Moscou met à nouveau en garde le gouvernement allemand contre la livraison de missiles de croisière Taurus à l'Ukraine. Une frappe avec ces missiles contre des installations russes serait:
C'est ce qu'a déclaré jeudi la porte-parole du ministre russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, selon les agences de presse russes.
Les tensions autour de l'armement allemand s'intensifient donc sur la scène internationale. Lundi dernier, le vice-président du Conseil de sécurité nationale russe, Dmitri Medvedev, avait également mis en garde l'Allemagne contre une livraison, n'hésitant pas à insulter sur X le chancelier Friedrich Merz en ces termes: «Réfléchis à deux fois, nazi!»
Chancellor candidate Fritz Merz is haunted by the memory of his father, who served in Hitler's Wehrmacht. Now Merz has suggested a strike on the Crimean Bridge. Think twice, Nazi!
— Dmitry Medvedev (@MedvedevRussiaE) April 14, 2025
Le 13 avril, lors du talk-show sur la chaîne allemande ARD présenté par Caren Miosga, l'élu de la CDU avait réitéré son intention de livrer le Taurus à l'Ukraine, si nécessaire, et «en coordination avec les Alliés». Durant son mandat, le chancelier précédent, Olaf Scholz, s'y était toujours opposé. Selon les analystes, l'avertissement de Moscou n'est toutefois pas recevable au regard du droit international, et peu crédible.
Si cela était le cas, Le Royaume-Uni et la France auraient déjà été déclarés parties belligérantes par Moscou depuis longtemps. Les deux pays ont en effet déjà fourni à l'armée ukrainienne des systèmes similaires, avec les missiles de croisière Storm Shadow et Scalp. Il en va de même, de l'autre côté, pour les livraisons de drones iraniens et de missiles à courte et moyenne portée nord-coréens, sans lesquels la Russie ne pourrait mener ses inlassables frappes aériennes.
Pour l'expert allemand en sécurité Nico Lange, les menaces russes sont donc avant tout un signe que Moscou craint cette arme de longue portée, pouvant atteindre 500 kilomètres et dotée d'une charge explosive puissante. Il estime que cela renforce la nécessité pour l’Allemagne de livrer enfin ce missile de croisière afin de consolider la position de négociation de l’Ukraine «en vue d’un cessez-le-feu».
Dans ce sens, l’ancien ambassadeur ukrainien à Berlin, Andrii Melnyk, presse lui aussi les autorités allemandes de donner leur feu vert :
Un autre expert allemand reconnu en matière de sécurité, Christian Mölling, estime que l’Allemagne s’est elle-même enfermée dans ses «lignes rouges» au point de devenir prévisible pour la Russie. Dans un entretien accordé au Tagesspiegel de Berlin, il a affirmé:
Selon lui, la livraison des Taurus donnerait à l'Ukraine un coup de pouce militaire considérable alors qu'elle se trouve en situation difficile dans cette guerre.
Même Erhard Bühler, un expert habituellement très réservé, souligne l'utilité militaire que la livraison de Taurus aurait pour Kiev à l'heure actuelle. Notamment pour détruire les voies d'approvisionnement russes et attaquer les installations de ravitaillement situées à grande distance. Il serait au moins important pour l'Allemagne «de garder cette option ouverte et de ne pas la rejeter catégoriquement, comme elle l'a fait jusqu'à présent», a fait valoir l'ancien général de la Bundeswehr et commandant de l'Otan, dans son podcast hebdomadaire sur la chaîne MDR.
Pour un autre ancien général de la Bundeswehr, Klaus Wittmann, l'Ukraine se trouverait aujourd'hui dans une situation militaire tout à fait différente si elle avait pu utiliser plus tôt les missiles de croisière Taurus pour combattre les positions russes. Selon le quotidien britannique «Telegraph», Londres aurait déjà donné son feu vert à Friedrich Merz pour une livraison.
La reprise des attaques aériennes sanglantes menées par la Russie contre la ville de Sumy et Kryvyï Rih, la ville natale de Volodymyr Zelensky, avec de nombreuses victimes civiles, dont des enfants, a ravivé le débat sur les Taurus en Allemagne.
L’Ukraine réclame ce système d’armes allemand depuis le début de l’invasion russe. La Bundeswehr en possède 600 exemplaires, dont 300 seraient opérationnels. On ignore si l’armée de l’air ukrainienne a déjà pris des dispositions pour adapter les avions de chasse F-16 livrés par l’Occident à un éventuel usage des Taurus.
Traduit de l'allemand par Joel Espi