Les images montrent un lieu de désolation: après une attaque à la bombe planante lourde samedi, il ne reste plus que des débris fumants d'un magasin de bricolage de la mégapole ukrainienne qu'est Kharkiv. 200 personnes se trouvaient dans le bâtiment au moment de l'attaque. Au moins 16 ont perdu la vie et plus de 40 autres ont été blessées. Plus d'une dizaine d'entre elles sont toujours portées disparues.
Il n'y avait pas de cibles militaires dans les environs – on peut donc supposer que la Russie a délibérément attaqué le centre commercial ou qu'elle a au moins sciemment accepté les nombreuses victimes civiles. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié cela de «nouvelle manifestation de la folie russe».
Cela fait des semaines que la Russie attaque la deuxième plus grande ville d'Ukraine, située à la frontière entre les deux pays. Elle le fait depuis son propre territoire avec des missiles guidés au sol ou des bombes planantes lancées par des bombardiers depuis l'espace aérien russe.
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Dans une allocution vidéo, Zelensky a donc de nouveau demandé dimanche à l'Occident de donner enfin à l'Ukraine l'autorisation de viser des cibles en Russie avec ses armes étrangères. La déclaration du président:
Selon lui, il est nécessaire de permettre à l'Ukraine de pouvoir détruire ces forces au-delà de la frontière russe.
Many leaders, representatives of states and international organizations, as well as civil society leaders, expressed solidarity with Ukraine and Kharkiv and condemned Russian terror.
— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) May 26, 2024
It is important that such condemnation results in fair consequences. To finally receive a… pic.twitter.com/EzJvsab64D
L'Ukraine dispose d'armes qui lui permettraient de le faire. Par exemple les missiles de précision américains ATACMS ou Himars. Mais jusqu'à présent, Washington leur a interdit de tirer sur le territoire russe – et les Ukrainiens s'y sont tenus.
Kiev n'a pas non plus tiré de missiles de croisière Scalp britanniques et français de l'autre côté de la frontière, bien que le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron ait affirmé, au début du mois, que l'Ukraine en avait le droit. Le Kremlin a réagi violemment, affirmant qu'en cas d'attaque avec des armes britanniques, il attaquerait des cibles britanniques «à l'intérieur et à l'extérieur» de l'Ukraine.
Au sein de l'UE, c'est surtout l'Allemagne qui appuie sur les freins: le chancelier Olaf Scholz ne cesse de mettre en garde contre le fait d'entamer la guerre en Russie, estimant que ça entraînerait un risque d'escalade incalculable. C'est pourquoi Scholz refuse également, depuis plus d'un an, de livrer à l'Ukraine des missiles de croisière Taurus allemands. A Berlin, on affirme que le Taurus est une arme si puissante qu'elle pourrait viser une pièce précise du Kremlin. Scholz ne veut manifestement pas prendre le risque que les Ukrainiens puissent le faire.
Le débat commence toutefois à évoluer suite aux attaques russes qui font de plus en plus de victimes parmi la population civile ukrainienne. Lundi, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a appelé les alliés occidentaux à reconsidérer l'interdiction d'utiliser les armes qu'ils fournissent contre des cibles en Russie. Les Ukrainiens auraient les mains liées et il faudrait envisager de «lever certaines des restrictions imposées», a déclaré Stoltenberg en marge d'une visite en Bulgarie.
Aux Etats-Unis, le mot d'ordre était jusqu'à présent de ne pas «encourager ni autoriser» l'Ukraine à attaquer des cibles en Russie. Le New York Times écrit toutefois que les positions commencent à évoluer au sein du gouvernement américain et que le secrétaire d'Etat Antony Blinken fait pression sur le président pour qu'il donne le feu vert à l'Ukraine.
En Europe, ce sont les Etats baltes qui se prononcent, depuis longtemps, pour ne pas imposer ces conditions à l'Ukraine. Et ce week-end, la Suède a officiellement pris position: selon elle, l'Ukraine devrait également pouvoir frapper des cibles en Russie avec des armes occidentales.
Le chancelier Scholz n'a pas l'intention de changer de cap. Dimanche, lors d'un dialogue avec des citoyens, il a de nouveau déclaré qu'il existait pour les armes allemandes «des règles claires qui ont été convenues avec l'Ukraine et qui fonctionnent». Le message est limpide: il n'y aura pas d'attaques sur le territoire russe avec des armes allemandes.
L'interdiction occidentale d'attaquer ne signifie pas que l'Ukraine ne frappe pas déjà des cibles en Russie. Elle le fait simplement avec des drones ou d'autres armes de sa propre fabrication. Dernièrement, Kiev a par exemple attaqué, à plusieurs reprises, des installations de production de pétrole en Russie.
Dans la péninsule de Crimée occupée également, l'Ukraine a déjà tiré sur des cibles russes telles que des bases militaires et des aéroports. Entre autres avec des armes étrangères – et sans que la Russie n'ait pour autant lancé des représailles contre l'Occident.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci