«Une attaque frontale contre le service civil» se dessine en Suisse
Après les derniers sondages, la défaite était attendue – mais pas avec une telle ampleur : 84,15 % ont rejeté l’initiative «Service citoyen». La gifle est nette: il n’y aura pas de «service civique» généralisé auquel les Suissesses auraient aussi été soumises. L’initiative s’est heurtée à une opposition tant à gauche qu’à droite. Le parti Vert'libéral était la seule formation à la soutenir.
Même après ce dimanche de votation, l’obligation de servir reste un sujet brûlant. Dans un contexte sécuritaire européen tendu, les partis bourgeois redoutent que l’armée et la protection civile ne disposent pas du personnel nécessaire en cas de crise.
Initiative service citoyen
Dépouillés: 26/26 | Etat: Résultats
15,9% Oui
84,1% Non
0 cantons
23 cantons
La protection civile comptait début 2025 environ 57 000 membres. La «taille cible» fixée par le Conseil fédéral s’élève toutefois à 72 000. Le Parlement a déjà réagi: en mars, il a modifié la loi. Les personnes affectées à la protection civile doivent désormais servir jusqu’à 40 ans au lieu de 36 et peuvent être transférées dans d’autres cantons. Les civilistes peuvent aussi être réaffectés à la protection civile si ses effectifs sont insuffisants.
Une nouvelle votation pointe déjà
La discussion sur les effectifs de l’armée est encore plus polémique. Aujourd’hui, elle compte 146 718 militaires – un sureffectif par rapport au contingent cible de 140 000. Mais d'ici à la fin de la décennie, le Conseil fédéral prévoit un recul vers 125 000 membres, entraînant un sous-effectif.
Pour éviter ce scénario, la majorité de droite au Parlement fédéral a durci, cet automne, la loi sur le service civil. Six mesures visent à réduire les passages au service civil de militaires ayant déjà accompli l’école de recrues ou des cours de répétition. Le PS, les Verts, le GSsA et d’autres organisations ont lancé un référendum. La votation devrait se tenir le 14 juin 2026.
Le Conseil fédéral travaille depuis longtemps à une réforme de fond de l’obligation de servir. L’objectif: garantir sur la durée les effectifs de l’armée et de la protection civile. Deux modèles ont été étudiés en détail:
- L’obligation de service de protection.
- L’obligation de servir en fonction des besoins.
Dans le premier modèle, protection civile et service civil fusionneraient en un service de gestion des catastrophes, impliquant davantage de jours de service. Le service civil tel qu’il existe aujourd’hui – missions individuelles dans le social, la santé ou les soins – serait de facto éliminé.
Des réformes coûteuses
Dans le modèle basé sur les besoins, les femmes seraient, elles aussi, convoquées à la journée de recrutement. Seuls les profils nécessaires à l’armée et à la protection civile seraient incorporés. Les autres paieraient une taxe. Le service civil serait globalement maintenu. Les deux variantes seraient nettement plus coûteuses que la situation actuelle: 900 millions de francs d’investissements uniques et des surcoûts annuels d’un montant similaire.
Le Conseil fédéral souhaitait d’abord observer les effets des changements déjà adoptés dans les lois sur le service civil et la protection civile. En janvier 2025, il a donc repoussé son choix entre les deux modèles à fin 2027.
Un délai qui a irrité les élus de droite versés dans la sécurité. En juin, les deux Chambres ont adopté une motion identique demandant au Conseil fédéral de présenter rapidement un projet d’obligation de service de sécurité.
Le conseiller national PLR Heinz Theiler, l’un des auteurs de la motion, estime que les futurs sous-effectifs doivent être traités sans attendre. Selon lui, même les cantons privilégient ce modèle à celui basé sur les besoins:
Avec une proposition du Conseil fédéral sur la table, il serait possible de débattre largement des surcoûts et des implications pour le service civil. Pour lui, c’est clair: «La sécurité a un coût, et le service civil dans sa forme actuelle ne doit pas être intouchable.» Une alternative resterait néanmoins disponible pour les personnes refusant le service militaire pour des raisons de conscience.
«Attaque frontale contre le service civil»
Pour la conseillère nationale Priska Seiler Graf (PS/ZH), l’idée d’une armée sous-dotée relève d’un «narratif idéologique destiné à justifier une attaque contre le service civil». Elle rappelle que l’armée dispose actuellement d’un sureffectif, en contradiction avec la loi. Il pourrait certes y avoir une légère baisse temporaire d’effectifs à la fin de la décennie, mais celle-ci serait due au fait que, dans le cadre de la réforme DEVA (réforme majeure de l’armée suisse visant modernisation et meilleure disponibilité opérationnelle), «deux contingents seront libérés simultanément, volontairement et sans pression extérieure».
Elle estime que les problèmes de la protection civile peuvent être réglés sans réforme structurelle, notamment grâce à la suppression de l’obligation de servir au lieu de domicile. L’obligation de service de sécurité constitue selon elle:
Elle avertit que les partis bourgeois prennent un risque politique majeur. Lors de la récolte de signatures contre le durcissement de la loi sur le service civil, elle constate à quel point ce dernier reste populaire dans la population.
Le débat sur le « service citoyen » se clôt. Celui sur l’avenir de l’obligation de servir ne fait que commencer.
