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Tout savoir sur l'«Initiative pour l'avenir» des jeunes socialistes

Les riches ont un impact plus important sur le climat, c'est pourquoi ils devraient, selon les jeunes socialistes, en assumer les conséquences avec l'impôt sur les successions.
Les riches ont un impact plus important sur le climat, c'est pourquoi ils devraient, selon les jeunes socialistes, en assumer les conséquences avec l'impôt sur les successions.Image: dr / Mathis Bovet

La vie des super-riches suisses pourrait basculer le 30 novembre

Les Suisses voteront fin novembre sur un impôt inédit visant les héritages de plus de 50 millions, censé financer la lutte contre le changement climatique. On vous explique de quoi il retourne.
19.10.2025, 11:5519.10.2025, 11:55
Doris Kleck / ch media

Le 30 novembre, la Suisse se prononcera sur une initiative lancée par les Jeunes socialistes: instaurer un impôt fédéral de 50% sur les successions et donations dépassant 50 millions de francs. Présenté comme un outil de justice climatique, le texte divise.

Sur quoi porte l'initiative?

Les héritages et les donations supérieurs à 50 millions de francs seraient imposés à hauteur de 50%. Voici un exemple simple. Sur une succession de 60 millions, seuls 10 millions seraient taxés, les 50 premiers millions restant exonérés. A un taux d’imposition de 50%, cela représenterait 5 millions pour les impôts.

Pour un patrimoine d’un milliard, 950 millions seraient soumis à l’impôt, soit 475 millions de francs pour les caisses publiques. Deux tiers de ces recettes iraient à la Confédération, un tiers aux cantons.

La nouvelle taxe s’appliquerait aussi aux donations, afin d’éviter que de généreux cadeaux effectués avant le décès du donateur permettent d’échapper à l’impôt.

A quoi servirait cet impôt?

Les Jeunes socialistes appellent leur texte «Initiative pour l'avenir». Les recettes issues de ce nouvel impôt seraient affectées à la «lutte socialement juste» contre le changement climatique.

Les initiants soutiennent que les personnes les plus riches profitent le plus du système capitaliste, qui serait à l’origine de la crise climatique. De plus, les super-riches seraient responsables d’une part bien plus importante des émissions de CO₂.

C’est pourquoi, selon eux, il serait juste qu’ils en assument aussi les conséquences financières. D’après leurs estimations, environ 2500 personnes seraient concernées par ce nouvel impôt en Suisse.

Existe-t-il des impôts sur les successions en Suisse?

Il existe bien des impôts sur les successions en Suisse. Cependant, ceux-ci sont perçus par les cantons, qui, au fil des décennies, les ont progressivement réduits. De plus, les systèmes fiscaux varient d’une région à l’autre.

Mais nulle part, les conjoints ne paient d’impôt sur les successions ou les donations. Quant aux héritiers directs, ils ne sont imposés qu’en cas d’héritage dans trois cantons:

  • Vaud.
  • Neuchâtel.
  • Appenzell Rhodes-Intérieures.

En 2022, les cantons et les communes avaient perçu près de 1,4 milliard de francs au titre des impôts sur les successions et les donations, soit environ 0,6% de l’ensemble des recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes.

Quelles seraient les conséquences financières?

Les initiants estiment que le nouvel impôt sur les successions rapporterait six milliards de francs supplémentaires. Le Conseil fédéral conteste ce chiffre et met même en garde contre d’éventuelles pertes fiscales s'il était adopté.

Dans son message, le Gouvernement précise que des recettes supérieures à quatre milliards de francs sont théoriquement envisageables, mais il considère aussi que les grandes fortunes adapteraient leur comportement, notamment en quittant le pays. Une part importante des recettes fiscales issues de ces revenus pourrait ainsi disparaître. Le départ des contribuables les plus riches priverait, en outre, la Suisse d’autres sources de revenus, comme l’impôt sur le revenu et sur la fortune.

Dans un scénario pessimiste, les recettes nettes de l’impôt sur les successions pourraient ne représenter que 100 à 650 millions de francs, tandis que les pertes liées aux impôts existants sur le revenu et la fortune atteindraient de 2,8 à 3,7 milliards de francs.

Dans un scénario plus prudent, le Conseil fédéral table sur des recettes de 500 millions à 1,1 milliard de francs, contre des pertes attendues de 1,3 à 1,7 milliard.

Que sera le rôle des élus?

Si l’initiative venait à être acceptée, il reviendrait au Parlement de définir la manière de la mettre en œuvre dans la loi. Les initiants veulent éviter que, dans l’intervalle précédant l’entrée en vigueur de son application, les grandes fortunes ne quittent la Suisse pour échapper au nouvel impôt.

C’est pourquoi le texte prévoit une disposition transitoire assortie d’une clause de rétroactivité. En cas de victoire dans les urnes, le nouvel impôt sur les successions et les donations s’appliquerait dès le dimanche du vote. Les dispositions transitoires précisent également que le Conseil fédéral devra adopter des mesures destinées à empêcher toute forme d’évasion fiscale, notamment un départ à l’étranger.

Ces mesures ne s’appliqueraient toutefois pas de façon rétroactive. Reste à savoir comment le gouvernement pourrait concrètement empêcher les plus fortunés de quitter le pays. Le retrait du passeport ou le contrôle des mouvements de capitaux sont jugés comme une mesure disproportionnée.

Le Conseil fédéral se montre aussi réservé à l’égard d’un impôt sur le départ, notamment les 50% sur les fortunes supérieures à 50 millions de francs, qu’il considère comme une atteinte excessive à la liberté individuelle.

Quels moyens pour percevoir cet impôt?

Comme mesure possible contre l’évasion fiscale, le Conseil fédéral évoque la solution où un transfert de domicile à l’étranger pourrait ne pas être reconnu. Le contribuable serait alors de fait, mais uniquement pour l’impôt sur les successions et les donations, encore domicilié en Suisse.

Si cette personne décédait ou effectuait une donation dans les 5 ans suivant son départ, la Suisse pourrait percevoir l’impôt en vertu de ce principe de domicile fictif temporaire. Ce modèle comporte toutefois deux limites. D’une part, un domicile fictif devrait être limité dans le temps. D’autre part, la Suisse devrait conclure des accords avec d’autres Etats afin de pouvoir effectivement recouvrer cet impôt à l’étranger.

Combien d'argent pour le climat?

La Suisse s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. La Confédération consacre chaque année environ deux milliards de francs à la transition des énergies fossiles vers les énergies renouvelables et à la lutte contre le changement climatique. Ces fonds servent notamment à remplacer les chaudières à mazout, à rénover les bâtiments ou encore à soutenir des projets de décarbonation dans l’industrie.

Si l’initiative devait effectivement générer davantage de recettes, il reviendrait au Parlement de déterminer comment ces fonds seraient investis dans la protection du climat. Dans leur argumentaire, les initiants évoquent des investissements dans les transports publics et la rénovation des bâtiments, tout en préconisant l’abandon des secteurs nuisibles au climat. Ils estiment, par ailleurs, que le capitalisme a atteint ses limites et doit être remplacé par un système économique plus durable.

Qui soutient l’initiative?

Le Parti socialiste, les Verts et les syndicats soutiennent l’initiative. En revanche, le Parti vert’libéral, le Centre, le Parti libéral-radical, l’Union démocratique du centre ainsi que les associations économiques la rejettent. Fait notable, l'aile réformatrice du PS s’oppose elle aussi à l’initiative des Jeunes socialistes.

Que disent les opposants?

Deux arguments principaux dominent le débat.

  1. Les pertes fiscales attendues, qui devraient être au final compensées par la classe moyenne.
  2. Il y a les difficultés que la nouvelle taxe poserait aux entreprises familiales de taille moyenne ou grande. Celles-ci pourraient être contraintes de vendre leur société afin de pouvoir s’acquitter de la dette fiscale au moment d’une succession, leur patrimoine étant immobilisé dans l’entreprise et non liquide.

Les partisans de l’initiative estiment toutefois qu’une solution pourrait être trouvée pour ces sociétés familiales, par exemple en leur permettant d’étaler le paiement de l’impôt sur plusieurs années.

Comment cela se passe à l’étranger?

Il est difficile de faire des comparaisons internationales, car chaque pays dispose d’un système fiscal différent. Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) datant de 2021, les recettes provenant des droits de succession et de donation représentent en moyenne 0,6% du total des recettes fiscales. La Suisse se situe ainsi dans la moyenne des pays de l’OCDE, au même niveau que les Etats-Unis, l’Allemagne ou les Pays-Bas.

Les opposants à un impôt fédéral sur les successions soulignent que la Suisse, avec la Norvège et l’Espagne, est l’un des rares pays de l’OCDE à prélever à la fois un impôt sur les successions et un impôt sur la fortune. Ce dernier joue d’ailleurs un rôle beaucoup plus important. En 2022, les cantons ont perçu 5,5 milliards de francs au titre de l’impôt sur la fortune, et les communes 3,5 milliards.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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