Ce projet lui tenait à coeur et a mis près de dix ans à voir le jour: Lee, le film sur la photographe Lee Miller.
Dans les années 1920, cette Américaine était d'abord un mannequin très sollicité dans le cercle des surréalistes. Plus tard, elle est passée derrière la caméra, documentant les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, dont la libération du camp de concentration de Dachau. Elle a été célèbre pour sa mise en scène provocante, par exemple la fois où elle s’est faite photographier en train de prendre un bain dans l'appartement d’Hitler en 1945.
En plus de jouer le rôle principal dans Lee, Kate Winslet s'est également chargée de la production et a participé à des décisions de casting essentielles, comme celle de la réalisatrice Ellen Kuras. En tant que photographe de guerre énergique, la Britannique est épatante - le film vaut la peine d'être vu rien que pour ça.
Lee Miller est une femme qui n'accepte pas que les hommes ne la laissent pas aller dans les casernes ou au front et qui se fraie son propre chemin. Le scénario n'est cependant pas toujours à la hauteur du jeu d'acteur, les dialogues sont parfois maladroits. L'intrigue générale, dans laquelle le fils de Lee Miller, Antony Penrose (Josh O'Connor), découvre le travail de sa mère, est inventée et à vrai dire inutile.
Au Festival du film de Zurich, où elle reçoit le Golden Icon Award, l’actrice de 49 ans prend exactement un quart d'heure pour un entretien. Toutes les questions qui ne concernent pas Lee ont été refusées au préalable. Même au cours de l'entretien, on remarque que l'actrice tout de noir vêtue, qui passe d'habitude pour être assez décontractée, prend ce projet au sérieux. Cette fois, elle ne fera pas de blagues: Kate Winslet se bat et brûle pour Lee Miller.
watson: Kate Winslet, lors de votre apparition publique dans le cadre des «ZFF Masters», vous avez déclaré que la décision de tourner le film «Lee» avait commencé par une table à manger que vous aviez achetée. C'est autour de celle-ci que Lee Miller et son cercle d'amis se réunissaient. Était-ce votre première rencontre avec la photographe ?
Kate Winslet: Je connaissais le nom de Lee Miller et ses photos. Mais je ne savais rien de sa vie, ni de sa relation avec son fils Antony Penrose. Ce que j'ai vite compris, c’est que c'était manifestement une femme qui avait appris à s'imposer avec détermination dans des domaines masculins, à survivre.
Le fils de Lee Miller, Antony Penrose, a longtemps hésité à faire adapter l'histoire de sa mère au cinéma. Comment s'est-il laissé convaincre ?
Oui, il s'était montré très réticent. En fait, il voulait qu'il y ait un film sur sa mère. Mais plusieurs tentatives ont échoué, faute de financement ou de scénario. Antony estimait que sa mère était souvent mal représentée: comme l'alcoolique problématique. Ou l'ex-maîtresse de Man Ray. Il voulait la libérer de ces étiquettes et célébrer au contraire son œuvre puissante et courageuse.
Sans la participation d'Antony, je n'aurais jamais pu faire ce film.
Est-ce la raison pour laquelle on l'a inclus dans l'intrigue générale?
Non, il a tout simplement été impliqué dans tous les aspects du film. Même dans la décision de couvrir une période de dix ans. Il a mis à disposition toutes les archives: photos, articles de journaux, journaux intimes, lettres ... j'ai vraiment eu accès à tout. C'était très généreux de sa part. Il a partagé plus avec moi qu'avec quiconque auparavant.
Pourquoi le film se concentre-t-il exclusivement sur les années de guerre et laisse-t-il de côté la carrière de mannequin de Miller ou ses célèbres photos d'Egypte?
Nous ne pouvions pas mettre toute sa vie dans un film. Sinon, nous aurions tourné un biopic typique - et ce n'est pas ce que je voulais. Car Lee Miller a vécu trop de choses. Et si tu veux tout montrer, tu ne peux pas mettre l'accent sur les moments les plus importants. Lee devait illustrer la décennie de sa vie dont elle serait, selon moi, la plus fière. Et les années de guerre ont finalement aussi défini qui elle est devenue pour le reste de sa vie.
La guerre l'a détruite...
Elle souffrait de stress post-traumatique, comme pratiquement tous ceux qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale. Il était donc difficile pour elle d'être une bonne mère. Elle et Antony avaient une relation très compliquée, il en parlait souvent, même en public. Ce n'est qu'après sa mort qu'il a trouvé les 60 000 négatifs dans le grenier.
Elle était partie à la découverte du monde et l'avait documenté de manière inimitable. A partir de là, il a consacré sa vie à son héritage.
Les photographies de Lee Miller ont aujourd'hui une importance historique: les trains à Dachau, la photo dans la baignoire d'Hitler. Qu'est-ce qui leur donne selon vous une qualité esthétique particulière?
Le talent unique de Lee consistait à capter dans ses photos le regard de ceux qu'elle photographiait. C'est ce qui la distingue des hommes. Elle ne se contentait pas de regarder, elle faisait partie de chaque situation qu'elle photographiait. Elle ne photographiait pas les soldats, le sang versé, les combats.
D'autres photographes se tenaient devant les trains à Dachau et photographiaient l'intérieur depuis l'extérieur. Pas Lee: elle a grimpé à l'intérieur, s'est tenue entre les cadavres et a photographié les visages des soldats qui regardaient à l'intérieur.
Comment avez-vous abordé les scènes du camp de concentration de Dachau lors du tournage?
Le plus important pour nous était de suivre complètement les images de Lee et d'essayer de capturer ce qu'elle avait vu. Nous ne voulions pas montrer des kilomètres de baraquements et de cheminées et tout ce que nous avons déjà vu dans de nombreux autres films brillants sur l'Holocauste. Nous nous en tenons au point de vue de Lee, et ce que nous ne voyons pas est tout aussi important que ce que nous voyons.
Lee Miller est-elle pour vous une icône féministe?
Pour moi, le féminisme n'est pas un acte de rébellion, mais un état d'esprit. Et Lee Miller était absolument féministe, avec toutes ses amies. La façon dont elle revivait déjà inconsciemment la féminité à l'époque, afin de conserver à la fois la résistance, la confiance en soi et la compassion, était pour moi une source d'inspiration incroyable! Cela m'est resté, car c'est ainsi que je mène ma vie. Comme toutes les femmes de mon entourage, c'est ainsi que nous élevons nos enfants.
«Je préfère prendre des photos plutôt que d'en être une moi-même» est une phrase centrale de la photographe dans le film. Considérez-vous le film Lee comme une déclaration contre les stéréotypes envers les femmes?
Je ne suis pas du genre à faire des déclarations. Avec ce film, nous voulions simplement rester authentiques et vrais vis-à-vis de Lee et de ses expériences. Je pense qu'il est toujours dangereux de forcer une déclaration particulière.
Ce que le film montre au moins et qu'il n'est pas le seul à montrer: l'industrie semble avoir fait des progrès considérables ces dernières années dans la représentation de personnages féminins complexes...
Oui, les changements ont été massifs au cours des trois dernières décennies. Il y a tellement de rôles passionnants!
Je pense que c'est maintenant l'une des périodes les plus passionnantes pour les femmes dans l'industrie du cinéma. Cela vaut d'ailleurs aussi pour les jeunes. Il y a 30 ans, il n'y avait pas grand-chose à faire: des productions en studio, une poignée de films indépendants, trois chaînes de télévision et la radio. A l'époque, on nous demandait encore:
Aujourd'hui, il y a tous les services de streaming et les chaînes avec tous leurs programmes, de brillantes équipes de scénaristes et une quantité gigantesque de productions: c'est génial!
(Traduit de l'allemand par Anne Castella)