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Pourquoi l'Autriche est le paradis des espions russes

Pourquoi l'Autriche est le paradis des espions russes

Les autorités autrichiennes ne s'émeuvent pas d'abriter un potentiel espion russe. Mais ça pourrait changer.
17.09.2025, 17:0117.09.2025, 17:01
Blaise GAUQUELIN, vienne / afp

Depuis des années, un chercheur russe travaille en Autriche pour un institut international bénéficiant de fonds européens, après avoir collaboré avec une fondation soupçonnée d'espionnage et sanctionnée par l'UE. C'est ce qu'a révélé un grand quotidien du pays, sans que cela ne provoque le moindre remous.

Dmitry Erokhin exerce à l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (Iiasa), fondé pendant la Guerre froide afin de favoriser les échanges scientifiques entre Est et Ouest, et sis dans un château non loin de Vienne.

Picture taken on September 12, 2025 shows the International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) located in a Habsburg palace in the Lower Austrian town of Laxenburg near Vienna. Revelations ...
Le siège de l'institut, à quelques kilomètres au sud de la capitale autrichienne.Image: AFP

Le jeune homme publie depuis 2019 des analyses sur la navigation dans l'Arctique, les investissements chinois en Europe de l'Est, l'impact de la fausse information ou le complotisme. Il a cosigné des travaux notamment avec trois autres chercheurs de l'Iiasa, tous formés en Russie, selon les informations qu'ils ont partagé sur les réseaux sociaux.

Mais d'après Der Standard, il a également été lié à la fondation Pravfond, soupçonnée de financer des projets de désinformation et la défense de suspects d'espionnage.

Point de contact avec la Russie

Le journal a publié un article à ce sujet en mai, dans le cadre d'une enquête internationale coordonnée par l'Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un consortium de journalistes.

Il affirmait notamment que Dmitry Erokhin avait dirigé de 2022 à 2024 une association dédiée à «la promotion des valeurs culturelles, juridiques et humaines en général», et logée à la même adresse que l'Institut culturel russe à Vienne.

Il a utilisé cette association comme «point de contact» pour fournir une aide juridique à la diaspora russe en Autriche et Pravfond l'a rémunéré, selon le journal qui cite des courriels et documents internes transmis à la télévision danoise DR.

Un mois plus tôt, en avril, la Cour des comptes de l'Union européenne déplorait l'absence de contrôles pour s'assurer que les entités financées avec des fonds européens respectent les valeurs de l'UE.

Selon son rapport 2024, l'Iiasa a bénéficié d'un peu plus de 19 millions d'euros (environ 18 millions de francs suisses) en contrats et subventions, dont une partie, qui n'est pas précisée, provient de l'UE.

Le ministère autrichien des Affaires étrangères a confirmé que Dmitry Erokhin «disposait toujours d'un visa valide», le gouvernement «n'ayant aucune information de la part de la police» l'incriminant.

L'affaire ne fait pas grand bruit en Autriche

Et pour cause: en Autriche, les faits reprochés à ce chercheur, s'ils sont allégués, ne sont pas interdits par la loi. Car l'espionnage y est légal, quand il n'est pas opéré «au détriment de l'Autriche».

Ce qui n'est pas le cas dans tous les pays européens. En Allemagne et au Royaume-Uni, des condamnations ont été prononcées contre des informateurs de Moscou. Et au Danemark, une Russe a été arrêtée suite aux révélations du groupe audiovisuel public DR dans le cadre de l'enquête de l'OCCRP.

Interrogé, l'Iiasa a affirmé avoir diligenté une «enquête interne» suite aux informations du Standard, qui pouvaient supposer un possible conflit d'intérêt, ce qui serait contraire à son règlement.

«L'Iiasa n'a trouvé aucune preuve d'acte répréhensible de la part» du chercheur russe, «actuellement toujours employé», selon une porte-parole. «Il a nié toute implication» avec Pravfond et a «l'intention d'entreprendre une action en justice», a-t-elle ajouté.

Der Standard a confirmé à l'AFP avoir reçu une lettre d'avocat exigeant de retirer le nom de Dmitry Erokhin de son article en ligne, mais «pas de plainte». Le quotidien a ensuite précisé:

«Nous ne voyons aucune raison de modifier notre reportage»

Contacté, Dmitry Erokhin n'a pas répondu à l'AFP.

L'espionnage, un fait connu à Vienne

Ces dernières années, des scandales d'espionnage au profit de la Russie ont terni la réputation de Vienne auprès des services de renseignement occidentaux et le pays veut légiférer.

Dans son programme de coalition, adopté cette année, le gouvernement dirigé par les conservateurs a prévu «de créer de nouveaux délits d'espionnage», sans préciser s'il comptait interdire l'espionnage au détriment d’autres Etats.

Neutre depuis 1955 bien qu'elle ait dénoncé l'invasion russe de l'Ukraine, l'Autriche, qui se veut une terre de dialogue, subit les tensions internationales fragilisant des structures comme l'Iiasa. L'Institut compte 19 Etats membres et une entité regroupant des pays d'Afrique sub-saharienne, et la coopération est de plus en plus difficile.

Ses plus de 500 chercheurs viennent notamment d'Ukraine, de Russie, d’Israël ou d'Iran. L'Iiasa n'a plus le droit, en raison des sanctions, de collecter la participation russe, même si le pays en reste membre.

La contribution américaine a baissé, «ce qui laisse» selon une porte-parole un «déficit budgétaire important» nécessitant des économies «immédiates», comme des «baisses volontaires de salaire».

Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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Elle se fait agresser dans un tram à Zurich
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