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Un nettoyeur de scènes de crime révèle les secrets de son job

Un nettoyeur de scènes de crime révèle les secrets de son job
Le nettoyeur de scènes de crime Francesco Brighina en tenue complète.dr

Un nettoyeur de scènes de crime raconte ce qui lui plaît dans son métier

Francesco Brighina est nettoyeur de scènes de crime. Dans ce métier pas comme les autres, qui feraient perdre l’appétit au commun des mortels, mieux vaut bien s'accrocher. Pourtant, il y a aussi des bons côtés.
11.03.2025, 05:3411.03.2025, 09:36
Kendra Kotas
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«Ici, on voit le contour du corps», m'explique Francesco Brighina. Assis sur sa chaise, il parle calmement et avec maîtrise. Mince, les cheveux soigneusement coiffés en arrière et des tatouages dépassant légèrement de ses vêtements, il me montre des photos sur son téléphone. Des pièces remplies de sang, de déchets et des traces laissées par des corps restés là pendant plusieurs jours.

Sans une telle sérénité, je le verrais mal exercer son métier. Car Francesco exerce un job peu commun: il est nettoyeur de scènes de crime. Mais au fait, comment finit-on par passer la serpillière à l'endroit où sont décédées des victimes dans des circonstances affreuses?

Un spécialiste reconnu

Enfant, Francesco Brighina rêvait d'une tout autre carrière. Policier, pilote ou soldat: «Je voulais porter l'uniforme», raconte-t-il. Mais les aléas de la vie le mènent vers un destin plus terre-à-terre. En 1988, Francesco fonde l’entreprise Brighina, spécialisée dans le nettoyage de bâtiments.

A ce moment-là, il n'a pas en tête de finir nettoyeur de scènes de crimes. Mais Francesco ne craint pas de se salir les mains et, contrairement à d'autres entreprises de nettoyages, il accepte quelques boulots liés au nettoyage de pièces dans lesquelles se trouvait un cadavre. Avec le temps, il est devenu un spécialiste et aujourd’hui, il est l’un des rares nettoyeurs de scènes de crime spécialisés reconnus en Suisse.

Il intervient après la police

Tout commence par un appel, généralement de la police, d’une administration, d’une prison ou même de particuliers, selon le type de nettoyage requis. Lorsqu’il s’agit d’un lieu où s’est déroulé un suicide, un accident ou un crime, il ne peut intervenir qu’après l’autorisation de la police.

«Il est déjà arrivé que des proches, encore sous le choc, m’appellent avant même l’arrivée de la police. Dans ces cas-là, je dois leur expliquer la procédure à suivre»
Francesco Brighina

Au bout du fil, il recueille toutes les informations nécessaires pour planifier son intervention. «A ce moment-là, il faut garder son calme», précise-t-il. Il pose des questions sur l’état du lieu, le type de sol ou les circonstances du décès. En fonction de l'endroit où la scène de crime a eu lieu, la méthode d’intervention varie, qu'il s'agisse d'un bâtiment ancien ou moderne, une maison, un appartement, une salle de bain, une cuisine, sur de la moquette ou du parquet.

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Selon le type de sol, il faut procéder de différentes manières.instagram/dr

S'il ne peut pas encore accéder à la scène et que des odeurs se répandent dans la cage d'escalier, la porte d'entrée de l'appartement doit d'abord être scellée. Une fois le feu vert de la police obtenu, Francesco débarque avec son équipe — d'habitude quatre personnes — et se fait une idée de la situation ainsi que de la marche à suivre.

Garder la tête froide

Chaque scène de crime offre des enseignements uniques. Faut-il percer le sol? Doit-on découper ou arracher la moquette? Après 30 ans de pratique, Brighina est un véritable expert. Dans ce métier, il faut être polyvalent: à la fois artisan et nettoyeur. Et il est indispensable de savoir garder la tête froide.

«On peut vite faire une erreur. Il ne faut pas sous-estimer ce métier. Beaucoup veulent tenter l'expérience, mais le savoir-faire est essentiel»
Francesco Brighina

Lors du nettoyage, Francesco porte, en plus de sa combinaison intégrale et de son masque, quatre paires de gants superposées pour se protéger. La désinfection est l’une des étapes les plus cruciales du processus. Heureusement, il n’est jamais tombé malade. Mais une fois, il s’est coupé un doigt et de l’eau contaminée provenant du nettoyage est entrée en contact avec la plaie.

«Là, j’ai vraiment eu peur»
Helm Brighina
Le masque que porte Francesco lors de ses interventions.dr

Lorsque les gens voient arriver sa voiture, sur laquelle est écrit «nettoyage de scènes de crime», ils s'attendent immédiatement au pire. D'autant plus s'il débarque habillé de manière complète.

Syndrome de Diogène

Lors d'un nettoyage, tous les scénarios sont possibles. Sa spécialisation inclut également le nettoyage d’appartements de personnes atteintes du syndrome de Diogène. Ces logements, souvent extrêmement négligés, appartiennent à des personnes qui, en raison de divers coups du sort ou de maladies, ne sont plus capables de prendre soin d’elles-mêmes.

Il arrive aussi régulièrement que Francesco tombe sur de l'argent. Le montant le plus important qu'il ait jamais trouvé était de près de 30 000 francs. Mais Francesco ne peut pas le garder et aucune récompense n'est présente à la clé — il ne s'attend d'ailleurs pas à en recevoir.

Pendant un certain temps, Francesco postait des vidéos de son travail sur TikTok. Cependant, il a supprimé son compte, changeant d'avis sur le fait que les gens puissent voir ces images. Il hésite également à supprimer son compte Instagram.

En été, des odeurs, des asticots et des mouches

Le nettoyage peut durer un jour comme une semaine. Il est parfois présent sur près cinq scènes de crime par mois. En été, il y a plus de travail. C'est la période la plus exigeante en raison de la chaleur: l'odeur s'intensifie rapidement, il y a des asticots et des mouches. Outre la chaleur, le pire dans ce métier, ce sont les nettoyages dans les appartements de personnes souffrant du «syndrome de Diogène», soit ceux où l'habitant accumule tout et n'importe quoi sans arriver à jeter quoi que ce soit. Avec comme conséquence, une insalubrité totale.

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Un de ces appartementsdr

Francesco raconte un cas où une famille a accumulé des déchets pendant plusieurs années dans une pièce de leur appartement, où ils faisaient également leurs besoins. Cette pièce était infestée de rats et de mouches. Tout cela a été découvert lorsque des camarades de classe des enfants de la famille se sont plaints de l'odeur. Francesco, visiblement affecté, commente:

«Quand des enfants sont impliqués, c'est particulièrement triste»
Francesco Brighina

Il se souvient d'un cas où, après avoir nettoyé la scène du suicide d'un père de famille, il a rencontré les proches. Les enfants étaient complètement perturbés. «L'un d'eux frappait sa tête contre le mur», raconte-t-il. En tant que père, cela l'affecte encore davantage. Sa plus grande peur est de devoir nettoyer un endroit où un enfant est décédé. Heureusement, cela ne lui est pas encore arrivé.

Il calme la situation

On pourrait penser que son métier lui couperait l'appétit. Mais ce n'est pas le cas. Il n'a d'ailleurs aucun problème à manger après ses interventions, même devant un film policier sanglant. Mais le vrai côté agréable de son métier, c'est la gratitude des proches.

«Je calme un peu la situation»
Francesco Brighina

Un bon nettoyage en profondeur le met de bonne humeur. Quand on ne voit plus que quelque chose d'affreux s'est passé à cet endroit. Dans certains cas, il y pense un peu plus longtemps. «On emporte un peu du travail à la maison», dit-il. «Lors d'un suicide, on se pose des questions sur sa raison.»

Les appartements fortement insalubres des «syndromes de Diogène» sont particulièrement tristes, car on se demande comment les gens en sont arrivés là, confie Francesco. Dans certains cas, c'est la combinaison de l'alcool et de la perte d'un être cher qui ont conduit à cette situation. Mais le temps guérit toutes les blessures et de nouveaux cas arrivent.

«On devient un peu moins sensible»
Francesco Brighina

L'Italien arrive toutefois à déconnecter de son travail grâce à son saxophone. Lorsqu'il joue, il oublie tout autour de lui. Il préfère jouer du jazz ou du blues. Il parle fièrement de son instrument, un Selmer Mark 6.

Saxophon Brighina
Le saxophone de Francesco Brighina, un Selmer Mark 6.Image: watson

Sa collaboratrice l'appelle depuis son bureau et lui demande de jouer un morceau. Ils rigolent. Il rejette la suggestion d'un geste de la main. Ce sera pour un autre jour.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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