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Guerre contre l'Ukraine

Ukraine: Poutine a un problème avec ses troupes

Poutine a un problème avec ses troupes en Ukraine

Alors que les groupes paramilitaires poursuivent leurs combats en Russie et continuent d'occuper des localités russes, l'armée russe ne parvient toujours pas à maîtriser la situation. Un défi pour Vladimir Poutine.
25.03.2024, 18:5826.03.2024, 08:08
Patrick Diekmann / t-online
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Des avions de combat russes bombardent des quartiers résidentiels avec des bombes planantes. Des drones, équipés de charges explosives, volent au-dessus des immeubles d'habitation. Des explosions, des voitures en feu, des soldats qui se battent dans des maisons, des civils qui prennent la fuite dans la panique. Toutes ces images font partie du quotidien depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, mais ces nouvelles proviennent également, ces jours-ci, de la province russe de Belgorod, au sud-ouest du pays.

Car si l'attaque terroriste ayant tué 137 personnes contre une salle de concert à Moscou a concentré tous les regards du pays et à l'international sur cet acte ignoble, au sud du pays, les Russes se battent contre des Russes et l'Ukraine en profite.

En effet, depuis plus d'une semaine, des unités paramilitaires s'y battent contre l'armée russe et contre les forces de sécurité du Kremlin. Elles ont déjà réussi à porter la guerre plus loin en Russie, mais l'armée russe a étonnamment du mal à chasser les milices hostiles au Kremlin.

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L'attaque des groupes armés sur le territoire russe a été une manœuvre réussie du point de vue de l'Ukraine. Elle oblige Moscou à mobiliser des forces pour la lutte sur son propre territoire. Le moment est bien choisi, étant donné que Poutine surfait sur une vague d'euphorie grâce à son succès électoral et à l'avancée de l'armée russe en Ukraine. Mais tout à coup, il semble que le chef du Kremlin ait perdu le contrôle de sa guerre. Il s'emporte.

Le Kremlin rompt avec son récit de guerre

La situation est très grave pour Moscou. C'est l'une des raisons pour lesquelles le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a employé un mot que les dirigeants russes évitent de prononcer depuis deux ans: la guerre.

«Nous sommes en état de guerre. Oui, cela a commencé comme une opération militaire spéciale, mais depuis que tout l'Occident est impliqué du côté de l'Ukraine, c'est devenu pour nous une guerre.»
Dmitri Peskov, dans une interview publiée vendredi par l'hebdomadaire russe Argumenty i Fakty.

Il s'agit bien d'un revirement politique. Après tout, la critique de l'intervention de l'armée russe en Ukraine et l'utilisation du mot «guerre» dans ce contexte sont punies d'amendes et de peines de prison n Russie. Certes, Poutine lui-même a déjà parlé de «guerre» par le passé, mais le Kremlin n'a, jusqu'à présent, jamais déclaré aussi publiquement son changement de stratégie que Peskov ne l'a fait.

«J'en suis convaincu, et chacun doit le comprendre pour se mobiliser personnellement»
Dmitri Peskov

Moscou se retrouve dans l'obligation d'expliquer pourquoi l'armée, tant vantée par la propagande depuis de nombreuses années, n'a jusqu'à présent pas été en mesure de gagner la guerre en Ukraine. Le récit russe: l'armée ne se bat pas seulement contre l'Ukraine, mais aussi contre l'Otan. L'attaque de la Russie par les milices critiques envers le Kremlin est également embarrassante pour Poutine, car ses forces de sécurité n'ont jusqu'à présent pas réussi à rétablir l'ordre dans son propre pays.

Le Kremlin tente d'exploiter ce dilemme à son avantage. Le message: la Russie est attaquée par des nazis et est désormais en état de guerre. Moscou espère ainsi mobiliser davantage sa propre population. Poutine tente de nourrir les sentiments patriotiques de nombreux Russes dont les ancêtres ont déjà défendu leur pays lors de la «Grande guerre patriotique» contre l'Allemagne nazie.

Ce récit trouve souvent un terrain fertile en Russie. Mais les attaques actuelles contre le pays montrent clairement à quel point il est vulnérable. Ce ne sont pas seulement des groupes paramilitaires qui opèrent contre Poutine en Russie. L'Ukraine parvient aussi régulièrement à toucher sensiblement les infrastructures russes, les aérodromes et les dépôts pétroliers par des attaques de drones et de missiles.

Des civils tués

Une semaine après, la localité frontalière russe de Kozinka est toujours aux mains des milices. Les tirs de l'Ukraine sur les régions de Belgorod et de Koursk, dans l'ouest de la Russie, ont fait au moins un mort et plusieurs blessés, selon les informations officielles. A Belgorod, une femme a été tuée par un impact alors qu'elle promenait ses chiens, a annoncé vendredi le gouverneur Viatcheslav Gladkov sur Telegram. Deux autres personnes ont été blessées et hospitalisées; une femme avec des blessures aux jambes dues à des éclats d'obus et un homme avec un traumatisme crânien, a-t-il ajouté.

De plus, selon Gladkov, des habitations et des voitures ont été endommagées. Sur les photos jointes à l'entrée, on peut voir que les vitres de nombreux bâtiments ont été brisées par l'onde de choc des explosions. Selon le ministère russe de la Défense, les tirs ont été effectués par des lance-roquettes multiples de type «Vampire». Huit missiles auraient été interceptés. Ces informations n'ont pas pu être confirmées de manière indépendante dans un premier temps.

Manque de munitions

Cette stratégie révèle également la situation actuellement dramatique pour l'armée ukrainienne dans l'est de son pays, car les attaques contre les milices critiques envers le Kremlin doivent surtout être comprises comme une manœuvre de diversion. Si Moscou doit déplacer ses forces pour des reconquêtes dans son propre pays, celles-ci ne peuvent justement plus être utilisées pour le moment pour des offensives en Ukraine. L'armée ukrainienne souffre surtout d'un manque de munitions et doit gagner du temps jusqu'à ce que les livraisons promises par l'Occident arrivent.

Les forces en présence sont tout à fait gérables. L'expert militaire Nico Lange, interrogé par ZDFlive, estime que les milices ne comptent actuellement qu'un nombre de combattants à trois chiffres. Ils sont toutefois bien équipés, soutenus par des drones de reconnaissance et des kamikazes et opèrent près de Belgorod avec des plans d'eau derrière eux, ce qui rend l'accès difficile pour les forces armées russes.

Les succès militaires de la milice ont été obtenus avant tout par la ruse. Avant leur attaque, la milice du Corps des volontaires russes a appelé les habitants de la région de Belgorod à fuir, parlant même d'un «corridor humanitaire» dans son groupe Telegram. Les attaques ont eu lieu en même temps que des attaques de drones et de missiles menées par l'Ukraine contre un dépôt de pétrole et contre un centre de renseignement du FSB dans la région.

Trois groupes contre Poutine

Tout devait paraître plus grand qu'il ne l'était en réalité, afin d'attiser la panique. Parallèlement, des combattants de la Légion de la Russie libre ont publié une vidéo censée les montrer dans les localités frontalières de Tiotkino ou Gorkovski. Mais tout cela était faux, destiné à mettre les défenseurs russes sur une fausse piste tout en répandant la peur en Russie sur les réseaux sociaux.

Les attaques des milices contre la Russie doivent donc avant tout être considérées comme faisant partie de la guerre de propagande. La Russie fait ainsi le jeu de l'Ukraine. D'un autre côté, les tentatives des forces de sécurité russes semblent peu professionnelles. Sur des vidéos, dont certaines sont partagées sur Telegram par des blogueurs militaires pro-russes, on peut voir comment les troupes russes avancent dans les localités avec des véhicules civils et sont ensuite combattues avec succès par les drones et les combattants des milices retranchés dans les maisons. Cela ne fait qu'augmenter le mécontentement à Moscou et au sein de la population russe.

Ce sont principalement trois groupes armés qui s'opposent à Poutine depuis l'année dernière. Parmi eux, on trouve des extrémistes de droite russes connus comme Denis Kapustin, également connu sous le nom de Denis Nikitin, chef du Corps des volontaires russes. Il s'est exprimé vendredi sur les opérations en Russie:

«L'opération se poursuit en ce moment même. Nous parlerons de nos pertes une fois l'opération terminée»
Denis Kapustin

Les deux autres groupes sont la Légion de la liberté de la Russie et le Bataillon de la Sibérie. Selon leurs propres déclarations, ces groupes sont composés de Russes qui rejettent le gouvernement du président Poutine. Ils reçoivent certes des informations des services secrets, des munitions et une aide logistique de l'Ukraine, mais agissent indépendamment du gouvernement de Kiev. Les dirigeants ukrainiens n'en font plus mystère.

Comment les Ukrainiens gèrent-ils la situation?

La collaboration avec ces milices n'est pas sans risque pour Kiev, car ces groupes sont un ramassis d'extrémistes de droite et de monarchistes. En fait, ce sont des forces avec lesquelles on ne souhaite plutôt pas collaborer, mais l'Ukraine a besoin d'une telle action pour ne pas perdre davantage de terrain à l'Est. Bien sûr, l'Ukraine est consciente que cette opération pourrait soutenir le récit russe de se défendre en Ukraine contre les nazis.

Mais au vu de la situation actuelle et du manque d'équipement et de munitions sur le front, les dirigeants ukrainiens n'ont probablement guère le choix et ont finalement opté pour le moindre mal.

L'Ukraine a en tout cas atteint un objectif stratégique: Poutine voulait en fait célébrer sa victoire électorale lundi, mais les attaques l'obligent à parler de «traîtres». Il a qualifié les Russes qui se battent contre leur propre pays de «racaille» et a souligné:

«Nous les punirons sans limites, où qu'ils soient»

Mais c'est précisément cette déclaration qui le met désormais sous pression, car jusqu'à présent, son armée n'y est pas parvenue, et au lieu de cela, les bombardiers russes transforment leurs propres localités en zone de guerre. Cela va également accroître la peur de la population russe face à une escalade du conflit.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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