La semaine dernière, Poutine menaçait l'Otan d'une riposte militaire, notamment nucléaire, si l'Ukraine obtenait l'autorisation d'utiliser des armes occidentales à longue portée. Des mises en garde répétées à de nombreuses reprises depuis le début de la guerre en février 2022. L'autocrate affirme ne pas exclure une guerre nucléaire si l'Occident le «pousse à l'escalade».
La plupart des experts considèrent les menaces de guerre de Moscou comme un moyen de guerre psychologique. L'objectif est d'intimider la population occidentale et de créer un climat favorable aux intérêts prorusses.
Selon David R. Shedd, ces «Mind Games», c'est-à-dire les «jeux psychologiques» du Kremlin, doivent contribuer à semer le doute au sein des gouvernements occidentaux, écrit l'ancien directeur de la Defense Intelligence Agency, un service de renseignement militaire américain, dans un article pour la revue spécialisée Foreign Policy. Et plus encore, les dissuader d'élargir leur soutien militaire à l'Ukraine et de livrer de nouveaux types d'armes.
«Poutine sait que pour pousser les Occidentaux à bout, rien ne vaut les menaces nucléaires», a analysé l'expert en renseignement Shedd.
En réalité, Poutine ne pourrait pas vraiment se permettre d'étendre le conflit aux pays de l'Otan, selon de nombreux experts. En revanche, la Russie pourrait réagir en introduisant certaines restrictions à l'exportation de métaux importants et de matières radioactives.
En effet, malgré les sanctions internationales liées à la guerre en Ukraine, les pays occidentaux continuent de miser sur les matières premières en provenance de Russie, notamment l'uranium, le titane et le nickel. Contrairement au pétrole, ces matières premières n'ont jusqu'à présent pas été sanctionnées malgré l'invasion de l'Ukraine par la Russie - parce que de nombreux pays occidentaux en dépendent.
Pourtant, le groupe public Rosatom, responsable de l'extraction de l'uranium, est l'un des plus grands soutiens du Kremlin et de sa guerre contre l'Ukraine. Rien qu'en 2022, les pays de l'UE ont payé environ 720 millions d'euros pour les produits nucléaires et l'uranium russes - de l'argent qui va donc directement dans le trésor de guerre de Poutine.
Les Pays-Bas, entre autres, sont un gros acheteur de ces matières premières, qui jouent un rôle important notamment dans la transformation des métaux et la fabrication de matériaux. Mais d'autres pays européens importent également des biens russes importants, comme les pellets d'uranium et les barres de combustible. Ces derniers sont essentiels pour les exploitants de centrales nucléaires européennes.
En ce sens, une interdiction d'exportation de ces produits serait un bien meilleur levier pour Poutine afin de faire plier l'Occident. Ce serait une guerre nucléaire d'un genre particulier, une guerre qui ne serait pas menée sur le champ de bataille, mais sur le terrain de l'économie.
Après l'annonce de Moscou la semaine passée, le cours des actions d'uranium ont grimpé en flèche sur les marchés boursiers. La raison: en cas de pénurie de ce matériau, les prix de la matière première pourraient augmenter, ce dont les entreprises pourraient à leur tour profiter.
On peut toutefois se demander si la Russie va vraiment interdire ou restreindre ses exportations. En effet, on dit à Moscou que l'on ne veut rien faire qui puisse nuire à la Russie. Avec une telle interdiction, Poutine perdrait lui aussi des millions.
Les restrictions à l'exportation ne doivent pas être imposées «demain», a déclaré Poutine lors d'une interview télévisée. Il pourrait donc s'agir là aussi d'une forme de manipulation psychologique de l'Occident et, au final, d'une menace en l'air.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré à propos d'une éventuelle autorisation d'armes à longue portée pour l'Ukraine que les Etats-Unis étaient prêts à adapter leur soutien militaire si nécessaire. Ces derniers jours, des signaux sont également venus du Royaume-Uni pour autoriser le pays, attaqué par la Russie en violation du droit international, à utiliser les missiles de croisière Storm Shadow sur le territoire russe. Ceux-ci ont une portée d'environ 250 kilomètres.
Les missiles américains ATACMS sont toutefois encore plus importants pour l'Ukraine. Ceux-ci ont une portée encore plus grande et ont permis à l'armée ukrainienne d'effectuer des frappes loin dans l'arrière-pays russe. Mais les pays occidentaux semblent pour le moment préférer temporiser sur la question.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)