«Running man» fait honneur à Stephen King
En 1982, un certain Richard Bachman publiait Running Man, un roman d’anticipation dystopique décrivant une Amérique ruinée et totalitaire, où une émission télévisée mortelle servait de pain et de jeux pour maintenir le peuple en laisse. Ce Richard Bachman n’était autre que Stephen King, qui utilisait ce pseudonyme afin de se libérer de la pression qu’engendrait sa notoriété grandissante. Quarante ans plus tard, King est toujours au top, et ses romans sont une source inépuisable pour Hollywood.
Autant dire que c’est une belle année pour l’auteur américain puisque 2025 aura également vu Life of Chuck, Marche ou crève et la série Ça: Bienvenue à Derry précéder la sortie de Running Man. Soit pas moins de quatre adaptations tirées de ses romans.
La bande-annonce:
Réalisé par le Britannique Edgar Wright, cinéaste du fun derrière les très appréciés Shaun of the Dead (2004), Scott Pilgrim (2010) ou encore Baby Driver (2017), ce nouveau long-métrage met en scène Glen Powell (Top Gun: Maverick) dans le rôle de Ben Richards, un ouvrier désespéré.
Pour sauver sa fille gravement malade, celui-ci accepte de participer à un jeu télévisé qui pourrait le rendre milliardaire… à condition, bien sûr, d’y survivre, puisque la compétition consiste à être traqué pendant 30 jours par une équipe de tueurs professionnels ainsi que par l’ensemble de la société. Un jeu cruel qui fait la fortune Dan Killian (Josh Brolin), son producteur aux pleins pouvoirs, prêt à tout pour faire de l'audience.
Running Man avait déjà été adapté une première fois en 1987, avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal. Devenu un classique, le film n’était pourtant qu’une adaptation très libre du roman, ne conservant que le concept du jeu télévisé mortel pour en faire un film d’action, tandis que la critique de la société et des médias de masse restait reléguée à l’arrière-plan. Un long-métrage aujourd’hui gentiment désuet, censé se dérouler en 2019, avec tout le kitsch des années 1980. Ne devient pas Blade Runner qui veut.
Un film qui sort au bon moment
Si de l’eau a coulé sous les ponts depuis les années 1980, Stephen King et son Running Man ont eu un véritable impact sur la pop culture, en devenant l’un des ferments du sous-genre des «jeux télévisés dystopiques». Des récits, où la téléréalité est instrumentalisée par un État totalitaire, tout en mettant en scène des inégalités de richesse extrêmes. De cet imaginaire sont nées des œuvres comme la saga Hunger Games ou encore Squid Game.
Dans cette mouture 2025, le film entend bien conserver sa dimension divertissante, en mettant en scène un anti-héros colérique mais au grand cœur. Celui-ci évolue dans une société impitoyable dans laquelle la justice sociale a disparu, où la population est fragmentée par un apartheid, et où les médias sont manipulés pour servir la pensée dominante. Toute ressemblance avec la réalité serait, bien sûr, purement fortuite.
Le film se veut également fidèle au roman et adopte donc la forme d’une chasse à l’homme explosive à travers l’est des États-Unis, jusqu’à atteindre l’État du Maine et la ville de Derry, cité fictive qui sert aussi de décor à l’intrigue du roman Ça. Un petit clin d’œil qui fera sourire tout bon fan de Stephen King.
Ne vous attendez néanmoins pas à un brûlot contestataire dans la veine de V pour Vendetta ou la Servante Ecarlate, car le long-métrage de Edgar Wright reste un pur divertissement et un blockbuster traditionnel qui se perd parfois dans une surenchère pyrotechnique.
Toujours est-il qu’à une époque où Hollywood subit les effets d’un climat politique marqué par le trumpisme, et où l’industrie cherche à revenir à un cinéma plus héroïque, au service d’un certain narratif patriotique, Running Man affiche malgré tout des velléités punk, avec un véritable discours anti-système et révolutionnaire. Des thématiques reprises notamment par un autre film important sorti cette année: Une bataille après l'autre de Paul Thomas Anderson. A croire qu'à Hollywood, la résistance est déclarée.
Hommage aux 80's
Si son intrigue se déroule dans un futur proche, Running Man arbore une esthétique brutaliste telle qu'on en avait dans les années 1980, où tout semblait massif. Le personnage incarné par Glen Powell évolue dans une Amérique qui évoque le New York insalubre de cette décennie, baignée d’un rétrofuturisme subtil. Une anachronie plutôt logique, puisque le roman de Stephen King se déroule... en 2025.
Difficile également de ne pas voir, de la part du cinéaste Edgar Wright, un hommage prononcé au cinéma de Paul Verhoeven, à qui l’on doit les cultissimes RoboCop (1987) et Starship Troopers (1997). À l’instar de ces films dans lesquels le cinéaste néerlandais intégrait de nombreuses séquences publicitaires ou méta pour dénoncer les dérives du corporatisme et la manipulation des médias de masse, Running Man joue avec le spectateur de la même manière. Le film ponctue en effet son récit de séquences tirées d’émissions télévisées ou modifiées par intelligence artificielle, renforçant encore son propos satirique.
Malgré son regard ironique sur le monde capitaliste et le divertissement de masse, Edgar Wright fait de son Running Man un produit de studio calibré, auquel on aurait aimé un peu plus de profondeur, tant son propos résonne avec notre époque où l’IA fait vaciller notre rapport au vrai, où nous sommes noyés dans la vanité des réseaux sociaux et dans une société polarisée à l’extrême.
Cependant, il y a dans Running Man une générosité et un hommage sincère au cinéma des années 1980 qui lui font le plus grand bien. On retrouve devant le film le même plaisir que devant des classiques de l’époque, le personnage incarné par Glen Powell nous renvoyant aux Bruce Willis ou Mel Gibson de notre nostalgie. Parce que l'action, c'est quand même mieux avec du fond, non?
Running Man de Edgar Write sort le 19 novembre au cinéma. Durée: 2h 13m.
