Miss France 2026 a failli sacrer une huître
C'est un rituel immuable de l'année. Telle la marâtre de Cendrillon, nous enfilons notre mauvaise foi, nos punchlines et notre bas de pyjama les plus ignobles pour déverser notre venin sur 30 jeunes femmes plus belles, plus minces, plus jeunes, plus charismatiques, plus intelligentes et mieux éduquées, qui peaufinent leur blush et leur brushing en espérant être sacrée plus belle femme de France.
21h12. Trompettes et roulements de tambour... TintintintinTINTINTINTINTINTINTIN! On ressort le jingle iconique, l’ancienne patronne Sylvie Tellier (qui a jeté l'éponge depuis un moment, mais qui ne peut pas s'empêcher de faire un coucou pour montrer qu'elle n'a pas pris un gramme) et l’inoxydable Jean-Pierre Foucault (qui n'a effectivement pas pris une ride) de leur chambre frigorifique, pour une soirée pleine de paillettes et de frivolité convenable.
Sur fond de musique larmoyante et de violoncelles à vous arracher des larmes de sang, on démarre sur une mise en bouche cul-cul la praline sur la possibilité de devenir l'héroïne de sa propre vie, blablablalalabla. On s'en fout, d'être une héroïne, rameutez plutôt les gambettes kilométriques et les sourires forcés.
Après une première chorégraphie toute en strass et volupté (et une première presque-chute), l'heure est venue de faire les présentations.
Vous connaissez le topo. Les Miss se voient interdire de promouvoir leur amour du foie gras, du salami ou même leur talent insoupçonné pour démêler les câbles électriques ou faire atterrir un hélicoptère. Nous voilà donc contrainte de les écouter déblatérer sur leur passion pour le piano, la danse, les chevaux, les écureuils égarés, les baleines échouées, les âmes éplorées.
Tout cela entre deux citations inspirantes, dont on vous a sélectionné les meilleures.
A accrocher sur votre frigo, surtout.
Preuve toutefois que Miss France ne cesse d'évoluer avec son temps, les candidates ont désormais le droit d'aimer le rugby, la grimpe, le karaté ou la moto. Et au jury de glisser, au milieu des 15 infirmières, 12 avocates, deux mannequins, d’une danseuse et d’une créatrice de sacs à main, une entrepreneuse/vendeuse de glaces ambulante, une ingénieure et une sapeur-pompier.
Dans l'air du temps... à ceci près que le concours ne peut tout de même pas s'empêcher un brin d'appropriation culturelle avec un premier tableau sur le thème du... Japon. Lequel met en scène dix Miss affublées d'un «kimono» qui se trémoussent dans une chorégraphie infamante. (Mais comme le dit si bien un sketch célèbre de David Castello-Lopez, c'est pas vraiment raciste tant que le peuple dont on parle est plus riche que nous.)
Certains membres du jury ont quand même l'air de se demander ce qu'ils foutent là.
Et c'est que le début, car d'autres punchlines arrivent! Tout au long de leur bref parcours de vie, les jeunes prétendantes ont eu l'occasion d'apprendre des tas de choses qu'elles souhaitent partager avec nous en ce soir d'élection.
Le concours Miss France, c'est aussi la possibilité assez magique de qualifier une chanson de Patrick Juvet d'«anticipation», d'innover en invitant la Garde républicaine pour jouer du tuba, ou encore de servir d'exutoire à des stylistes frustrés par la vie - qui déversent ainsi toute leur rancœur sur de pauvres jeunes femmes qui n'ont rien demandé de plus que d’être mises en valeur.
Ce second tableau futuriste sera au moins l'occasion de découvrir que certains artistes qu'on croyait disparus... ne nous ont en fait jamais quittés.
Il est vivant !!! Je le savais ! #MissFrance2026 pic.twitter.com/721X8SxM0u
— CaptainMcGroove (@CaptainMcGroove) December 6, 2025
Et ça ne s'arrange pas avec les costumes (censés) représenter les régions. Certains relèvent presque de la maltraitance.
Et quand les Miss sont enfin autorisées à se désaper pour le défilé maillot de bain... Une seule question existentielle agite nos langues de vipère.
Le concours n'a définitivement plus la même saveur depuis que le règlement impose le maillot une pièce à la place du bikini. Pas faute d'avoir opté pour un tableau affriolant en hommage à la Miss France 2025, une ancienne hôtesse de l'air.
Les maillots rangés au placard, il est l'heure de la présélection des 12 demi-finalistes et d'un discours d'une minute aussi insipide que les salades gobées par les candidates au cours des dernières semaines pour entrer dans leurs sémillantes robes à sequins.
23h48. Alors que notre lit commence à nous tendre les bras en nous susurrant d'une voix aussi langoureuse que le spot publicitaire pour des biscuits au chocolat (déjà à moitié dégommés), voilà qu'une nouvelle slave inattendue de bikinis vient pimenter un peu tout ça.
00h06. Les sept Miss non sélectionnées prennent la sortie, soit pour aller se crêper le chignon en coulisses, soit pour boire des coups et oublier, pendant que nous, la mégère frustrée, on lorgne sur un dernier petit-beurre. Les Français, eux, élisent leur Miss avec enthousiasme et force de SMS. Dépêchez-vous, les cocos, il se fait tard.
Les cinq finalistes nous embarquent pour un ultime tableau sur le thème des rêves - ce qui tombe à merveille, étant donné qu'on somnole à moitié, roulé en boule informe au fond du canapé.
C'est sans compter sur la séance dramatique des questions-réponses imposée aux cinq survivantes. Des questions qui devraient être interdites passé minuit du genre: les «valeurs de la France», «ce qui fait une bonne Miss France», «comment rester soi-même» ou encore «l’impact du progrès technologique sur l’humanité». Vous avez quatre heures.
Heureusement, il ne faudra pas attendre aussi longtemps pour voir Miss Tahiti, Hinaupoko Deveze de son vrai nom, être sacrée Miss France 2026.
Allez, bonne nuit, à l'année prochaine!
