Parmi les initiés, l'impasse dans laquelle Charles et son frère cadet sont empêtrés depuis deux ans a trouvé son nom de code: «Le siège du Royal Lodge». Précisément le genre de langage militaire que le duc d'York, ancien combattant dans la marine, est à même de comprendre. Ce qui ne l'empêche pas de camper sur ses positions, malgré peu d'alliés visibles à l'horizon et peu d'avantages en poche.
Au cas où vous auriez dormi dans un château privé d'Internet au cours des deux dernières années, permettez une petite mise au point. Royal Lodge, c'est cette propriété cossue de 30 pièces située à Windsor Great Park, que le prince Andrew occupe depuis 2003. Un héritage reçu de Queen Mum, sa grand-mère bien-aimée, qu'il partage désormais avec son ex-femme et amie de toujours, Sarah Ferguson. Après tout, 30 pièces, ça permet de ne pas se marcher dessus.
Ce serait oublier les scandales dans lesquels Andrew est empêtré depuis des années. Désormais paria et privé de ses titres, le duc est cordialement invité à garder profil bas. Et surtout, à revoir à la baisse un train de vie qu'il n'est plus en mesure de le financer par lui-même, comme n'importe quel autre «working royal». Une réduction des coûts qui commence par faire ses cartons du Royal Lodge, pour une résidence plus modeste et plus aisée à entretenir.
Pour compenser, Andrew s'est vu proposer Frogmore Cottage, la maison rénovée à grands frais par Harry et Meghan en 2019, avant leur départ aux Etats-Unis. Si elle présente l'inconvénient d'être surnommée dans les cercles royaux d'«avant-poste des parias» (c'est vrai qu'on a connu meilleur argument de vente), la maisonnée a l'indéniable avantage d'être située à l'intérieur du cordon de sécurité du château de Windsor. Et donc d'être nettement moins chère.
Le principal intéressé, en tout cas, ne l'entend pas de cette oreille. En mai dernier, des amis ont réitéré au Daily Telegraph son intention d'honorer les 55 années restantes de son bail, qui lui confère le droit d'occuper la propriété jusqu'en 2078.
On comprend Andrew. Qui voudrait abandonner cette confortable maison de campagne, qui recèle encore de trésors inestimables de la collection royale? Pour ne citer qu'elle, une épée ancienne accrochée au mur, avec laquelle sa fille, la princesse Beatrice, a accidentellement coupé le visage d'Ed Sheeran en jouant à la chevalière lors d'une fête. Une vraie pièce d'histoire contemporaine.
Du côté de Charles, la patience et la générosité a pourtant atteint ses limites. Après avoir accordé plusieurs sursis à Andrew, notamment après l'annonce du cancer du sein de son ex-femme et colocataire, puis son propre diagnostic en janvier, le monarque est désormais fermement résolu à virer son frère de 11 ans son cadet.
Et pour cela, Charles a trouvé un moyen imparable: couper les vivres. Fin août, le Sun a révélé l'intention du monarque de mettre fin au financement privé du service de sécurité du bâtiment. L'unité de dix hommes partira fin octobre, date à laquelle le contrat devrait expirer. S'il entend continuer à vivre dans la Royal Lodge, Andrew devra donc dénicher une petite fortune pour couvrir les 3 millions de livres sterling que coûte cette garde armée chaque année au roi.
Cela dit, pas sûr que cela convainc le duc de faire ses valises, comme le souligne un vieil ami au Daily Beast: «Si Charles ne veut pas payer pour sa sécurité, Andrew sera tout à fait heureux de compter sur la protection de la police, comme tout autre citoyen du pays. L'endroit où il vit n'a rien à voir avec cela.»
Sans parler des réparations et de l'entretien que requiert un bâtiment de cette importance. Le bail a beau accorder à Andrew le droit d'occuper les lieux jusqu'en 2078, le contrat comprend une clause stipulant qu'il doit la maintenir à un «niveau approprié». C'est-à-dire de repeindre les murs extérieurs «avec deux couches de peinture» tous les cinq ans et, à l'intérieur de la maison, de «peindre avec au moins deux couches de peinture et de tapisser, polir, décorer et traiter de toute autre manière appropriée» les murs tous les sept ans.
A l'heure actuelle, c'est loin d'être le cas. Des photos récentes montrent certaines des dépendances dans un état de délabrement avancé, des peintures écaillées, des étagères qui prennent la poussière, pleines à craquer des théières fantaisie de Fergie - quand Andrew, on ne le rappellera jamais assez, cultive son amour immodéré pour les ours en peluche.
Un argument de plus que Charles pourra faire valoir s'il souhaite mettre son frangin à la porte.
Du réconfort, Andrew en a en effet bien besoin. Selon les quelques rares personnes restées dans l'orbite du prince déchu, le pauvre duc traîne son spleen. Plus de de retour en arrière possible pour cet homme de 64 ans, condamné à ne plus jamais occuper de fonctions officielles. Fini les parades militaires, les apparitions au balcon, les e dîners officiels et les repas conviviaux avec les Grenadier Guards, le régiment dont il a été colonel.
Sans occupation précise ni perspective d'avenir, le prince erre. Il passe ses journées à regarder la télévision dans une pièce sombre, à cheval, ou à frapper quelques balles de golf dans le parc, en observant les allées et venues des camionnettes de livraisons de nourriture du magasin voisin de Windsor Farm.
Comme le conclut un ami de Charles: «Tout cela est plutôt triste. Mais dans l’état actuel des choses, la vie à Royal Lodge va devenir de plus en plus froide et inconfortable pour le duc».
Jusqu'en octobre et au-delà, l'avenir de Royal Lodge reste incertain. En tout cas, c'est un sujet que les deux frères éviteront de mettre sur la table, alors qu'ils se trouvent tous les deux à Balmoral, en Ecosse, pour les vacances de la famille royale. Au moment de sortir les sandwichs lors des fameux pique-niques royaux dans les landes, ça risque de jeter un froid.