Avec son Paris de carte postale, la série vendait déjà un rêve édulcoré à des kilomètres de la réalité aux Américains. Mais voilà que les scénaristes nous emmènent cette fois à Rome, dans une version édulcorée de l’Italie.
Rembobinons. Après avoir trébuché sur les pavés trop propres d'un Paris imaginaire, la suite de la saison 4 envoie ses insipides personnages en escapade à Megève. Parce que oui, évidemment, tout le monde finit par se retrouver sur les pistes de ski à Noël, avec les pulls moches ramenés par Emily, qui s’étonne de constater que tout le monde n’a pas envie de porter ces horreurs clignotantes.
L’Américaine, aussi à l’aise sur les pistes que lorsqu’il s’agit de manier la langue de Molière, perd son téléphone dans la neige et rencontre, comme par magie, un bel Italien venu à son secours. Après Alfie le Londonien et Gabriel le chef français, il ne manquait que Marcello, l’Italien beau gosse et blindé de thunes, dans la galerie des prétendants.
Et comme la crédibilité n'est pas un critère principal du scénario, la France entière devient un petit village où les rencontres fortuites sont plus fréquentes que les bistrots de quartier. Car oui, sans avoir échangé leurs numéros à Megève, Emily et Marcello vont tomber miraculeusement l’un sur l’autre dans une soirée parisienne. Même dans Plus Belle la Vie, on n'a pas osé.
Ce quatrième chapitre, en plus de recycler sans vergogne des dynamiques relationnelles usées, aligne les situations rocambolesques à la chaîne. Camille, l'ex de Gabriel, est enceinte (sauf que non), Gabriel passe Noël chez son ex, Emily débarque elle aussi puisque comme par hasard, le mauvais temps l’empêche de prendre son avion pour Chicago... Tout cela sous un magnifique ciel bleu dans un Megève digne d'une brochure touristique.
Et ce n'est que le début du gros n’importe quoi. Car dans cette quatrième saison, la série ne se contente plus de nous vendre un Paris fantasmé, immaculé, encore plus étincelant que pendant les JO; Netflix nous sert aussi une Rome impeccable, sans embouteillages, ni chaos, ni tout ce qui fait le sel de la capitale italienne. Une ville aseptisée où Emily part rejoindre son nouvel amant, avant de finalement tenter de lui faire signer un juteux contrat avec sa riche famille.
Comme toujours, les retournements de situation sont plus invraisemblables les uns que les autres: l’Américaine, qui n’a jusqu’ici pas mis à profit son temps libre pour apprendre le français à Paris, finit par gérer l'ouverture d'un nouveau bureau à Rome pour son agence. Et tout ceci pile au moment où Gabriel, dans un énième revirement, décide de foncer à Rome pour reconquérir l'Américaine.
Histoire d’étoffer le scénario (qui tient sur un post-it), la série voit débarquer un nouveau personnage: Geneviève, la fille illégitime du compagnon de Sylvie, parachutée de New York à Paris, et engagée dans l'agence après un quiproquo ridicule. Une nouvelle collègue qui suscite un enthousiasme immédiat chez Emily.
Sauf que l’enthousiasme finit par s'écraser comme un vieux soufflé. Car la jeune Franco-Américaine a (forcément, sinon sa présence n’aurait aucun intérêt) des vues sur Gabriel. Encore un triangle amoureux, ou même un quadrilatère, dans ce brouillon sentimental déjà bien rempli d’inepties.
Mais ce que Netflix semble avoir du mal à comprendre, c'est que multiplier les personnages n'ajoute pas de profondeur; au contraire. Sans parler du fait que les clichés persistants sur les Français libertins, enchaînant les relations ambiguës, deviennent insupportables. Emily elle-même n'est qu'un concentré de contradictions, passant d'un amoureux à l'autre. Ça fatigue.
Mentionnons encore Mindy, ce personnage aussi insupportable qu'inutile, qui nous rappelle à chaque scène que la subtilité n'est pas la spécialité des scénaristes. La voilà qui trouve un piano dans une rue de Rome, après avoir justement été recalée de l’Eurovision (car évidemment qu’elle devait y participer et représenter la France, coucou les scénaristes, il faut y aller mollo sur le sucre).
Filmée par Emily, la séquence de Mindy au piano devient virale sur TikTok en une nuit. Le lendemain, la chanteuse en oublie l'Eurovision, car elle décroche un rôle dans un télé-crochet chinois, prouvant que tout dans cet univers est possible: un Paris propre, une Rome silencieuse, une inconnue à l’Eurovision, le tout tantôt avec un béret sur la tête because let’s make it French ou un foulard dans les cheveux because let's make it Italian.
Sans oublier Marcello, le bel Italien, qui a au moins le mérite de faire avancer (péniblement) l’intrigue. Ce qui n’est pas le cas de l'apparition de Brigitte Macron. Un coup de pub grossier pour essayer d'accrocher des spectateurs français. Le résultat? Une scène sans intérêt, ni drôle, ni pertinente, qui, si elle n’avait pas été portée par la Première Dame, aurait sans doute été coupée au montage.
Emily in Paris ne se réinvente pas. Elle persiste dans ses facilités scénaristiques, nous plongeant dans un monde où l'invraisemblance côtoie le malaise. Mais ce qui a pu être charmant dans les premières saisons devient aujourd'hui une caricature de caricature.
Et pourtant, malgré toutes ces absurdités, on reste là, l'air hagard, à cliquer sur «épisode suivant», curieux de voir jusqu'où l'Américaine nous emmènera. Parce que oui, au fond, c'est aussi pour ça qu'on regarde: pour voir jusqu'où le ridicule peut aller. Spoiler: ce sera sûrement à nouveau très propre - au sens propre.
Alors, que nous réserve la saison 5? Encore plus de pulls moches, de romances improbables, ou peut-être même un tour à Tokyo, Lima, ou Yverdon, histoire d'enfin apporter un twist à cette intrigue? Rien n'est impossible dans le monde propre et sucré d'Emily, où l'Europe n’est qu’un vaste terrain de jeu de luxe, sans la moindre ombre au tableau.
A suivre, en tout cas, puisque la plateforme de streaming a confirmé ce 17 septembre qu’on allait encore en avoir au moins pour une saison supplémentaire.
La dolce vita continue : Emily in Paris saison 5, prochainement. pic.twitter.com/K6QQ8diitY
— Netflix France (@NetflixFR) September 16, 2024
Avec une nouvelle coupe de cheveux, ce qui semble être, à ce stade, la plus grande profondeur apportée à l'intrigue. Au secours. «Aiuto», comme on dit à Rome.