L'enfer du prince Andrew ne fait que commencer
Le communiqué lapidaire du palais de Buckingham, vendredi soir, avait des airs de clou sur le cercueil royal du prince Andrew. Après «discussion» avec le roi, il était plus raisonnable pour le duc d'York de renoncer de lui-même à ses titres. Voilà. C'est tout. Affaire suivante.
Le prince, qu'une source proche a décrit ce week-end dans le Sunday Times comme «stoïque» face à ces derniers développements, aurait ainsi pu reprendre sa vie isolée dans son manoir du Royal Lodge, à «jouer à des jeux vidéo», regarder à la télévision et faire du cheval. Après tout, malgré cette annonce fracassante, Andrew reste duc, chevalier, comte, prince - tout le toutim.
En lui demandant d'y renoncer de lui-même, le roi Charles III voulait s'épargner la corvée de faire appel au parlement britannique, seule instance capable de pouvoir déchoir officiellement le duc. Dans le jargon du palais, les titres sont donc «en suspens». «Existants mais inactifs», précise le Times.
Mais voilà que d'autres mauvaises nouvelles ont afflué pour Andrew tout au long du week-end dans la presse britannique. Preuve que les quelques avantages qui lui restent sont plus que jamais menacés.
Poursuites judiciaires
24 heures après l'annonce fracassante du «renoncement volontaire», on apprenait ainsi qu'Andrew est devenu le premier membre de la famille royale à faire l'objet d'une enquête policière depuis plus de 20 ans. En cause? Un email envoyé à Ed Perkins, ancien attaché de presse adjoint de la reine Elizabeth, en 2011.
Dans le courriel, Andrew affirme avoir mobilisé un de ses gardes du corps - financé par le contribuable - pour dénicher des informations à même de décrédibiliser Virginia Giuffre, sa célèbre accusatrice. Des informations préjudiciables tel qu'un casier judiciaire, par exemple.
Le hic? Andrew aurait transmis au garde la date de naissance et le numéro de sécurité sociale de l'intéressée à l'agent de sécurité sans son consentement, ce qui est passible d'une enquête criminelle aux Etats-Unis - ainsi que d'une lourde peine de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans, selon Spencer Kuvin, avocat qui représente neuf victimes de Jeffrey Epstein, au Daily Telegraph.
La police métropolitaine du Royaume-Uni, elle, planche déjà sur le dossier. Elle a confirmé à plusieurs médias britanniques enquêter «activement» sur ces allégations.
«Je ne suis plus surpris d'entendre ce qu'Andrew a demandé à certains de ses collaborateurs», lâche pour sa part une source du palais, excédée, dans le Times. «Sa façon de communiquer avec son personnel était ignoble et totalement irrespectueuse.»
La famille de Virginia Giuffre, qui s'est suicidée en Australie en avril dernier à l'âge de 41 ans, a affirmé de son côté que la jeune femme n'a jamais eu de casier judiciaire.
Mémoires posthumes et nouveaux emails accablants
Avant même ces révélations, le palais de Buckingham attendait justement avec anxiété la publication des mémoires posthumes de Virginia Giuffre, l'un des visages les plus connus du trafic de Jeffrey Epstein.
Nobody's Girl: A Memoir of Surviving Abuse and Fighting for Justice, dont la publication est prévue ce mardi, reviendra en détails sur des années d'abus commis par l'entourage de Virginia, avant même qu'elle ne soit recrutée à l'âge de 16 ans comme masseuse de Jeffrey Epstein. L'auteure y accuse notamment le prince Andrew de se croire «tout permis – comme s'il croyait que coucher avec moi était son droit de naissance».
A ces souvenirs douloureux, qui ne manqueront pas de ternir un peu plus - si cela est possible - la réputation du prince, d'autres documents relatifs à son amitié avec le milliardaire américain décédé en 2019 devraient être publiés incessamment sous peu aux Etats-Unis, sur demande de démocrates du Congrès.
Dans un email consulté par le Mail on Sunday, on apprend qu'outre Virginia Giuffre, Jeffrey Epstein aurait présenté le prince à une autre victime de son trafic. Le 11 août 2010, le pédophile condamné écrivait ainsi au royal britannique:
Réponse du prince Andrew:
Adieux forcés au Royal Lodge
A ces énièmes révélations s'ajoute le bras de fer qui oppose depuis plus d'un an Andrew à son frère, Charles, pour sa somptueuse demeure de 42 pièces du domaine de Windsor, Royal Lodge. Un combat qu'Andrew semble plus que jamais certain de perdre.
Depuis ce dimanche, le Crown Estate, qui gère les biens immobiliers de la famille royale britannique, doit faire face à des appels de plus en plus pressants de personnalités publiques et de politiques pour publier les termes du bail qui lie Andrew à son manoir adoré.
«Si Andrew n'est pas disposé à quitter Royal Lodge pour une résidence plus adaptée à son statut diminué, il est clair que les termes du bail doivent être rendus publics», affirme par exemple Norman Baker, auteur royal et ancien ministre libéral démocrate, au Sunday Times.
A l'exception d'une modeste pension de la Royal Navy, Andrew ne touche en effet aucun revenu apparent. Un motif plus que suffisant pour mettre le duc déchu à la porte, selon ses détracteurs.
L'impitoyable William
Et s'il est d'avis général que Charles s'est à présent montré plutôt clément à l'égard de son petit frère au cours des dernières années, Andrew ferait mieux de se préparer à ce qui va suivre.
Selon la rédactrice royale du Times respectée et très bien informée Roya Nikkhah, son héritier, William, ne compte pas se montrer aussi magnanime à l'égard de cet oncle qu'il considère comme une «menace» pour la réputation de la monarchie. C'est simple:
La fin du prince Andrew semble actée. Ou presque. Comme l'a confirmé le secrétaire britannique à l’Energie, Ed Miliband, à la BBC ce dimanche, toutes «ces allégations sont profondément préoccupantes». Quant à savoir si le Parlement pourrait envisager de déchoir officiellement le prince Andrew de son duché, il préfère renvoyer la balle: «Nous nous laisserons guider par la famille royale.»
Il semblerait toutefois qu'après trop d'années à avoir laissé vivre une branche pourrie sans la traiter, les Windsor soient déjà tout décidés.