, elle est d'avis que c'est une question de principe:

«L'intégrité physique et la santé ne peuvent pas être mesurées financièrement»
Nationalraetin Nina Schlaefli, SP-TG, am Rand der Wintersession der Eidgenoessischen Raete, am Mittwoch, 20. Dezember 2023 im Bundeshaus in Bern. (KEYSTONE/Alessandro della Valle)
Nina Schläfli, conseillère nationale du PS, veut des réformes dans le domaine de la médecine sociale dentaire.Image: KEYSTONE
Status N, F et S – qu'est-ce que cela veut dire?
Les requérants d'asile dont la procédure d'asile est en cours ont le statut N.
Les étrangers admis provisoirement ont le statut F. Leur demande d'asile a été rejetée, mais ils ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine pour des raisons de sécurité ou de procédure.
Le statut de protection S a été utilisé pour la première fois pour les Ukrainiens. Il autorise un séjour provisoire en Suisse.
Pour les réfugiés reconnus, leur demande d'asile a été acceptée. Ils doivent pouvoir prouver qu'ils ont été persécutés individuellement dans leur pays d'origine.

Selon Nina Schläfli, il ne s'agit pas seulement d'un problème éthique: il ne faut pas non plus négliger les coûts générés par des problèmes dentaires non traités ou à des dents arrachées. Un traitement approprié est dans l'intérêt de tous, elle affirme:

«Il est urgent d'adopter une approche globale, tout le reste ne fait que déplacer les coûts»
tooth extraction with forceps to the patient
Arracher une dent est une procédure relativement peu chère. Les conséquences physiques et psychiques touchant les personnes concernées par cette intervention peuvent pourtant être importantes.Image: iStockphoto

Le conseiller national UDC Graber estime au contraire que la responsabilité individuelle doit être maintenue à un niveau élevé en médecine dentaire:

«C'est le seul domaine médical où la prévention et la responsabilité individuelle fonctionnent»

La politicienne PS Schläfli le contredit:

«La responsabilité individuelle ne résout pas tous les problèmes»

Selon elle, il existe des situations où l'Etat social a un devoir à remplir. Par exemple dans la médecine dentaire sociale pour les personnes relevant du droit d'asile.

En Suisse, la médecine dentaire sociale est déjà un filet de sécurité pour ceux qui ne peuvent pas payer eux-mêmes leur facture de dentiste. Cela ne suffit-il pas?
Nina Schläfli dit que non:

«Il y a de gros trous dans la médecine dentaire sociale»
Une pratique en conflit avec les droits fondamentaux?
Eva Maria Molinari, spécialiste de la Constitution, estime que la pratique actuelle des traitements dentaires relevant du domaine de l'asile est en conflit avec leurs droits fondamentaux. Elle est particulièrement critique à l'égard de l'arrachage des dents lorsqu'il est présenté comme une solution peu coûteuse: «Arracher une dent est irréversible et devrait donc être le dernier recours», déclare-t-elle en réponse à la demande de watson. Si, pour des raisons de coûts, il n'y a pas d'alternative à l'arrachage de dent, cela limite le droit à l'autodétermination: «Le patient ne consent alors pas librement». Les requérants d'asile, les personnes admises à titre provisoire et les personnes bénéficiant du statut de protection S restent souvent en Suisse pour une longue période, rappelle-t-elle. Dans ce cas, elle estime qu'il faut «améliorer le niveau des prestations».

Comme le montre l'enquête de watson, ces trous sont parfois comblés par des privés ou des cabinets dentaires généreux. Mais ce n'est pas une solution viable, dit Schläfli:

«Si l'on vit dans une région où il n'y a pas de fondations ou de médecins-dentistes qui soignent gratuitement, on n'a tout simplement pas de chance.»

Mais que l'on reçoive ou non un bon traitement ne doit pas être une loterie, selon elle:

«Du point de vue éthique, je vois ici un grand point d'interrogation»

Le politicien social et de la santé Graber de l'UDC répond:

«Du point de vue éthique, cela me convient parfaitement»

Même si l'on arrache des dents à des jeunes ou à des réfugiés dont la dentition est par ailleurs saine.

Une réforme est nécessaire, selon le PS

La politicienne socialiste Schläfli estime qu'il est particulièrement nécessaire d'agir en ce qui concerne les personnes ayant le statut F, c'est-à-dire les personnes admises à titre provisoire. Tout comme les requérants d'asile, ils ne reçoivent que des traitements réduits dans les cabinets dentaires, alors qu'ils restent souvent de nombreuses années en Suisse.

Schläfli y voit une inégalité de traitement injuste:

«Les personnes ayant le statut F ont fui les guerres ou la violence au même titre que les réfugiés reconnus, mais elles reçoivent nettement moins de prestations.»

Pour elle, ce statut nécessite une réforme qui va au-delà de la médecine dentaire.

Graber répond par la négative à la question de savoir si des règles plus généreuses devraient s'appliquer aux personnes admises à titre provisoire en matière de soins dentaires. «La demande de ces personnes a été rejetée», dit-il. C'est pourquoi il estime que des prestations limitées, comme dans le système actuel, sont appropriées.

Une assurance dentaire générale comme solution?

Contrairement au conseiller national UDC Graber, la conseillère nationale PS Schläfli estime qu'il est nécessaire d'agir au niveau politique, et pas seulement au niveau du statut F:

«Le système de la médecine dentaire sociale doit être fondamentalement réexaminé»

Selon elle, il faudrait également analyser les différences cantonales et évaluer les coûts et les avantages de la pratique actuelle. Et la question de savoir comment garantir et contrôler des normes minimales.

Selon Schläfli, une solution serait d'avoir une assurance dentaire générale ou d'intégrer les traitements dentaires dans l'assurance maladie de base. Elle soutient que les traitements dentaires représentent un défi financier pour de nombreuses personnes, y compris celles qui bénéficient de l'aide sociale ordinaire ou qui ont un petit budget et doivent se débrouiller sans l'aide de l'Etat. Graber s'oppose fermement à ces propositions.

Sur le plan politique, la revendication de Schläfli devrait avoir du mal à passer. L'année dernière, une motion de la conseillère nationale des Verts Katharina Prelicz-Huber, qui voulait intégrer la couverture de la médecine dentaire dans l'assurance de base, a été rejetée par 123 voix contre 62.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

Etes-vous favorable à une assurance dentaire générale ou à ce que les soins dentaires soient pris en charge par l'assurance maladie de base?
Au total, 82 personnes ont participé à ce sondage.

La parole est à vous: vous avez des problèmes pour payer vos factures de dentiste? Dites-nous tout en commentaire!

21 bébés terrifiants photoshopés avec des dents d'adultes
1 / 24
21 bébés terrifiants photoshopés avec des dents d'adultes
source: sad and useless
partager sur Facebookpartager sur X
Combien payez-vous en assurance-maladie? Des Romands répondent
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
6 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
6
Voici 5 destinations espagnoles hors des sentiers battus
L'Espagne est un lieu de vacances très populaire: il y fait chaud, il y a des plages et ce n'est pas loin. Mais plutôt que s'agglutiner dans les célèbres stations balnéaires et autres grandes villes, de nombreux lieux méritent le détour. En voici 5 à retenir.
Dans de nombreuses stations balnéaires espagnoles, la colère s'intensifie contre le surtourisme. Les locaux se sentent de plus en plus étouffés par la hausse des loyers, les centres-villes bondés et les touristes bruyants. Les protestations aux Baléares, aux Canaries ou à Barcelone en attestent: le seuil de tolérance est atteint. Les voyageurs eux-mêmes confient de plus en plus chercher des alternatives aux hauts lieux touristiques surpeuplés.
L’article