La menace terroriste en Suisse reste élevée, selon le Service de renseignement de la Confédération (SRC). Les actes de violence les plus probables sont ceux commis par des individus isolés ou de petits groupes utilisant des moyens simples, indique le rapport de situation 2025 publié mercredi par le SRC.
Le risque terroriste continue d'être façonné par le phénomène de radicalisation djihadiste en ligne:
Ces jeunes sont souvent idéologiquement instables, et c'est davantage la fascination pour la violence qui motive leurs actes plutôt que des convictions idéologiques profondes.
La radicalisation commence souvent par l'usage des réseaux sociaux, où les jeunes sont exposés pour la première fois à des contenus djihadistes sur des plateformes ouvertes, avant de poursuivre ce processus dans des cercles en ligne plus fermés et radicaux. Ces évolutions se produisent généralement en peu de temps et sont difficiles à détecter. Dans le rapport de l'année dernière, la menace terroriste était encore qualifiée de «élevée et accentuée». Interrogé à ce sujet, le directeur du SRC, Christian Dussey, explique que de nombreuses opérations réussies ont été menées l'an passé contre des jeunes radicalisés, incluant plusieurs arrestations.
Cela se reflète également dans les chiffres: en 2024, le SRC a mené 55 mesures nécessitant une autorisation dans le domaine du terrorisme, contre zéro en 2023 et trois en 2022. Sans entrer dans les détails, Christian Dussey a indiqué que le SRC avait empêché plusieurs attentats terroristes d'origine islamiste en Suisse et à l'étranger au cours des deux dernières années.
Selon le SRC, la menace d'espionnage en Suisse reste également élevée. Le pays demeure une zone d'opérations privilégiée pour l'espionnage en Europe.
Selon le SRC, la plus grande menace provient toujours de la Russie et de la Chine. Ces deux pays disposent d'une forte présence d'agents des services de renseignement au sein de leurs représentations diplomatiques. La Chine et la Russie ont les moyens de «cibler» — selon le jargon — des institutions fédérales, des corps de police, des entreprises, des organisations internationales ou des universités en Suisse.
Les cibles privilégiées sont notamment des entreprises et des centres de recherche dans les secteurs de l'armement et des nouvelles technologies.
Pour les exploitants d'infrastructures critiques, les cyberattaques menées par la Russie et d'autres acteurs étatiques représentent une «menace importante». Dans le cadre de la guerre hybride, ces acteurs pourraient lancer des sabotages ciblés, qu'ils soient cinétiques (réd. physiques) ou réalisés par des moyens cybernétiques, contre des infrastructures critiques en Suisse.
La menace issue des scènes violentes d'extrême gauche et d'extrême droite reste selon le SRC «à un niveau élevé et stable». Le potentiel de violence de l'extrême gauche est important, mais se dirigera probablement à l'avenir principalement contre des biens matériels.
Le milieu d'extrême droite violent agit surtout dans la clandestinité et cherche à se faire connaître via des vidéos d'actions non violentes. Toutefois, on constate une augmentation du nombre de jeunes qui se radicalisent sur Internet et nourrissent des projets terroristes d'extrême-droite.
L'ordre international est en pleine transformation:
La situation sécuritaire autour de la Suisse se détériore d'année en année.
Les six premiers mois tumultueux de la nouvelle administration américaine sous Donald Trump ont conduit le SRC à réévaluer la situation mondiale. Jusqu'ici, il considérait l'émergence de deux sphères: d'un côté, des Etats démocratiques et libéraux sous la direction des Etats-Unis, de l'autre, les «autocraties eurasiennes» que sont la Chine, la Russie, la Corée du Nord et l'Iran.
Avec le retour de Trump à la Maison-Blanche, la politique américaine est devenue plus imprévisible, ce qui déstabilise la scène internationale. Sa politique étrangère et de sécurité peut être qualifiée de «nationaliste». L'étendue de l'influence future des Etats-Unis en tant que puissance ordonnatrice mondiale reste incertaine. Trump rejette l'ordre international libéral façonné par les Etats-Unis, ce qui rend le tableau des deux sphères concurrentes non pas obsolète, mais plus complexe.
Trump a au moins remis en question, sur le plan rhétorique, l'alliance de défense transatlantique, ce qui a fortement déstabilisé l'Europe. Selon le SRC, son administration a semé le doute sur la crédibilité de l'article 5 du traité de l'Otan (clause de défense mutuelle).
Malgré des dépenses de défense nettement accrues, les Etats européens restent «dépendants des Etats-Unis sur le plan sécuritaire pour de nombreuses années». Si Trump réduisait significativement la présence militaire américaine en Europe et abandonnait la clause de défense mutuelle, l'Europe ferait face à une lacune sécuritaire au moins jusqu'en 2030. Un tel «scénario cauchemar pour l'Europe» impliquerait également une protection réduite pour la Suisse.
Le président russe Vladimir Poutine reste solidement ancré au pouvoir sur le plan intérieur et continue de donner la plus haute priorité à la guerre contre l'Ukraine, souligne le SRC. Militairement, la Russie ne se sent pas suffisamment sous pression pour accepter des négociations de paix imposées par les Etats-Unis.
Une trêve donnerait à la Russie le temps de renforcer davantage son potentiel militaire. L'objectif de Poutine est de restaurer le statut de la Russie en tant que grande puissance impériale.
Au-delà de l'Ukraine, ce sont surtout la Moldavie et les Etats baltes qui sont menacés. Tant que le conflit en Ukraine se poursuit à haute intensité, la Russie ne pourra pas simultanément défier directement l'Otan sur le plan conventionnel.
Il est toutefois envisageable que Poutine teste d'abord l'efficacité de la clause de défense de l'Otan dans les Etats baltes par des opérations hybrides, avant de frapper militairement lorsque l'occasion sera favorable.
Traduit et adapté par Noëline Flippe