La semaine dernière, la compagnie aérienne Swiss a dû annoncer la suppression de quelque 1400 vols cet été en raison d'une pénurie de personnel de navigation. Et ce, alors qu'en décembre, nous avait décrit la situation du personnel comme «stable».
Swiss a fourni une explication étrange à ce brusque changement. La compagnie explique que le manque de personnel serait dû aux absences de longue durée, trois fois plus élevées que la moyenne à long terme. Et ces absences supérieures à la moyenne seraient dues, entre autres, à des accidents et à des grossesses.
Swiss avance certes plusieurs explications pour justifier cette pénurie de personnel, notamment les formations liées à l’arrivée de la nouvelle flotte d’A350, qui mobilisent une partie des effectifs. Mais l’évocation d’une hausse soudaine des arrêts maladie et des grossesses - plus de trois fois plus fréquents selon la compagnie - rendent certains membres d'équipage sceptiques:
Un autre soupçonne plutôt que c'est une tentative de Swiss de détourner l’attention d’une mauvaise planification interne.
«Il est vrai que le nombre d’arrêts maladie de longue durée a nettement augmenté», reconnaît Thomas Steffen, porte-parole de l’association professionnelle de pilotes Aeropers. Swiss, toutefois, ne communique aucun chiffre précis à ce sujet. Il ajoute:
Du point de vue d’Aeropers, le véritable problème réside dans une charge de travail excessive qui perdure depuis longtemps. Les pilotes sont légalement tenus de se retirer du service s’ils ne se sentent pas en état d’assurer un vol prévu. Et ils le font à juste titre.
Malheureusement, Swiss n'est pas disposée à adopter des mesures qui augmenteraient l'attractivité du métier de pilote, explique Thomas Steffen. Il conclut:
Le porte-parole de Swiss, Michael Stief, affirme que les raisons de cette accumulation supérieure à la moyenne d'absences de longue durée seront examinées attentivement. Il nuance, toutefois, les références au baby-boom ou à une recrudescence d’accidents. Selon lui, ces chiffres seraient jusqu’à trois fois plus élevés que prévu «dans certaines catégories de personnel, selon le grade ou le type d’appareil concerné». Et il l'admet:
On n'aurait, toutefois, pas identifié de problème systématique ou structurel. Il suffit, toutefois, de quatre ou cinq absences supplémentaires dans une petite unité pour qu’il y ait des répercussions sensibles sur l’exploitation.
Et pourquoi Swiss qualifiait-elle encore en décembre la situation du personnel de navigation de «stable», laissants entendre que les vols pourraient être effectués comme prévu? Stief explique que cette estimation reposait sur des hypothèses réalistes à l'époque, qui ne se sont pas vérifiées au cours des derniers mois.
Outre le taux d’absences pour raisons médicales, le porte-parole évoque également la disponibilité réduite de la flotte, impactée par des problèmes persistants dans les chaînes d’approvisionnement, notamment en ce qui concerne les moteurs:
Un autre problème est l'arrivée tardive des nouveaux avions long-courriers Airbus A350. Ceux-ci ne seront probablement pas mis en service avant le début de l'automne:
Une reconversion durerait au moins six mois, voire jusqu'à deux ans selon le poste. Tous ces facteurs rendraient la planification «complexe et sujette à des perturbations».
La compagnie aérienne ne révèle pas le montant du chiffre d'affaires perdu à cause des annulations ni les coûts supplémentaires engendrés par les remboursements ou les changements de réservation. Ce que l'on sait, c'est que le chef d'exploitation et membre de la direction Oliver Buchhofer - lui-même pilote - sera plus souvent que d'habitude dans le cockpit cet été.
Son chef, le PDG de Swiss Jens Fehlinger, qui avait annoncé lors de son entrée en fonction vouloir voler en parallèle comme pilote Swiss, reste pour l'instant au sol, selon le porte-parole Stief, où il aura, lui aussi, du pain sur la planche.
Traduit de l'allemand par Anne Castella