Cette semaine, nous avons reçu une lettre d'une lectrice. Elle résume les préoccupations de nombreuses personnes en Suisse:
Oeuvrer pour la paix: rien n'est plus compréhensible que cette exigence.
Cette idée vient toutefois d'une douce illusion. A savoir celle de croire que la paix avec Vladimir Poutine pourrait être obtenue par des négociations. Ce n'est pas le cas. Le champ de bataille est la seule manière d'arrêter Poutine. Ce n'est qu'ensuite que les négociations auront un sens. L'Ukraine n'y parviendra pas sans l'aide de l'Occident. Les livraisons d'armes sont donc nécessaires à la paix.
C'est difficile à accepter, car cela bouleverse tout ce que nous savons sur les conflits. «Parler vaut toujours mieux que se battre», rappelle l'Européen occidental soucieux d'équilibre. Ou encore:
Celui qui argumente ainsi le fait avec de bonnes intentions, mais il fait ses calculs sans tenir compte du maître du Kremlin. Il ou elle ne tient pas compte de deux points décisifs:
Ioulia Timochenko n'est pas une figure incontestable. Il n'est pas nécessaire de négocier des contrats gaziers avec elle, pour le dire de manière familière. Cependant, quelqu'un comme elle, qui a négocié avec Poutine en tant que Première ministre ukrainienne, et qui a finalement été jetée en prison par ce dernier et son homme de main de l'époque à Kiev, devrait être écouté lorsqu'elle parle du maître du Kremlin.
Cette semaine, elle a déclaré dans une interview: «l'Ukraine n'était que le début». L'objectif de Poutine est un nouvel ordre mondial. Un monde dans lequel les frontières peuvent être déplacées par la force. Si on laisse faire Poutine maintenant, nous ne serons plus en sécurité.
Dans ce contexte, ceux qui tracent une ligne rouge pour les livraisons d'armes se trompent. Le chancelier allemand Olaf Scholz l'a fait à plusieurs reprises. D'abord pour les armes en général, ensuite pour les chars légers, les chars lourds et maintenant pour les avions de combat. Il l'a fait par peur de Poutine et de ses sympathisants au sein de sa propre communauté. Certes, il a franchi une ligne après l'autre, mais la tactique du salami a coûté du temps et des vies humaines.
Poutine prévoit désormais une grande offensive de printemps. Il est même possible qu'il tente une nouvelle offensive sur Kiev. Le pire scénario serait que les chars promis par l'Occident n'arrivent pas à temps. L'Occident ne peut de toute façon pas se reposer sur les transgressions des lignes rouges qu'il a tracées arbitrairement auparavant. En effet, l'Ukraine a besoin d'énormes quantités de munitions pour pouvoir passer l'hiver.
Pour être bref et personnel: personnellement, je n'ai pas fait de service militaire. Pourquoi l'aurais-je fait? Il y a quelques années, l'idée de devoir défendre son pays par les armes en plein cœur de l'Europe paraissait tout à fait grotesque. Cela a changé. Aujourd'hui, nous devons repenser la sécurité et remettre en question nos propres lignes rouges.
En Suisse aussi. Les lignes rouges en matière d'armes sont plus strictes ici qu'ailleurs. Elles n'ont pas été tracées arbitrairement, mais se sont développées au fil de l'histoire. Personne n'attend de la Suisse qu'elle envoie directement ses vieux chars Leopard à l'Ukraine. Mais jusqu'à présent, elle a freiné les autres pays dans leurs livraisons.
La Suisse ne doit rien faire activement. Mais elle devrait au moins se tenir à l'écart et ne pas empêcher les autres d'arrêter le massacre de Moscou dans sa conquête de l'Ukraine.
aargauerzeitung.ch/ Traduit de l'allemand (nva)