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Mitage du territoire: les paysans perdent 1 m² chaque seconde

le mitage du territoire suisse - anne challandes
Le mitage du territoire menace, in fine, la table des Suisses. Image: montage watson
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Les paysans suisses perdent 1 m² chaque seconde: voici la solution

Notre chroniqueuse Anne Challandes explique comment le marché immobilier grignote peu à peu la surface agricole en Suisse. Elle espère que les solutions proposées par Berne porteront leurs fruits.
09.11.2025, 07:0709.11.2025, 07:07
Anne challandes / franc-parler

Octobre est terminé, novembre bien entamé. A la vitesse où passent les semaines, ce sera bientôt Noël et son cortège de de fêtes et de repas de famille ou d’entreprise ou de bureau.

En parallèle des sujets de conversation sur la politique, les dernières tendances modes ou les principes d’éducation – cette liste n’est pas exhaustive et certains sujets sont peut-être à éviter selon l’ambiance souhaitée –, la nourriture sera un des éléments phares des festivités. Outre des qualités purement nutritionnelles, la nourriture apporte plusieurs autres aspects bénéfiques.

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Chaque dimanche matin, watson invite des personnalités romandes à commenter l'actu ou, au contraire, à mettre en lumière un thème qui n'y est pas assez représenté. Au casting: Nicolas Feuz (écrivain), Anne Challandes (Union Suisse des Paysans), Roger Nordmann (conseiller stratégique, ex-PS), Damien Cottier (PLR), Céline Weber (Vert'Libéraux), Karin Perraudin (Groupe Mutuel, ex-PDC), Samuel Bendahan (PS), Claude Ansermoz (ex-rédacteur en chef de 24 Heures), Ivan Slatkine (président de la FER) et la loutre de QoQa.

Partager un repas à plusieurs offre la possibilité de passer des moments chaleureux et conviviaux – sous réserve du sujet de conversation choisi – aussi bien lors de sa préparation que pendant sa dégustation. C’est aussi l’occasion de profiter des bienfaits réconfortants apportés par la nourriture: chaleur, couleur, texture, goût, parfum, … Autant de caractéristiques qui, pour peu qu’on y prête attention, nourrissent autant l’âme que le corps.

Plutôt ananas rôti ou compotée de pommes en dessert?

Autrement dit, préférez-vous régaler vos papilles avec des produits locaux ou les faire voyager avec des denrées ayant elles-mêmes effectué un long trajet avant d’arriver sur votre table? Ma dernière chronique faisait état de ce lien entre nos choix en matière d’alimentation et leurs conséquences. Aujourd’hui je tourne plutôt mon regard sur le lien entre préservation des terres agricoles et maintien d’une production locale.

Le territoire suisse est principalement composé de forêts (32%), de surfaces improductives (25%) - par exemple nos montagnes - et de terrains consacrés à l’habitat et aux infrastructures (8%). Les surfaces agricoles, prairies, terres arables, vergers et alpages, occupent les 35% restant, soit environ un tiers du pays. La surface agricole utile, qui n’englobe pas les estivages, s’étend sur 1 million d’hectares, soit environ un quart de la superficie de la Suisse.

Près de la moitié de ce million d’hectares ne se prête qu’à une utilisation sous forme de prairies permanentes et de pâturages. S’y ajoutent quelque 20% supplémentaires constitués de prairies temporaires ou extensives. En d’autres termes, les herbages recouvrent deux tiers de la surface agricole. Ces surfaces ne peuvent être valorisées que par des ruminants qui nous fournissent en retour nourriture (lait et viande) et fumure. Environ 250 000 autres hectares, soit 6,6% de la superficie totale de la Suisse sont exploités en grandes cultures.

Perte de 2700 terrains de foot par an

Avec une perte de presque un mètre carré par seconde, c’est chaque année l'équivalent de 2700 terrains de football qui disparaissent. En neuf ans, l’agriculture a perdu une fois et demie la surface du Lac de Neuchâtel, soit plus de 30 000 hectares. La plus grande partie des pertes touche les terres arables, celles qui sont destinées aux grandes cultures et qui produisent notre nourriture.

Cette disparition est principalement due au mitage du territoire, aux constructions d’infrastructures publiques et à l’expansion des forêts. Elle touche souvent des surfaces jusqu’ici agricoles, fertiles et plates, qui se prêtent très bien à la production végétale. Il en résulte une forte pression sur les surfaces dédiées à la production de notre nourriture et ne semble pas diminuer.

Priorité à l’agriculture dans la zone agricole

Adoptée par le Parlement en 2023, la deuxième étape de la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire LAT établit et confirme la priorité de l’agriculture dans la zone agricole. Une telle priorité paraît tellement évidente qu’on peut se demander pourquoi fixer un tel principe. Or, il n’est pas rare de constater que cette évidence n’est pas donnée dans tous les cas et qu’une protection stricte des surfaces agricoles ne doit pas rester un vain mot. Qui n’a pas été impressionné, voire choqué, à la comparaison d’image aérienne d’une ville ou d’un village à quelques années de distance ou en constatant l’avancée constante des zones de chantier en direction de la campagne?

Un exemple?

Les champs disparaissent pour des habitations
Image: ofs

L’agriculture est consciente du fait qu’elle construit elle aussi de nouveaux bâtiments. Cependant, cette croissance est modeste et sert un développement raisonnable et durable des exploitations agricoles. D’autre part, les bâtiments agricoles ne peuvent être érigés qu'en dehors de la zone à bâtir, c’est-à-dire dans la zone agricole.

Cliquez sur un point pour voir l'évolution d'une même zone dans le temps.

Toutefois, en particulier en regard des coûts engendrés, les familles paysannes s’efforcent de limiter les constructions au strict nécessaire. Parfois, elles sont contraintes de développer leur infrastructure pour répondre à une norme. C’est le cas, par exemple, pour améliorer le bien-être animal avec l’aménagement d’une aire de sortie extérieure ou l'agrandissement d’une écurie ou pour mieux protéger l’environnement avec la construction d’une place de lavage pour récupérer les eaux.

L’adaptation des exploitations à l'évolution des défis du marché et des normes va également dans l’intérêt d’une production alimentaire durable.

La révision de l’ordonnance d’application a maintenant été adoptée par le Conseil fédéral. Elle définit les détails de la mise en application de la LAT2 avec une entrée en vigueur échelonnée en 2026. J’espère que ces deux principes de la préservation des terres agricoles et de la priorité de l’agriculture dans la zone non à bâtir ne seront pas vidés de leur sens dans le cadre de l’exécution concrète et qu’on pourra enfin constater un net ralentissement du mitage constant des plus belles terres plates en bordure des villes et villages.

Anne Challandes est...
... paysanne et avocate de formation. Présidente de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales, et vice-présidente de l’Union suisse des paysans, elle gère également une exploitation familiale en agriculture bio dans le Jura neuchâtelois avec des vaches allaitantes et différentes cultures.
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Image: uspf
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Un voyant pour coincer un incendiaire suisse? La police a tenté
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