Mis sous pression par le rectorat, les professeurs apparus en première ligne des mobilisations propalestiniennes du printemps dernier à l’Université de Lausanne (Unil) lancent la riposte. Une nouvelle association s'apprête à voir le jour à l’initiative d’un «collectif informel» d'enseignants de l’Unil et de l’EPFL, a appris watson.
A cette fin, une assemblée générale est convoquée mercredi 11 décembre pour voter les statuts de l’association. Son but est de «défendre la liberté académique et de promouvoir la démocratie et la solidarité au sein des Hautes Ecoles établies dans le canton de Vaud et au-delà». La réunion se tiendra dans le bâtiment Geopolis de l’Unil, où un mouvement d’occupation étudiant en faveur des Gazaouis, bombardés par Israël à la suite du 7 Octobre, avait élu domicile avant d’être contraint de quitter les lieux.
Parmi les signataires appelant à la création de l'association, on trouve les professeurs Olivier Fillieule et Bernard Voutat, désormais professeur honoraire, la maîtresse d’enseignement et de recherche à l’EPFL Julia Steinberger, ainsi que le professeur invité Joseph Daher, tous engagés dans le mouvement universitaire de défense du peuple palestinien.
Cette association peut être comprise comme un geste à la fois politique et juridique. Elle se veut un instrument de soutien aux personnes inquiétées par le rectorat. En effet, plusieurs actions sont en cours. Elles témoignent de la détermination de la direction universitaire, accusée de mollesse lors de l'occupation du mois de mai, de ne pas laisser sans réponse un activisme propalestinien pouvant enfreindre la loi ou le règlement.
L’Unil a ainsi procédé à des dénonciations pénales auprès du ministère public du canton de Vaud (MPV), apprenait-on mi-septembre via la RTS. Certaines portent sur des dommages à la propriété (tags, déprédations de bâtiments). Mais la plus importante fait suite à la publication, par un «collectif Unil-Palestine» anonyme, d’un rapport contenant une liste nominative de professeurs de l’Université de Lausanne, accusés d’entretenir des partenariats avec des facultés israéliennes.
Révélée fin mai par Le Temps, cette information a scandalisé en ce qu’elle mettait au jour une pratique interprétée comme un acte de délation, doublé d’une possible mise en danger des personnes citées. Des membres du personnel enseignant de l’Unil ont-ils pris part à ce rapport anonyme? Le MPV répondra peut-être à cette question. Joint par watson, il renseigne sur les procédures en cours:
Ensuite, un article de 24 Heures daté du 16 novembre, où le nom de Joseph Daher, professeur invité de l’Unil, est cité, a semble-t-il indigné le «collectif informel» à l’initiative de la création de l’association en défense de la «liberté académique». «Daher ne fait apparemment pas de distinction entre ses rôles de militant et d’enseignant», est-il écrit dans l’article. Avec d'autres professeurs, Joseph Daher a encadré la mobilisation étudiante propalestinienne de mai dernier à l’Unil.
Dans un droit de réponse ajouté le 2 décembre à l’article du quotidien vaudois, le mis en cause écrivait, notamment: «Depuis le début de mon enseignement à l’Unil, je n’ai jamais reçu aucune plainte sur la qualité de mon travail. Mon expertise est reconnue en Suisse et au niveau international.»
Une partie des arguments figurant dans ce droit de réponse se retrouve dans l’invitation lancée la semaine dernière à l’ensemble des enseignants de l’Unil en vue de constituer l’association précitée. Il y est fait référence aux «recommandations de Gina Romero, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la liberté de rassemblement et d’expression». Laquelle déclarait en octobre 2024, en soutien aux mobilisations propalestiniennes:
Enfin, des enquêtes administratives déclenchées par le rectorat sont en cours, a appris watson. Les personnes visées seraient des collaborateurs de l'UNIL ayant participé aux actions propalestiniennes. Il leur serait reproché des manquements à leurs obligations contractuelles. Les sanctions peuvent aller du blâme à la rupture de contrat.
Cette personne enseignant à l’Unil a reçu l’invitation à l’assemblée générale qui aura lieu ce 11 décembre. Voici ce qu'elle pense de cette initiative:
La création de l'association est-elle un baroud d’honneur, traduit-elle une fébrilité ou annonce-t-elle le retour en force de professeurs s’estimant injustement traités par les autorités universitaires? Dans cette affaire, il s'agit d'éviter l'écueil de la censure, tout en rappelant la responsabilité individuelle et donc l'honnêteté intellectuelle des dépositaires du savoir académique.