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Turquie: Erdogan tente de se faire réélire de manière douteuse

Recep Tayyip Erdogan menace depuis novembre de lancer une op
Le président turc Erdogan pourrait perdre son poste cette année. Image: sda

Comment Erdogan tente de se faire réélire avec des moyens douteux

Les élections présidentielles turques auront lieu en 2023. Le président sortant Recep Tayyip Erdogan est sérieusement malmené, mais il n'a pas dit son dernier mot.
04.01.2023, 05:5604.01.2023, 06:32
Nico Conzett
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La Turquie fêtera un anniversaire important en 2023. En effet, la république qui compte 85 millions d'habitants aura 100 ans cette année. En 1923, le pays a quitté l'Empire ottoman après des années de guerre et sous l'impulsion du père fondateur Mustafa Kemal Atatürk, d'importantes réformes ont été mises en œuvre. La sécularisation a progressé et des structures démocratiques fondamentales ont été créées sur le modèle occidental.

Depuis 2018, date de l'entrée en vigueur d'un référendum constitutionnel initié par le président Recep Tayyip Erdogan et garantissant au dirigeant des droits exécutifs plus étendus, la fonctionnalité démocratique de l'État turc suscite de plus en plus d'interrogations. En 2023, année du centenaire, cette fonctionnalité sera mise à l'épreuve.

La vulnérabilité politique d'Erdogan

Erdogan, âgé de 68 ans, est politiquement faible. Les taux d'inflation records et la situation économique difficile pour la majorité des habitants du pays ont considérablement affaibli la popularité du dirigeant en place depuis 2014 et de son parti, le Parti de la justice et du développement (AKP). Selon les sondages, l'AKP obtient actuellement à peine 30% des suffrages du peuple turc.

Les chances des forces d'opposition dans la République du Bosphore de prendre le pouvoir par la voie démocratique n'ont jamais été aussi bonnes depuis qu'Erdogan dirige le pays. Et ce, bien que les différents partis ne soient pas encore parvenus à s'entendre sur un candidat commun six mois avant les votes de juin.

Erdogan est parfaitement conscient du danger. Il choisit des manœuvres habiles – mais très discutables – pour faire basculer d'une manière ou d'une autre le climat de son côté et ainsi se maintenir ainsi au pouvoir. Notamment en menaçant d'envoyer des troupes et des chars en Syrie pour y chasser les milices kurdes. Il l'avait déjà annoncé auparavant, des événements comme l'attentat terroriste d'Istanbul à la mi-novembre devraient lui donner une marge de manœuvre pour se justifier.

La version officielle du gouvernement turc sur le contexte de l'incident est loin d'être claire. Il semble peu probable que l'attentat ait été entièrement mis en scène. Des experts, comme le spécialiste américain du Moyen-Orient, Seth Frantzman, soupçonnent Erdogan et son équipe d'avoir inventé une histoire de propagande pour justifier des actions militaires contre les Kurdes.

Les motifs d'une offensive terrestre dans le nord de la Syrie sont multiples. Selon l'experte de la Turquie Hürcan Asli Aksoy de la Fondation Science et Politique à Berlin, il s'agit effectivement d'objectifs sécuritaires et stratégiques. Erdogan veut notamment créer une zone tampon de 30 kilomètres afin de tenir la milice kurde à l'écart de la Turquie.

«Au vu des calculs de politique intérieure et de la situation internationale, il est très probable qu'Erdoğan ordonne une offensive terrestre dans le nord de la Syrie et que le conflit s'aggrave encore»
L'expert Hürcan Asli Aksoy

En revanche, sur le plan de la politique intérieure, l'enjeu devrait être tout autre. Erdogan ne serait pas le premier chef d'Etat à se rallier à un ennemi commun avant les élections afin d'unir son propre peuple et d'obtenir ainsi davantage de soutien. L'experte part fermement du principe que le dirigeant turc envahira le nord de la Syrie avant les élections.

Le même motif devrait se cacher derrière les menaces ouvertement proférées à l'encontre de la Grèce, membre de l'UE et de l'OTAN. Dans le cadre de la controverse sur les forages de gaz et le prétendu réarmement militaire des îles grecques, l'homme de 68 ans menace le pays voisin d'agressions militaires de manière (in)directe et audacieuse.

Il est certes hautement improbable que la Turquie se laisse entraîner dans une intervention militaire contre son voisin peu apprécié, en raison de l'appartenance de la Grèce à l'UE et à l'OTAN, contrairement à une intervention terrestre en Syrie. Toutefois, le simple fait de mettre en avant l'adversaire en commun pourrait provoquer un changement d'attitude dans certaines têtes du peuple turc, ce qui pourrait faire gagner quelques points de pourcentage à Erdogan lors des élections.

Mais ce dernier n'a pas encore épuisé son arsenal. Le maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, est considéré comme le candidat le plus prometteur pour être désigné par l'alliance des six partis de l'opposition comme challenger commun aux élections. Mais une ombre vient noircir le tableau, l'homme a été condamné en décembre à une peine de prison de plus de deux ans pour outrage à un fonctionnaire. En plus de sa peine, il a également été interdit de politique.

epa10380472 Mayor of Istanbul Ekrem Imamoglu, Mayor of Florence Dario Nardella (not in picture), Mayor of Athens Kostas Bakoyannis (not in picture), Secretary General of Eurocities Andre Sobczak (not  ...
Ekrem Imamoglu, c'est lui.Image: sda

Certes, le jugement n'est pas encore définitif en raison des recours. Mais cette procédure contre le maire d'Istanbul laisserait la voie libre à Erdogan, qui se serait ainsi débarrassé avec habileté de son concurrent le plus redoutable.

Objectivement, il est difficile de nier l'influence accrue du gouvernement sur la justice et le peu de séparation des pouvoirs qui existe depuis le référendum constitutionnel de 2017. Mais l'homme de 68 ans a rejeté les accusations faites à son encontre mi-décembre, soulignant que le système judiciaire turc était indépendant.

Bien que le président turc actuel n'ait officiellement rien à voir avec ce jugement, il est difficile de nier l'influence accrue du gouvernement sur la justice et le peu de séparation des pouvoirs qui existe depuis le référendum constitutionnel de 2017.

Épreuve de résistance en cette année de jubilé

Même si Erdogan n'a jamais été aussi mal vu par le peuple turc, il pourrait tout à fait réussir à augmenter de manière décisive ses chances d'être élu grâce à d'habiles manœuvres tactiques.

Si ce n'est pas le cas, la fonctionnalité démocratique de l'État turc sera probablement mise à l'épreuve de manière déterminante 100 ans après la fondation de la République.

Traduit de l'allemand par Nicolas Varin

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