«Encore raté». C'est sans doute ce qui a traversé la tête du prince Andrew en entamant cette nouvelle année. 2023 s'était pourtant plutôt bien terminée pour le plus jeune fils de la défunte reine Elizabeth. La fin de la disgrâce était presque amorcée. Le flot des gros titres et des articles salaces s'était tari. Les journalistes osaient même écrire son prénom sans y accoler automatiquement l'adjectif «déchu», «scandaleux» ou «paria». Même la mise à l'écart de la famille royale, soigneusement orchestrée, s'était adoucie.
Tant et si bien que, le 25 décembre, votre dévouée chroniqueuse royale relayait avec légèreté les rumeurs d'un remariage entre Andrew et son ex-épouse, lady Sarah Ferguson, elle aussi à nouveau autorisée à se promener publiquement aux côtés des Windsor le jour de Noël, à Sandringham.
Pour la première fois depuis le début du scandale Jeffrey Epstein, le duc d'York profitait enfin d'une accalmie.
La pause fut de courte durée. Le 3 janvier 2024, la justice new-yorkaise descellait plusieurs milliers de pages liées au prédateur sexuel Jeffrey Epstein. Le nom d'Andrew y figure pas moins de 69 fois. Aux côtés d'accusations aussi peu reluisantes qu'«orgies de mineures» et «pelotage de poitrine». La voie vers de nouveaux détails sordides sur ses abus sexuels présumés. En un instant, des mois d'efforts et de discrétion étaient réduits à néant. Un véritable coup de massue pour le prince désireux de restaurer sa réputation et sa crédibilité.
«A maintes reprises, il a été pris en flagrant délit de mensonge. Il prétend toujours qu'il n'y a rien de plus, puis d'autres choses sortent», soupire le biographe Andrew Lownie auprès du Daily Beast. «Je pense que nous allons être alimentés au goutte-à-goutte. Le problème, c'est que personne ne sait ce qui va encore sortir, lui compris.»
Et il n'y a pas que l'impact désastreux de ces dossiers sur l'opinion publique. Alors qu'il pensait avoir laissé derrière lui le volet judiciaire de cette sinistre affaire depuis février 2022, en réglant son action civile avec son accusatrice Virginia Giuffre avec un accord à l'amiable, voilà qu'Andrew se retrouve à nouveau dans le collimateur de la justice.
C'est un groupe de pression antimonarchique, Republic, qui a déposé jeudi une première plainte officielle contre Andrew, arguant que ces milliers de pages de documents contiennent «de nouveaux détails sur des allégations d'agression sexuelle et de viol». Interrogé dans la foulée sur une chaîne de radio britannique, le patron du Parti travailliste britannique concède aussitôt que:
Bien que la police métropolitaine ait confirmé qu’aucune enquête n'a encore été ouverte, la pression sur le duc d'York n'est pas retombée pour autant. A l'autre bout de l'Atlantique, c'est un avocat basé en Floride, Spencer Kevun, défenseur de neuf des victimes de Jeffrey Epstein, qui a enjoint le royal à «répondre de ces révélations» devant la justice et à «remettre les pendules à l'heure».
«Il doit le faire, non pas dans une interview à la télévision, mais sous serment, sous peine de parjure, avec tous les atours de la loi, que ce soit à Londres ou aux Etats-Unis», poursuit l'avocat dans les colonnes du Guardian. «Ou bien, il doit disparaître de la scène publique, par pur embarras face à ce qui est déjà sorti.»
Pour couronner le tout, on apprend cette semaine dans les colonnes du Telegraph que le roi Charles s'apprête à retirer à son frère le financement de la sécurité du Royal Lodge, la maison du duc d'York.
A l'avenir, Andrew sera contraint de payer lui-même d'éventuelles opérations de sécurité liées à son manoir de 30 pièces. Un énième rebondissement dans la longue saga qui déchire les deux frères depuis plusieurs mois au sujet de cette demeure située sur le domaine de Windsor. On sait déjà qu'Andrew, privé de revenus réguliers, éprouve quelques difficultés à entretenir le bâtiment.
Depuis qu'il a été privé de son rôle de membre actif de la famille royale, de son titre d'Altesse, de ses patronages et de ses postes militaires honoraires, le prince flotte dans un flou artistique. Réduit à une vie domestique solitaire et aux balades à cheval sur son domaine de Windsor. Le Palais lui chercherait vaguement une occupation à la fois utile, rentable et suffisamment à l'écart de l'attention du public - un poste sur le domaine de Balmoral, en Ecosse, par exemple.
Si la générosité du roi pour l'entretien de son frangin de 63 ans a atteint ses limites, à voir s'il en sera autant de sa patience face à l'interminable scandale dans lequel est empêtré son cadet. Selon un courtisan, Charles devrait continuer à soutenir son frère, envers et contre tout:
Sur le plan privé, Andrew reste un frère, un père et un oncle. «Le roi a été très magnanime envers Andrew depuis la mort de sa mère, et a fait de grands efforts non seulement pour inclure Andrew, mais aussi pour montrer qu'il fait partie de la famille. Cela ne va pas changer», assure un ami du souverain au Daily Beast. Quant à savoir si ces nouvelles allégations auront un impact sur les chances d'Andrew de reprendre un jour ses fonctions royales, la réponse est sans appel.
Cette nouvelle année ne risque pas de marquer le retour du prince Andrew dans les bonnes grâces. A supposer qu'il n'y en ait jamais.