Il n'y a pas si longtemps: il y a deux ou trois ans, les smartphones chinois étaient sur la voie royale. Huawei a détrôné Samsung à court terme malgré les sanctions américaines et les téléphones Xiaomi se sont mieux vendus que l'iPhone d'Apple. Et ce, non pas en Chine, mais en Europe.
Heureux du succès, le fondateur de Xiaomi, Lei Jun, a déclaré à l'automne 2021 que l'entreprise voulait dépasser le leader du marché Samsung au cours des trois prochaines années. Au même moment, le troisième grand fabricant chinois, Oppo et sa filiale Oneplus, se lançait à l'assaut de l'Europe.
La succursale d'Oppo en Suisse, fondée il y a quatre ans, a cessé ses activités en octobre «avec effet immédiat pour des raisons économiques», selon un communiqué de presse succinct. Une douzaine de collaborateurs et collaboratrices perdent leur emploi.
L'atterrissage en catastrophe d'Oppo en Suisse est caractéristique de toutes les marques chinoises; elles ne décollent plus chez nous. Huawei et Xiaomi sont également à mille lieues de dépasser Apple et Samsung en Europe. Bien au contraire. Leur ascension s'est brutalement arrêtée et les deux marques stagnent, voire perdent déjà des parts de marché.
Le déclin de Huawei au cours des trois dernières années s'explique facilement: les sanctions américaines à partir de 2019 ont brisé l'élan des Chinois chez nous. Sans les applications Google et les puces modernes, les téléphones autrefois populaires sont soudain devenus presque invendables. Auparavant, Huawei avait même fortement progressé en Suisse, un pays rompu à Apple, avec des appareils en partie bon marché et en partie techniquement supérieurs. Pour les autres marques chinoises, le chemin de croix en Europe est plus complexe à analyser.
Pendant une courte période, Oppo et surtout Xiaomi ont donné l'impression de s'approprier graduellement le marché en proposant de bons smartphones à des prix compétitifs. Mais ces dernières années, leur avantage en termes de prix s'est visiblement réduit: les problèmes de chaîne d'approvisionnement en temps de pandémie et de guerre, le matériel de plus en plus sophistiqué, les garanties de mise à jour plus longues pour suivre le rythme d'Apple et de Samsung ne sont que quelques-uns des facteurs de hausse des prix.
A cela s'ajoute le fait que le marché des smartphones est saturé. Surtout, les clients conservent plus longtemps leur appareil. Si bien que presque tous les fabricants tentent de compenser la diminution des volumes de livraison par des prix plus élevés. Alors que cela fonctionne à merveille pour Apple, les fabricants chinois, eux, fléchissent et leur avantage en matière de prix n'est plus.
Comme les appareils d'Apple et de Samsung ne coûtent souvent qu'à peine plus cher que les téléphones portables chinois, devenus eux aussi très chers, la grande majorité des clients se tournent vers les marques les plus connues. Et ce d'autant plus que la Chine est associée à de mauvaises conditions de travail, à des violations des droits de l'homme et à l'espionnage. Le fait qu'Apple, Samsung et Fairphone fassent également produire leurs produits en Chine est accepté comme un moindre mal.
Ce n'est un secret pour personne qu'Apple domine le marché lucratif du haut de gamme. En revanche, les fabricants chinois ne parviennent guère à vendre leurs modèles les plus chers à grande échelle en Europe. Ce serait pourtant la condition sine qua non d'un succès durable, car il est difficile de gagner de l'argent avec les seuls appareils à petit budget.
En d'autres termes, alors qu'Apple gagne plus d'argent grâce à l'augmentation des prix de l'iPhone et des abonnements (iCloud, Apple Music, etc.), malgré la stagnation des ventes de téléphones portables depuis des années, cette «astuce» ne fonctionne pas pour les fabricants chinois.
Xiaomi et consorts ne peuvent pas changer grand-chose au contexte épineux du marché, à la politique autoritaire de Xi Jinping et au sentiment anti-chinois toujours plus fort qui en résulte. D'autres problèmes proviennent du logiciel et du support de mise à jour, qui sont en partie faible et ont parfois été source de frustration.
Apple et, entre-temps, Samsung et Google ont en revanche réalisé que le succès durable passe par une bonne assistance. Celui qui peut facilement faire réparer son téléphone portable en cas d'urgence et qui reçoit des mises à jour durant de nombreuses années, reste fidèle à la marque.
Les téléphones chinois auraient pu contrer à la puissance des marques établies que s'ils étaient plus performants. Or, ce n'est pas le cas. Dans le cas d'Oppo, un conflit de brevets avec Nokia est venu compliquer les choses et a entraîné son retrait des marchés allemand et français.
Malgré les revers de fortune: les téléphones portables chinois ne vont pas disparaître chez nous dans un avenir proche. Même en troisième, quatrième et cinquième position, il est possible de gagner de l'argent.