Dans les milieux diplomatiques à Bruxelles, la feuille de route est claire: vendredi, le Conseil fédéral prendra une décision formelle sur le résultat des négociations avec la Suisse. Les textes de loi seront finalisés et introduits dans le processus parlementaire au plus tôt en 2025. «Cet ensemble de mesures devrait très probablement être soumis à un référendum en 2027», a indiqué la Commission européenne aux 27 Etats membres, selon un rapport interne que nous avons consulté.
Cependant, 2027 est une année électorale en Suisse. Et les partis de l’alliance pour les bilatérales — PLR, Centre, PS, Verts et Vert'libéraux — ne voudront certainement pas offrir ce cadeau à l’UDC en mettant au programme, peu avant les élections, la votation la plus controversée de la décennie. Seules deux options sont envisageables: organiser la votation au plus tard en février 2027, ou la repousser à 2028.
Des échanges avec des représentants influents de plusieurs grands partis laissent entendre que le scrutin pourrait être reporté. «Nous parviendrons à soumettre les Bilatérales III au vote populaire dans la deuxième moitié de 2028. Il est peu probable que cela se fasse plus tôt», estime Simon Michel, conseiller national PLR et entrepreneur.
Cela est d'abord dû aux processus politiques à venir: la clarification juridique des textes à Berne et à Bruxelles. A partir de mai ou juin, une consultation sera lancée auprès des associations et des partis. L’analyse des contributions prendra jusqu'au printemps 2026. Le projet de loi du Conseil fédéral sera soumis d'ici mars 2026.
Ce n'est qu'après cela que commenceront les discussions en commission, bien qu'il soit encore complètement incertain dans quelles commissions elles auront lieu. Pratiquement toutes les commissions sont concernées, de la Commission de politique extérieure à celles de l'économie, de l'énergie et de la politique intérieure. Actuellement, l’idée d’établir une commission spéciale, comme cela avait été fait dans les années 90 pour la révision totale de la Constitution fédérale, gagne du terrain.
La commission devra d'abord être formée. Par la suite, le Conseil national et le Conseil des Etats devront traiter et adopter le dossier en seulement deux sessions. Selon plusieurs stratèges politiques, cela semble irréaliste et, étant donné la portée et l'importance des accords, peu crédible. En résumé, un vote avant début 2027 paraît quasiment impossible à ce stade.
Cela déplaît aux parlementaires pro-européens. Ils craignent qu'un combat référendaire de près de quatre ans n'érode les accords négociés. «Les arguments pour ou contre la sécurisation de la voie bilatérale sont déjà sur la table», déclare, par exemple, la conseillère nationale centriste Elisabeth Schneider-Schneiter (BL).
En ce qui concerne le débat de fond, Elisabeth Schneider-Schneiter a raison. Mais sur le plan de la politique intérieure, il reste encore à discuter, surtout au sein de l'ancienne coalition pro-européenne composée du PLR, du Centre et du PS. Les quatre points suivants sont au centre de ces discussions:
En ce qui concerne le premier point, selon les médias, le Conseil fédéral lui-même est arrivé à la conclusion que les trois nouveaux traités devaient être traités séparément. Certes, ils doivent tous être soumis au peuple en même temps, mais celui-ci pourrait se prononcer séparément. Avec une restriction: si les votants disent non à l'accord de base avec règlement des différends et reprise dynamique du droit, les trois nouveaux accords seront également rejetés. En revanche, ils pourraient rejeter séparément l'accord sur l'électricité, par exemple.
Le débat national sur la protection des salaires est déjà bien lancé: les partenaires sociaux s'opposent sur les nouvelles mesures destinées à sécuriser le niveau des salaires en Suisse. Cela entraînera des débats houleux au Parlement. Une solution rapide n'est pas à prévoir. Parallèlement, les syndicats et les associations patronales rejettent unanimement la règle des frais de l'UE, car elle pourrait indirectement conduire à un dumping salarial. Par lettre, le dirigeant syndical Pierre-Yves Maillard a demandé de nouvelles négociations avec Bruxelles. Un point de blocage.
Il est encore difficile d'évaluer la décision concernant un référendum facultatif ou obligatoire: les traités doivent-ils seulement obtenir la majorité du peuple ou faut-il également une majorité des cantons? Le PLR et le Centre sont divisés sur la question. Les débats au Parlement s'annoncent passionnants.
Reste le quatrième point, la stratégie à adopter face à l'initiative de l'UDC contre une Suisse à 10 millions d'habitants. Celle-ci aboutit en dernière instance à la résiliation de la libre circulation des personnes. En l'état actuel des choses, le peuple votera sur cette question avant de se prononcer sur les nouveaux accords bilatéraux. Cela s'explique notamment par des calculs politiques partisans.
En effet, certains voient dans la lutte contre l'initiative de l'UDC une chance de reforger l'alliance des partis en faveur des Bilatérales. Et ce, en proposant un contre-projet direct au niveau constitutionnel: en août déjà, le président du Centre, Gerhard Pfister, a proposé à la NZZ une clause de sauvegarde contre l'immigration excessive, limitée dans le temps, à l'échelle régionale et à certaines branches. De son côté, Simon Michel a récemment évoqué une taxe de 10 000 francs par travailleur recruté à l'étranger afin de freiner l'immigration.
Cependant, il manque encore l'implication du PS et des syndicats. Pour la gauche, une contre-proposition qui se limite à s'opposer à l'immigration ne sera probablement pas suffisante. Ils insisteront également pour des mesures visant à promouvoir le soi-disant potentiel de la main-d'œuvre locale: davantage de places de crèches à prix abordables, des allocations familiales plus élevées ou des mesures dans le domaine du logement pour lutter contre la hausse des loyers.
Si un accord est trouvé, de nouvelles perspectives s'ouvrent: l'alliance se lancerait alors unie dans la lutte contre l'initiative de l'UDC avant les élections de 2027. En cas de non, elle en sortirait renforcée. En cas de oui, la voie bilatérale serait de toute façon remise en question. En attendant, le PLR, le Centre et le PS repoussent les querelles sur le traité des Bilatérales après les élections de 2027. Le PLR et le Centre évitent ainsi une épreuve interne juste avant ou même pendant l'année électorale: tant que le processus parlementaire n'est pas terminé, ils n'ont pas à se prononcer définitivement pour ou contre le traité des nouvelles Bilatérales.
Si le Conseil fédéral annonce vendredi la conclusion des négociations, cela marquera également le début de la plus longue campagne de votation de Suisse. Bruxelles s'y prépare d'ailleurs aussi: selon nos informations, le commissaire européen Maros Sefcovic a mis en garde mardi les Etats membres contre un processus de ratification difficile et plein d'incertitudes. Rien ne peut être considéré comme sûr, a-t-il déclaré.
Traduit et adapté par Noëline Flippe