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Les raisons du conflit entre Visa et Mastercard: frais de carte

Bezahlen mit Smartphone und Kreditkarte (Symbolbild).
Complexes et émotionnels: les frais liés aux paiements par carte échauffent régulièrement les esprits.Image: Shutterstock

Pourquoi Visa et Mastercard sont en guerre

Une nouvelle décision permet d'avoir un aperçu rare d'un litige sur les frais que le groupe Visa, en particulier, mène par tous les moyens possibles.
17.08.2024, 18:50
Pascal Michel / ch media
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Une bataille fait rage dans le secteur financier au sujet des frais de cartes. Les détails techniques sont complexes, mais les conséquences très concrètes. Elles se manifestent dès l'achat d'un croissant avec la carte de débit. La boulangerie encaisse certes 1,50 franc, mais elle doit verser différents frais pour le paiement sans espèces, notamment la commission d'interchange. Elle est versée à la banque qui émet la carte. Dans le cas du croissant, elle s'élève à nettement moins d'un centime ou – par exemple pour une carte de débit Visa – à 0,2% en moyenne.

A première vue, ce montant n'est pas très important. Mais à y regarder de plus près, si: chaque année, les consommateurs suisses achètent pour 66 milliards de francs par carte de débit. Cela fait rentrer dans les caisses des banques des millions de francs de frais d'interchange. Ces recettes leur permettent de couvrir les coûts d'émission des cartes et de promouvoir l'innovation.

Le montant des frais dont les banques ont besoin pour cette tâche est très controversé. Depuis juin 2023, lorsque la Commission de la concurrence (Comco) a ouvert une enquête sur chacun des deux géants de la carte Visa et Mastercard, les autorités de la concurrence, les banques et les deux groupes américains sont à couteaux tirés.

Une décision de la Comco datant de la mi-juillet permet désormais de jeter un regard rare dans les coulisses du litige sur les frais. Elle montre comment Mastercard s'est rapidement montrée prête à réduire les frais d'interchange, alors que son concurrent Visa tentait par tous les moyens d'imposer sa solution «équitable et viable à long terme».

Les frais sont, au sens strict, des accords

Lorsque le conflit a débuté, à l'automne 2022, un compromis semblait encore possible. La Comco a ouvert une enquête préliminaire afin de réévaluer les commissions d'interchange et de réunir Visa et Mastercard autour d'une table. Cela s'est avéré nécessaire, car l'ancienne réglementation arrivait à échéance. Les parties y avaient stipulé qu'elles renégocieraient l'admissibilité et le montant des frais dès que la part de marché des cartes de débit atteindrait 15% chacune. La Comco est impliquée parce que les frais sont des accords de prix qui doivent être justifiés par des gains d'efficacité.

Une première rencontre avec le secrétariat de la Comco a rapidement eu lieu. Au cours des mois suivants, les parties ont discuté de différentes propositions. Mais lorsque les choses se sont concrétisées en décembre et que l'autorité a proposé d'abaisser le taux de frais à 0,12% pour les transactions en présence du client, les frictions sont rapidement apparues. Alors que Visa s'est opposée, Mastercard s'est montrée prête à baisser les frais à ce niveau et à rechercher un accord à l'amiable.

Visa a refusé l'accord parce que la Comco s'était «engagée» à fixer des frais d'interchange «massivement inférieurs» à ceux de l'UE, a critiqué plus tard le directeur de Visa Suisse Santosh Ritter dans une interview avec CH Media. Dans l'Union européenne, les taux s'élèvent en moyenne à 0,2%. C'est ce taux, que Visa applique également actuellement, que l'entreprise voulait imposer comme limite inférieure pour la Suisse.

«Après tout, la Suisse a le deuxième coût du travail le plus élevé d'Europe»

Certes, Visa ne touche pas un centime de cette taxe, souligne Ritter. Elle est en effet reversée aux banques. Mais en tant que donneur de licence compétent, Visa doit maintenir le taux à un «niveau équilibré».

Mastercard Kreditkarte mit Fingerabdruck-Sensor
Screenshot: Engadget
Des études ont récemment montré que la carte de débit est le moyen de paiement le plus avantageux.Image: Engadget

Visa craint un désavantage économique «sensible»

Au vu des positions très divergentes de Visa et Mastercard, la Comco a ouvert deux enquêtes distinctes. Il ne suffisait pas à Visa de pouvoir s'exprimer dans le cadre de sa propre procédure. L'entreprise souhaitait également avoir accès aux négociations avec son concurrent Mastercard.

C'est pourquoi le groupe a demandé en juillet 2023 à être également reconnu comme partie dans l'enquête contre Mastercard et à avoir accès au dossier. Visa a justifié sa demande par une décision du Tribunal fédéral à ce sujet.

Selon le groupe, Visa risque de subir:

«Un désavantage économique nettement perceptible si des faits sont créés sans sa participation au marché ou si des commissions d'interchange non viables à long terme sont convenues.»

En d'autres termes, Visa voulait empêcher Mastercard de s'engager dans un accord prévoyant des frais inférieurs à ceux de Visa.

Les banques aussi s'en mêlent

Les banques suisses ainsi que les prestataires de services financiers Viseca et Six ont également tenté de défendre leurs recettes de commissions. Elles ont tout intérêt à ce que la commission d'interchange soit élevée. En effet, celle-ci leur est directement versée. L'association Swissdebitpay, qui n'a été fondée qu'au début de l'année 2023, a donc également insisté pour devenir partie à la procédure Mastercard, comme le montre la décision de la Comco. Plus le montant de la commission d'interchange est bas, plus les revenus des membres dans le domaine des cartes de débit sont faibles, ont argumenté les banques.

Malgré ces manœuvres juridiques perturbatrices, Mastercard a signé en octobre l'accord à l'amiable avec le secrétariat de la Comco. L'entreprise s'est engagée à appliquer un taux d'interchange de 0,12% pour les paiements de débit nationaux, avec un plafond de 30 centimes maximum pour les transactions à partir de 300 francs. Cela sonne bien, mais il y a aussi un hic: pour les paiements numériques par téléphone portable, la valeur est en effet de 0,31%, puis de 0,28% à partir de 2025.

Après d'autres échanges de correspondance, le secrétariat de la Comco s'est prononcé en faveur du refus d'accorder à Visa la qualité de partie et l'accès au dossier. Visa s'y est opposée avec véhémence. En avril 2024, l'entreprise s'est adressée directement à la présidente de la Comco, Laura Baudenbacher, et a exigé «l'adoption immédiate d'une décision attaquable concernant la qualité de partie». En outre, la décision concernant l'approbation de la solution Mastercard devrait être suspendue jusqu'à ce qu'un jugement du tribunal sur la question de la qualité de partie soit rendu. Visa a déposé un recours en ce sens auprès du Tribunal administratif fédéral, mais n'a pas obtenu gain de cause.

La Comco est restée ferme. Elle a refusé à Visa, comme aux banques dans la procédure Mastercard, un droit de regard supplémentaire. Car au fond, il s'agissait pour Visa d'empêcher une solution rapide avec une taxe plus basse que celle qu'elle applique elle-même, selon le reproche des gardiens de la concurrence.

Visa pourrait s'exprimer dans sa «propre» enquête et porter la décision de la Comco devant les tribunaux. En effet, le groupe s'est défendu juridiquement dans la procédure menée contre lui. Il a exigé qu'un taux moyen de 0,2% soit déclaré admissible jusqu'à la fin de l'enquête. L'argument: cela permettrait de créer une sécurité juridique. Le Tribunal administratif fédéral a rejeté cette demande pour des raisons formalistes, mais ne s'est pas prononcé sur le montant de la taxe. Visa a fait appel de la décision devant le Tribunal fédéral.

Une enquête pour y voir plus clair

Dans le cadre de l'enquête sur Mastercard, les autorités de la concurrence sont arrivées à la conclusion qu'une commission d'interchange pouvait effectivement encourager les innovations telles que le paiement sans contact ou les achats en ligne. Il était, toutefois, plus difficile de définir le montant autorisé de la commission. Comme un accord a pu être trouvé avec Mastercard, il n'a pas été nécessaire de se pencher sur de nombreuses prises de position économiques. Une chose est claire pour la Comco:

«Il n'y a aucune preuve que le taux convenu pourrait conduire à un système moins efficace pour les cartes de débit de Mastercard que le taux plus élevé de 0,2%.»

Entre-temps, Visa poursuit ses négociations avec la Comco et se dit «confiant» de pouvoir bientôt conclure un accord à l'amiable. On ne sait pas quels sont les taux et les propositions prétendument «plus viables à long terme» qui sont en discussion entre-temps. Visa et les banques espèrent qu'une étude de l'université de Saint-Gall leur donnera un nouvel élan. L'association Swissdebitpay en est le commanditaire. L'étude doit apporter de nouvelles connaissances sur l'efficacité des frais de carte et sera publiée à la mi-septembre.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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