Ses longs cheveux blonds frôlent le haut de ses fesses nues. Elle est assise les jambes écartées, les lèvres ouvertes de manière lascive. Elle s'appelle Jessica, c'est écrit dans la description du produit. La présentation continue:
Jessica est une poupée sexuelle qui coûte 1705.80 francs sur la plateforme de Migros qu'est Galaxus.
En parallèle, il y a longtemps que l'industrie des sextoys a découvert que les femmes étaient de bonnes clientes: presque toutes les influenceuses féministes font de la publicité pour des vibromasseurs et des godemichés de différentes couleurs et formes. Ils sont devenus un produit de style de vie pour les femmes émancipées et en bonne santé.
Mais ce n'est pas le cas des poupées sexuelles, qui restent un sujet tabou plus que tout autre jouet sexuel, car elles véhiculent une image sulfureuse et sale. On n'en parle pas – mais on les achète. En 2024, les ventes de poupées sexuelles ont augmenté de 42% chez Galaxus, indique l'entreprise dans un communiqué de presse.
Certes, les poupées ne jouent qu'un rôle mineur dans le total des ventes, puisqu'elles représentent moins de 10% du chiffre d'affaires. Mais une enquête révèle que les chiffres de vente des poupées se situent dans une fourchette à quatre chiffres. Une augmentation de 42% pourrait donc signifier plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de poupées supplémentaires. Galaxus ne veut pas révéler d'informations plus concrètes.
Ce qui soulève tout de même quelques questions: les hommes sont-ils de plus en plus esseulés? Les hommes se détournent-ils des femmes pour se tourner vers des poupées sans volonté? Et que dit la description des poupées sur le désir masculin?
«J'ai extrêmement peu affaire à des hommes qui veulent une poupée sexuelle», précise d'emblée Caroline Fux. La psychologue et sexologue a répondu pendant dix ans aux questions sur l'amour et la sexualité pour le Blick alémanique. Entre-temps, elle a son propre cabinet de conseil. Les chiffres de vente de Galaxus ne permettent pas de faire une analyse de la société, estime Fux. Les poupées sexuelles seraient un phénomène de niche.
Lorsque les hommes veulent être excités, ils se tournent généralement vers la pornographie. Pour les femmes, ce sont les sextoys qui servent à augmenter leur excitation, car beaucoup d'entre elles sont moins à l'aise avec les représentations pornographiques classiques.
Pour elle, il est important de souligner que les images véhiculées aussi bien par la pornographie que par les poupées sexuelles ne peuvent pas en soi donner une indication sur l'image réelle de la femme dans la société:
Les hommes ne sont pas les seuls concernés par cela: «Les fantasmes sexuels des femmes figurent généralement peu d'hommes de 73 ans avec un ventre de bière». Caroline Fux pense que la plupart des gens savent faire la différence entre réalité et fantasme.
Markus Theunert, de l'association faîtière des organisations suisses d'hommes et de pères, ne rencontre pas non plus d'hommes qui achètent des poupées sexuelles dans sa pratique de conseil. En tout cas, aucun qui en fasse un sujet de discussion:
Certains copains dévaloriseraient de tels hommes parce qu'ils ont des relations sexuelles avec une poupée plutôt qu'avec une vraie femme – et les autres leur reprocheraient d'objectiver le corps des femmes.
«Du flirt au sexe, on perçoit globalement beaucoup d'incertitude dans toute la communication entre les sexes», constate Markus Theunert. Selon lui, les hommes doivent faire face à des attentes contradictoires – et cela les fait souffrir:
Il faut beaucoup d'intelligence situationnelle et émotionnelle pour sentir dans quelles situations quel comportement est approprié, ajoute-t-il. «Cela déstabilise et dépasse de nombreux hommes. Certains abandonnent, résignés».
Markus Theunert attire l'attention sur un cercle vicieux: de nombreux hommes pensent que les femmes sont attirées par les gros durs aux larges épaules. C'est pourquoi ils essaient de marquer des points en adoptant un comportement de voyou. «Lorsqu'ils essuient un refus pour cette raison, ces hommes accusent volontiers les femmes de superficialité et d'arrogance au lieu de remettre en question leur propre comportement». C'est le comportement typique des Incels.
En réalité, même aujourd'hui, les valeurs intérieures sont toujours centrales dans le choix d'un partenaire. Une étude de Sotomo et Annabelle a montré que la fiabilité (89%), l'humour (80%) et la capacité à parler de ses sentiments (69%) sont plus importants pour les femmes qu'un corps d'Adonis. Seuls 14% des femmes citent l'apparence physique comme une qualité importante d'un ou d'une partenaire.
Ce qui dérange le plus les femmes, c'est quand les hommes ne participent pas aux tâches ménagères et ne parlent pas de leurs sentiments. En revanche, les hommes sont le plus souvent dérangés par les femmes qui ne sont pas soignées ou qui sont superficielles.
Markus Theunert pointe autre chose:
Malgré toutes ces tensions et malentendus, cela ne signifie pas que les poupées sexuelles comme Jessica deviendront le nouveau substitut des femmes. La plupart des hommes, y compris les Incels, veulent manifestement une véritable proximité humaine. Les «canaux buccaux, vaginaux et anaux structurés de manière réaliste, qui peuvent être chauffés à la demande», comme l'indique la description du produit Jessica, ne sont d'aucune aide dans cette situation.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci