Le maître du Kremlin s'est dégonflé. Au lieu de se rendre personnellement à Istanbul pour négocier la fin de la guerre, les yeux dans les yeux avec son adversaire ukrainien Volodymyr Zelensky, Poutine a envoyé une délégation de troisième ordre en Turquie. Et ce, malgré le fait que ces négociations sans cessez-le-feu préalable étaient son idée.
Les Européens ont insisté pour un cessez-le-feu immédiat, menaçant la Russie de sanctions si elle ne se pliait pas à ces exigences. Zelensky, en revanche, a pris les choses en main en début de semaine. Il a mis en lumière le bluff de Poutine et a crié au chef du Kremlin:
En vain, comme on peut désormais le constater.
La manœuvre du dirigeant ukrainien a été brillante. De son côté, en se dégonflant, Vladimir Poutine a commis sa plus grande erreur stratégique à ce jour dans la guerre contre l'Ukraine. Et cela a surtout un rapport avec le président américain Donald Trump.
Pour la plupart des Européens, il est clair depuis longtemps que Vladimir Poutine ne veut pas la paix. Les experts militaires disent la même chose: le président russe ne pourrait absolument pas se permettre une paix. Car l'économie russe est désormais entièrement orientée vers la guerre, et sa survie politique dépend de la campagne en Ukraine. Le chef du Kremlin n'a pas non plus changé d'un iota ses objectifs de guerre, et veut toujours contrôler l'ensemble du pays voisin.
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Zelensky, quant à lui, a enfin appris à parler le langage de Donald Trump. En février dernier à la Maison-Blanche, l'Ukrainien tentait encore de discuter avec des arguments rationnels. Zelensky expliquait alors qu'il ne sert à rien de parler à Poutine, puisque celui-ci bombarde des hôpitaux ukrainiens, continue de tuer des civils et veut tout sauf la paix.
Mais on ne peut pas raisonner avec Donald Trump. Zelensky a donc pris l'initiative, et l'a montré à Trump et au reste du monde:
Une façon peu subtile d'exprimer les choses, mais c'est ce que Trump préfère.
Poutine, de son côté, se mure dans le silence. Durant un temps étonnamment long, le boss du Kremlin a réussi à faire croire à Trump qu'il tenait vraiment à la paix en Ukraine. Et le président étasunien l'a aussitôt récompensé, en lui accordant une préférence totalement disproportionnée vis-à-vis de l'Ukraine. Mais même Trump doit désormais se rendre compte que Poutine n'est pas à la recherche pas d'un compromis.
Pour le président russe, cela pourrait avoir de graves conséquences. Car Donald Trump n'est en aucun cas un simple laquais de la Russie, qui exauce tous les souhaits de Poutine, comme on pouvait le lire dans de nombreux commentaires haineux au tout début de la présidence du républicain. En réalité, Trump cherchait tout simplement le moyen le plus simple de faire taire les armes. Et pour lui, cela consistait à faire pression sur Zelensky et à forcer l'Ukrainien à faire des concessions.
Il est donc tout à fait possible que Donald Trump change son fusil d'épaule, et augmente la pression sur Moscou. Il pourrait renforcer les livraisons d'armes à Kiev, et exercer une pression économique. Un Trump offensé pourrait se révéler un sacré soutien pour l'Ukraine.
Il pourrait toutefois en être tout autrement. Face à un rapide succès qui tarderait finalement trop, Trump pourrait décider de se retirer complètement de la problématique de la guerre en Ukraine. Et cesser non seulement les efforts de paix, mais aussi tout soutien militaire à Kiev. Poutine aurait alors, au final, encore des raisons de se réjouir.
C'est désormais aux Européens d'empêcher cela. Eux aussi ont appris à parler comme Trump. L'Allemagne augmente ses dépenses militaires, comme Trump l'a demandé, à un niveau spectaculaire de 5% de son PIB. En réalité, il s'agit plutôt de 3,5%. Mais à Berlin aussi, on sait que l'exactitude appartient au monde d'avant. Et que des décisions telles que celle-ci font leur effet sur Donald Trump, qui pourrait garder l'Allemagne dans ses bons papiers.
Mais si ce dernier se désistait? Grâce à sa nouvelle façon de prendre l'aspect militaire au sérieux, l'Europe aurait alors au moins des cartes en main pour causer quelques cheveux blancs à Poutine. A savoir, une dissuasion crédible et concrète. Pour le chef du Kremlin, ne pas participer aux discussions d'Istanbul pourrait donc revenir, simplement, à se tirer une balle dans le pied.
Traduit de l'allemand par Joel Espi