On pensait que le grand retour de la mode Y2K («les années 2000» pour les boomers) s’était arrêté à des come-backs qu’on arrivait, tant bien que mal, à digérer: le sac baguette de Carrie Bradshaw (plutôt cool), le crop top (très gérable avec un bon jean taille haute), ou encore les lunettes teintées à la Anastacia (mmmouais). Bref, on avait trouvé notre équilibre: un peu de revival, mais sans ressusciter tous nos traumas.
Sauf que non. Celui qui n’aurait jamais dû sortir de nos albums Facebook 2007, le leggings sous une jupe, revient.
Oui, ce leggings. Celui qui descendait à mi-mollet, souvent en coton douteux, parfois agrémenté d’un liseré en dentelle (je plaide coupable, j’en avais un blanc d’une laideur difficilement descriptible). On le portait sous une mini-jupe en jean déchiré, persuadés que c’était le summum du style. Spoiler: non. C’était un mélange douteux de punk et de petite fille sage, comme si on n’avait pas réussi à choisir entre Britney Spears et Avril Lavigne.
Mais la mode est ainsi faite, elle adore déterrer les cadavres qu’on pensait avoir enterrés bien profond. Et les créateurs ne se sont pas privés; sur les catwalks de la Fashion Week, repérés par le magazine Elle UK, des mannequins ont défilé avec de longues jupes fluides superposées à des leggings noirs, des mini-robes transformées en tunique grâce à une seconde couche en coton stretch.
On ne parle pas d’une erreur de styliste stagiaire, non. C’est assumé, orchestré, revendiqué comme une tendance 2025.
Evidemment, ça nous pique un peu les yeux. Parce qu’on se souvient très bien de ce que ça donnait dans la vraie vie: les leggings déformés, qui faisaient des genoux bizarres après deux lavages, les jupes en jean taille basse qui coupaient la silhouette en deux, et ce combo fatal avec des ballerines à nœud.
Ajoutez un serre-tête en plastique façon Blair Waldorf du pauvre, ce qui est parfaitement antithétique (j'adore ce mot), et vous aviez le starter pack officiel de la Millennial en 2006.
Est-ce qu’on veut vraiment y retourner? Franchement, pas sûr.
Soyons honnêtes. Si les créateurs se permettent ça, c’est parce qu’ils savent qu’il y a un public pour ces horreurs. Les Gen Z, évidemment. Ceux qui trouvent exotique de mettre des écouteurs filaires «pour le style», qui s’extasient devant des appareils photo jetables, et qui considèrent High School Musical comme une œuvre vintage. Pour eux, le combo jupe ou robe + leggings, c’est une curiosité mode tout à fait charmante.
Reste la question: est-ce qu’on doit s’y remettre, nous aussi? Après tout, certaines pièces se sont finalement réinventées avec panache. Le pantalon cargo est revenu en version chic, la petite ceinture à strass façon Christina Aguilera se porte désormais sur un blazer, et les baskets massives type Buffalo ont retrouvé le chemin de nos pieds. Peut-être que le leggings sous une robe a encore une carte à jouer…? A condition de ne pas ressortir celui avec la dentelle qui gratte le mollet. Pitié.
En tout cas, si ce retour n’est pas une copie conforme de 2006, mais une réinterprétation, on peut peut-être lui donner une chance. Un leggings plus structuré, plus élégant, porté avec une robe longue fluide et des talons pointus, façon layering sophistiqué. Là, on peut discuter. Mais si c’est pour rejouer la scène du bal de fin d’année avec un mini-short en jean, un leggings blanc et des ballerines argentées… Sans façon, merci, laissez-nous en dehors de ça.
Car finalement, le problème de ce revival, ce n’est pas seulement le vêtement, c’est aussi le bagage émotionnel qu’il trimbale. Derrière chaque leggings sous une jupe, il y a des souvenirs de photos prises avec un flash trop violent, des poses de profil devant le miroir Ikea en forme de zigzag, et des statuts MSN truffés de <3, de «xOxO» et d’extraits de paroles de Kyo.
Replonger là-dedans, c’est comme rouvrir nos Skyblogs: ça fait rire cinq minutes, mais ça donne aussi un peu envie de boire du produit vaisselle.
Alors certes, la Fashion Week l’a fait, Elle UK l’a confirmé: les leggings sous les jupes et les robes sont bel et bien de retour. A nous de choisir si on veut suivre le mouvement… ou attendre sagement qu’elle passe. Et au pire, si cette tendance prend vraiment racine dans la durée, on pourra toujours plaider l’excuse générationnelle: «Sorry, j’ai déjà donné».