
Pour le PLR Damien Cottier, la Suisse doit agir sur trois plans.Image: montage watson
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Cette semaine, dans Franc-parler, le conseiller national PLR Damien Cottier nous livre ses pistes pour résister aux assauts de Trump et ce que la Suisse doit faire pour rassurer et renforcer son économie.
07.09.2025, 06:5407.09.2025, 06:54
damien cottier
Le monde change en accéléré. La tectonique géopolitique est en plein mouvement. Et cela provoque de nombreuses crises, souvent issues de choix politiques. Tout cela comme si le monde n’avait pas assez de défis majeurs (climat, migrations, démographie, …) pour qu’il faille encore en créer de toutes pièces.
La politique menée par le président des Etats-Unis renforce cette tendance. Il veut rendre l’Amérique plus forte. Il y a un risque élevé qu’en l’isolant et en la rendant plus imprévisible, il ne parvienne qu'au résultat inverse, affaiblissant aussi les autres démocraties libérales dans la foulée.
Franc-Parler
Chaque dimanche matin, watson invite des personnalités romandes à commenter l'actu ou, au contraire, à mettre en lumière un thème qui n'y est pas assez représenté. Au casting: Nicolas Feuz (écrivain), Anne Challandes (Union Suisse des Paysans), Roger Nordmann (conseiller stratégique, ex-PS), Damien Cottier (PLR), Céline Weber (Vert'Libéraux), Karin Perraudin (Groupe Mutuel, ex-PDC), Samuel Bendahan (PS), Claude Ansermoz (ex-rédacteur en chef de 24 Heures), Ivan Slatkine (président de la FER) et la loutre de QoQa.
Un certain nombre des questions qu’il pose sont fondées, comme souvent pour les mouvements populistes. Pourquoi par exemple, les Etats-Unis devraient-ils porter une large part du poids – et des coûts – de la sécurité de l’Europe plus de 80 ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale? Ou comment agir pour réindustrialiser son pays? Les réponses, hélas, sont plus aptes à plaire à un électorat déçu et inquiet qu’à résoudre les problèmes efficacement, comme souvent pour les mouvements populistes
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En poussant la Chine, la Russie et l’Inde à se rapprocher, comme on l’a vu cette semaine au Sommet de l’Organisation de la Coopération de Shanghai, les Etats-Unis ne renforcent pas leur influence dans le monde, ni les valeurs démocratiques qu’ils portaient traditionnellement. Quant au protectionnisme douanier, il ralentit le commerce, détruit des emplois, renchérit et provoque de l’inflation.
La Suisse est l’un des pays occidentaux les plus industrialisés (6e rang de l’OCDE) et pourtant elle applique des taxes douanières de… 0% sur les produits industriels. Cela démontre qu’il y a de meilleurs chemins: ils passent par de bonnes conditions cadre, la formation et l’innovation notamment.
Se battre pour nos valeurs
Dans un contexte où certains pays veulent s’imposer par la force plutôt que par le droit – comme on le voit dans la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine et qui crée un danger grave pour l’ensemble de la sécurité européenne, donc aussi celle de la Suisse, il est d’autant plus essentiel de nous battre pour les valeurs qui ont fondé l’ordre d’après-guerre: prééminence du droit, démocratie, résolution pacifique des différends, diplomatie notamment multilatérale (au cœur de la mission de la Genève internationale), droits de l’homme, libertés fondamentales et ordre économique libéral.
Les droits de douane de 39% décidés par le président Trump sont un choix irrationnel et contre-productif alors que la Suisse est un partenaire économique privilégié: le 6e investisseur étranger aux USA (et certainement le 1er par habitant), que nos entreprises créent des emplois de haut niveau, bien rémunérés, qu’elles sont présentes dans les 50 Etats et qu’elles contribuent à la formation professionnelle dont les USA ont si grand besoin.
La Suisse par ailleurs, joue un rôle diplomatique essentiel qui renforce la paix et donc aussi les intérêts d’un pays comme les Etats-Unis, par exemple en accueillant régulièrement des négociations de paix sur son sol ou en représentant activement ses intérêts en Iran depuis plusieurs décennies
Les coupables ne sont pas à chercher en Suisse
La décision prise dans le Bureau ovale a aussi été un choc violent, cela alors que le Conseil fédéral avait mené une bonne négociation – certes selon des canaux classiques - avec les ministres responsables de ce dossier. On a beaucoup parlé de l’appel téléphonique du 31 juillet. A tort. Les coupables ne sont pas à chercher en Suisse et n’importe quel membre du Conseil fédéral, quel que soit les mots utilisés et le ton employé aurait probablement abouti au même résultat à cette date. Le problème est à chercher ailleurs. Et surtout il faut se concentrer sur la solution.
L’impact de cette décision, surtout si elle devait se confirmer sur la durée, peut être violent pour une économie très exportatrice, comme la Suisse: les Etats-Unis représentent 15% de nos exportations. Et c’est plus le cas encore dans certains cantons, comme mon canton de Neuchâtel, et la Suisse romande en général, avec notamment son horlogerie, ses microtechniques, son industrie des machines, mais aussi son Gruyère ou sa Tête de moine!
Et derrière les chiffres il y a bien sûr des emplois et de nombreuses personnes impactées. Face à ce défi, il ne faut pas se résigner. Il nous faut répondre sur trois plans:
Négocier un meilleur deal
La Suisse doit poursuivre avec détermination les négociations avec Washington, elle devra en évaluer le résultat en fonction de ses intérêts. Un meilleur «deal» est souhaitable, mais il ne faut pas un deal «à tout prix». Notre pays a prouvé par le passé sa capacité à trouver des solutions créatives dans des contextes complexes. C’est ce que fait le Conseil fédéral avec fermeté et unité. Il l’a montré de façon impressionnante lors des entretiens de la Maison de Watteville du 30 août dernier auxquels j’ai participé. Cela donne l’exemple, car face à ce défi, la Suisse doit être unie.
Se diversifier
Il faut aussi continuer à diversifier nos partenariats économiques. Plus que jamais, notre succès dépend de l’ouverture à de nouveaux marchés. Il faut de nouveaux accords de libre-échange, aussi avec des marchés émergents, et la modernisation de ceux qui existent. Pensons à des pays comme la Chine, le Japon, le Mexique, ou à des accords avec des pays d’Asie ou d’Amérique du Sud, mais aussi d’Afrique – certains sont en plein boom économique - pour diversifier nos marchés.
Bien sûr, il faut le faire de manière à préserver les secteurs les plus sensibles, en particulier l’agriculture. L’entrée en vigueur le 1er octobre de l’accord avec l’Inde est donc un signal très positif.
Il faut aussi consolider la voie bilatérale avec l’Union européenne, de loin notre premier partenaire commercial (UE 50%, Etats-Unis 15%, Chine 10%). L’accès stable au marché européen reste la clé-de-voûte de notre prospérité. Cela passe par un refus clair de l’initiative de l’UDC «10 millions» qui est tout simplement une nouvelle initiative de résiliation de la voie bilatérale.
Le Conseil national en débattra lors de la session qui s’ouvre ce lundi 8 septembre. Espérons qu’il donnera un signal clair. Cela passera aussi par les Bilatérales III qui nous permettront de poursuivre et développer notre relation avec notre principal partenaire dans un cadre qui assure la sécurité juridique tellement nécessaire à la prospérité et aux investissements.
Donner de l'air aux entreprises
Enfin, il faut une politique intérieure cohérente. Si nos entreprises sont sous pression à l’international, il est d’autant plus essentiel de ne pas les étouffer par des charges excessives. Alléger la fiscalité, réduire la bureaucratie, simplifier les procédures: voilà qui leur redonnera de l’oxygène. Le Parlement doit renoncer aux nombreux projets, notamment du centre-gauche, mais aussi du gouvernement, allant à contresens.
Tous les projets de hausse de la TVA ou des cotisations salariales sans réforme structurelle, notamment dans les assurances sociales, ou la volonté de faire peser de plus en plus de charges sur nos entreprises (initiative «multinationales responsables 2», initiatives de Jeunes socialistes, …) sont dangereux pour notre prospérité et nos emplois. Le temps n’est pas aux expérimentations politiques, elle est à une politique raisonnable et pragmatique qui a fait ses preuves et qui crée des emplois et du pouvoir d’achat en Suisse.
Dans ce même esprit, il faut que le Parlement soutienne dans quelques jours le renforcement du droit au chômage-partiel (RHT), et son extension de 18 à 24 mois, afin de flexibiliser encore un peu cet outil anti-crise éprouvé.
Enfin, la prospérité ne tombe pas du ciel. La Suisse doit renforcer les bases sur lesquelles elle a construit la sienne. Pour le bien de tous. Au travail.
Damien Cottier est...
...historien de formation, spécialisé en relations internationales, il s’est formé aux Universités de Neuchâtel et de Berlin et aux Hautes Etudes Internationales (HEI) à Genève. Il est conseiller national (PLR/NE) depuis 2019 et président du groupe PLR des Chambres depuis 2022. Il siège au sein des commissions des finances ainsi que des transports et télécommunications. Il fait également partie de la délégation parlementaire qui représente la Suisse au Conseil de l’Europe. Il préside notamment l’Union neuchâteloise des Arts et Métiers (UNAM), VignobleSuisse (Federation suisse des Vignerons), l’association OuestRail qui promeut le développement du système ferroviaire en Suisse occidentale ainsi que l’association parlementaire Suisse-USA.

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