Trump a un nouveau rival
Qui l’eût cru? Le faiseur de rois conservateur, la bible des électeurs MAGA, l’allier médiatique de Donald Trump, a décidé de lui flanquer un gros coup de pression. The New York Post, tabloïd appartenant au richissime Rupert Murdoch, vient de conseiller au président des Etats-Unis de «tenir compte du message audacieux et courageux de foi, d’espoir et de pardon délivré dimanche par Erika», la veuve de Charlie Kirk, assassiné sur un campus le 10 septembre dernier.
Lundi, dans un (très) rare éditorial à charge, le milliardaire de Mar-a-Lago, qui a littéralement déclaré la guerre à l’extrême gauche américaine, est prié d’abandonner de remiser ses violentes aspirations.
Aux Etats-Unis, lorsqu’un texte est l’œuvre d’un comité éditorial, c’est souvent que l’heure est grave, qu’importe l’obédience du média. Pour rappel, dans la même veine et le 28 juin 2024, le très solennel «editorial board» du New York Times avait sommé Joe Biden d’abandonner.
Et si l’on en croit le New York Post, «les batailles de représailles ne mènent qu’à une seule direction: davantage de violence, de ruine et de divisions, tandis que le public apprend à faire de moins en moins confiance aux politiciens et au gouvernement dans son ensemble». Oui, on croit rêver.
Alors que le tabloïd accuse Trump de vouloir museler la liberté d’expression que sa clique réclame et revendique depuis toujours, le président devrait «se demander s’il veut vraiment le meilleur pour lui-même, pour son parti et pour le peuple américain».
Une conclusion qui vient contrer frontalement la bruyante amertume du locataire de la Maison-Blanche qui, lors des funérailles royales de Charlie Kirk, a contredit les vœux de pardon de la veuve du jeune militant trumpiste:
Attention, le New York Post n’a pas pour autant versé dans le militantisme de gauche en une seule nuit, car il a tenu a marteler que le «pays est confronté à une crise de violence politique, principalement d'origine gauchiste». Mais cet appel à la désescalade marque un tournant à droite.
Si une poignée d’influenceurs MAGA et la procureure générale des Etats-Unis Pam Bondi se lèchent les babines à l’idée de persécuter le camp politique adverse, une nouvelle vague conservatrice et un nouveau leader surprise vient défier Trump le va-t-en-guerre: le christianisme et, telle une apparition divine, Jésus en personne.
Comme le rappelle Daily Beast, Donald Trump «n’était pas le centre de l’attention» dimanche, lors du «plus important rassemblement de haut niveau de dirigeants de MAGA depuis l'investiture». Durant cette interminable cérémonie, le renouveau du nationalisme chrétien a fait de l’ombre à la désormais classique répression revancharde du 47e président. Autour d’Erika Kirk, les voix du Seigneur ont littéralement inondé les gradins du State Farm Stadium de Glendale, en Arizona.
C’est JD Vance qui a, pour l'instant, le mieux compris que le vent commençait à tourner. Il est proche de Charlie Kirk et l’appelle même son «véritable ami». Durant son hommage public, en partie improvisé, le vice-président a évoqué Dieu à dix reprises et affirmé que «Jésus-Christ était le Roi des rois». Viendra ensuite un (petit) pied de nez au président: «Charlie me disait de prier pour mes amis, mais aussi pour mes ennemis. Il me disait de revêtir l'armure complète de Dieu et de me remettre au travail».
La foi du vice-président, propulsé au sommet grâce à un Trump qui, lui, patauge dans les vices depuis toujours, n’est pas non plus gratuite. Alors qu’un récent sondage mené auprès de 416 électeurs républicains potentiels «a attribué à Vance 46% des intentions de vote», lit-on notamment dans le Guardian, il suppose que la campagne de 2028 n‘aura plus tout à fait le même goût.
Si l’évangélisation du clan MAGA n’est pas nouvelle, elle revient pointer le bout de son nez dans une Amérique que Trump voudrait revancharde et divisée.
Il a beau avoir dragué les paroissiens conservateurs pour sa propre cause électorale et affirmé que «Dieu l’a sauvé de la mort» lors de la tentative d’assassinat contre lui à Butler, le président risque de manquer d’un atout majeur, que son second possède naturellement: le charme d’un télévangéliste en puissance, ceux-là mêmes qui font fortune en hurlant des psaumes devant des audiences folles.
Car cette nouvelle irruption de foi au sein du mouvement a été suscitée par la pratique religieuse de Charlie Kirk, considéré depuis sa mort comme le martyr parfait. Or, ce chrétien convaincu, dont le travail consistait à prêcher sa propre vision d’une Amérique croyante, blanche et ultraconservatrice, n’est plus là pour s’en occuper.
Si JD Vance s’est montré très à l’aise dans le rôle de l’influenceur à chapelet, le nationalisme chrétien n’a pas (encore?) de leader possiblement politique. Et ce ne sont pas le milliardaire sulfureux et ses frasques qui vont pouvoir en assumer les responsabilités, même s’il fait parfois semblant. Comme au Musée de la Bible à Washington il y a quelques jours, lorsqu’il promettait «de protéger la prière dans les écoles publiques grâce aux prochaines directives du ministère de l'Education», selon CNN.
De quoi ranger l’influence de Donald Trump derrière l’autel? Oui et non. Car son stratège considéré comme le plus extrême, le fameux Stephen Miller, parvient pour l’instant à faire un surprenant pont entre ébauche de dictature et signe de croix, en menaçant les démocrates de façon quasi biblique:
Une nouvelle vague qui n’est pas dénuée d’hypocrisie, mais, s’il est trop tôt pour dessiner les véritables contours de la course à la Maison-Blanche de 2028, les églises pourraient bien y jouer un rôle prépondérant. A droite. Car, comme le rappelait la spécialiste Marie Gayte au média La Croix en juillet dernier, «ce sont les Eglises plus conservatrices qui attirent aux Etats-Unis».