C'était un résultat «historique», «époustouflant», voire totalement «inattendu». Ce jeudi, au terme d'un procès intense de sept semaines, Donald Trump est devenu le premier président américain à être reconnu coupable d'un crime au pénal. 34 chefs d'accusation en tout et pour tout. Un verdict qui n'est toutefois qu'un chapitre, dans une histoire vouée à en connaître d'autres.
Avant tout, un bref rappel des faits qui nous occupent: le dossier du «paiement silencieux». L'ancien président a été condamné pour avoir versé 130 000 dollars à l'actrice X Stormy Daniels, juste avant l'élection présidentielle de 2016 qui l'opposait à Hilary Clinton, afin de dissimuler une embarrassante ancienne liaison extra-conjugale.
Non seulement ce paiement, versé par l'intermédiaire de son avocat Michael Cohen, violait les lois sur le financement des campagnes, mais Donald Trump aurait en plus procédé à un astucieux tour de magie comptable et falsifié des documents de son entreprise pour le dissimuler.
Il est possible, mais peu probable, que Donald Trump soit condamné à une peine de prison. Les accusations portées contre lui sont passibles de 16 mois à quatre ans d'emprisonnement, rappelle le Wall Street Journal, mais il s'agit de délits non violents de «classe E», soit le niveau le plus bas à New York. Compte tenu de son âge et de son casier judiciaire vierge, Donald Trump ne finira probablement pas sous les verrous.
Selon les experts juridiques, il est plus plausible que le juge l'oblige à payer une amende très, très salée. L'ancien président pourrait également être condamné à la probation, ce qui l'obligerait à avoir besoin de l'autorisation d'un agent de libération conditionnelle pour voyager en dehors de l'Etat. Le New York Times évoque aussi la possibilité qu'il garde sa liberté, à condition de s'abstenir de tout nouvel écart judiciaire.
Et, à supposer que le juge requiert quand même une peine de prison, Donald Trump pourra toujours réclamer d'être libéré sous caution, en attendant qu'il conteste sa condamnation. Précisons aussi que s'il était élu président depuis sa geôle, il est presque certain qu'il ne serait pas détenu pendant son mandat, pour éviter toute interférence avec ses fonctions officielles.
Justement, en parlant de contestation: comme l'a déjà confirmé son avocat Todd Blanche, Donald Trump entend faire appel de sa condamnation. Son équipe dispose de plusieurs arguments potentiels. Ils pourraient par exemple remettre en question la compétence du juge à traiter ce dossier ou le dossier de l'accusation.
L'appel, qui pourrait potentiellement être porté devant un tribunal supérieur de l'Etat, voire devant la Cour suprême des Etats-Unis, pourrait prendre plus d'un an avant d'être résolu. Si les avocats de la défense parviennent à obtenir l'annulation du verdict, cela se produira de toute façon bien après l’élection présidentielle du 5 novembre.
Eh oui! Les exigences de la Constitution américaine pour devenir président sont très simples: être âgé d’au moins 35 ans, citoyen américain de naissance et avoir vécu aux Etats-Unis depuis au moins 14 ans. Rien n’interdit à un criminel de se présenter ni de devenir président.
Cela dit, les effets de cette condamnation pourraient tout de même influencer l'élection du 5 novembre: selon un sondage ABC News-Ipsos réalisé le mois dernier, une condamnation dans l’affaire de New York amènerait au moins 20% des partisans de Trump à «reconsidérer» leur vote. 4% ont déclaré pour leur part qu'ils le laisseraient tomber. Etant donné que le vote s'annonce très serré, cela pourrait tout changer pour le candidat.
L'étape la plus immédiate aura lieu le 11 juillet, lorsque Donald Trump sera fixé sur sa peine. Cela se produira quelques jours à peine seulement avant de voir son statut de candidat républicain officiellement entériné par le parti, lors de la Convention du parti républicain.
Le 11 juillet, le 45e président est donc tenu de se présenter au département de probation de la ville de New York, pour y mener un entretien sur ses antécédents, sa santé mentale et les circonstances de son cas. Autant d'informations qui seront utilisées pour aider à compiler un rapport de présentation. Entre-temps, les agents de probation doivent remplir un rapport de présentation consultatif et le soumettre au juge. Quant à Trump, il aura l'occasion de rassembler des lettres de personnalité d'amis, de membres de sa famille et de collègues pour influencer la décision du juge.
Précisons aussi que cette condamnation à New York n'a strictement aucune incidence juridique sur les trois autres poursuites pénales actives auxquelles fait face le milliardaire. La première à Washington, pour avoir prétendument tenté d'annuler les résultats des élections de 2020. La seconde, en Floride, pour avoir conservé des documents classifiés datant de son mandat présidentiel et conspiré avec ses collaborateurs pour dissimuler son vol. Enfin, la troisième en Géorgie, pour soupçons d'ingérence électorale. Trois cas pour lesquels Trump a plaidé non coupable, et qui ne devraient probablement pas être jugées avant le vote de novembre.
Sa défaite ou sa victoire à l'élection présidentielle aura une influence décisive sur ces trois cas. S'il perd, il sera probablement jugé. Dans ce cas, l’affaire du «paiement silencieux» fera office de vulgaire caillou judiciaire, face à un immense glissement de terrain juridique.
S'il récupère la Maison-Blanche, en revanche, Donald Trump pourra aisément s'épargner ces trois procès. Par contre, même président, impossible pour lui de s'auto-gracier pour le cas du «paiement silencieux», une condamnation prononcée par l'Etat de New York. La possibilité d'accorder la grâce présidentielle ne s’applique qu'aux condamnations fédérales.
Vous avez pigé: le verdict de New York pose une quantité affolante de questions et d'hypothèses invérifiables. Ne reste finalement plus qu'à patienter jusqu'au 5 novembre pour les voir, ou non, se concrétiser. En espérant qu'il ne s'agisse pas des plus folles.