De petites couronnes d'écume ornent la Vispa, qui serpente paisiblement à travers la vallée de la Matter. Sans les pelleteuses qui sortent ici et là des pierres hors du lit de la rivière, on en oublierait presque la violence avec laquelle le cours d'eau a dévalé la vallée il y a quelques semaines. A sept endroits, il a même submergé le tracé de la voie ferrée et gravement endommagé les rails. La ligne entre Viège et Täsch restera donc interrompue jusqu'à la mi-août et des bus de remplacement ont été mis en place.
Ces récents événements montrent à quel point la vallée est vulnérable aux phénomènes naturels. Ils soulignent qu'il faut s'attendre à davantage de dangers de ce genre, notamment «à cause de la progression du changement climatique et du recul du permafrost», analyse la Matterhorn Gotthard Bahn.
De Viège à Zermatt, la vallée de la Matter est «étroite et escarpée, et donc particulièrement exposée». Même en hiver, la ligne de train et la route sont régulièrement coupées, par exemple par des avalanches. Si cela se produit - contrairement au cas actuel - sur le tronçon le plus haut, la station de vacances du pied du Cervin se retrouve alors coupée du monde.
Pour éviter cela à l'avenir, un projet gigantesque est en préparation. Les travaux de construction d'un tunnel ferroviaire reliant Täsch à Zermatt devraient débuter en 2028, la mise en service étant prévue pour 2035. Ce nouvel ouvrage, officiellement baptisé «Unnerchriz», protégera ainsi des dangers naturels la liaison entre les deux communes toute l'année.
La localité de Zermatt, interdite aux voitures et accessible aux touristes uniquement en train ou en taxi, bénéficiera d'une autre amélioration. En effet, grâce au tunnel, le temps de trajet entre elle et Täsch sera réduit de moitié, passant de douze à six ou sept minutes.
De plus, les trains circuleront désormais toutes les quinze minutes, contre 20 actuellement. Cela permettrait «d'augmenter sensiblement les cadences», selon les chemins de fer. Les jours de pointe, plus de 10 000 personnes utilisent la ligne; celle-ci n'arrive aujourd'hui plus à absorber ce flux, notamment aux heures de grande affluence pendant les vacances.
Et la Matterhorn Gotthard Bahn s'attend à une nouvelle augmentation de la clientèle «à court, moyen et long terme» - en raison de la hausse du nombre de voyageurs dans les transports publics en général, du rayonnement international de la destination ainsi que de l'extension prévue de la double voie au Lötschberg. L'aménagement du tunnel permet d'anticiper cela et d'augmenter les capacités grâce à la réduction des temps de parcours.
Mais le chemin est encore long. Il faut préparer le dossier pour la mise à l'enquête publique. Il pourrait faire l'objet d'oppositions, ce qui retarderait le projet. Les négociations pour l'achat de terrain devraient avoir lieu avec les propriétaires fonciers en 2025.
La Matterhorn Gotthard Bahn est en charge de la planification et du chantier. Le tunnel devrait faire plus de quatre kilomètres de long sur une seule voie et devrait comporter un point de croisement au milieu.
La section valaisanne de l'Association transports et environnement (ATE) se dit «fondamentalement pour». Elle estime qu'une liaison sûre en transports publics est particulièrement importante dans les régions de montagne, explique la directrice haut-valaisanne Sonja Oesch. Mais il est encore trop tôt pour prendre position de manière détaillée, l'organisation attend la mise à l'enquête publique.
Le projet reste dans tous les cas ambitieux, y compris sur le plan financier. Selon l'estimation actuelle, il coûterait 460 millions de francs (avec une marge d'erreur de 20%). C'est déjà nettement plus que ce qui était prévu à l'origine: en 2019, on parlait encore de 330 millions.
Dans le cadre de l'étape d'aménagement 2035 du rail, la Confédération prend à sa charge l'entièreté du montant. L'Office fédéral des transports (OFT) a donc également un œil sur cette évolution. Dans son dernier rapport sur l'état d'avancement du programme d'extension, il a jugé que l'«Unnerchriz présente des risques en termes de coûts». La Matterhorn Gotthard Bahn argumente que l'estimation financière reste un défi compte tenu de l'ampleur et de la durée des travaux.
Pour le chef de projet de la compagnie, Roland Heinzmann, ce tunnel constitue un «enrichissement énorme» pour la région. De nombreuses personnes profiteraient de ses avantages. Mais l'entreprise prend aussi «très au sérieux» les doutes et les questions des citoyens. A ses yeux, les critiques doivent être entendues le plus tôt possible afin d'en tenir compte dans la mise en œuvre.
Il s'agit d'un «chef-d'œuvre d'ingénierie», poursuit Roland Heinzmann. Il comporte plusieurs points délicats, dont principalement l'exiguïté du site pour le transport et les infrastructures d'installation à Täsch et à Zermatt. Toujours selon l'employé de la compagnie, la géologie de la roche «n'est par ailleurs pas entièrement prévisible malgré toute l'expertise et les forages d'essai».
De plus, il faudra excaver environ 460 000 mètres cubes de matériaux. Leur traitement, leur évacuation et leur stockage relèvent du défi. Il faudra aussi préserver la population des nuisances sonores et de la poussière grâce à des machines et des appareils à bruit réduit, ainsi que des tapis en caoutchouc. En outre, le risque de dangers naturels perdurera pendant la période de construction.
Restent enfin les inquiétudes environnementales. Ainsi, sur le territoire de la commune de Täsch, qui doit accueillir le portail du tunnel, le projet touche des habitats et des forêts protégés et dignes de protection. Cet empiètement pourra vraisemblablement être compensé dans le cadre du démantèlement de la ligne existante, estime la Matterhorn Gotthard Bahn.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)