C'est à l'occasion d'un talk-show, mardi, sur la chaîne allemande ZDF que l'ex-champion du monde de boxe ukrainien a livré sa rétrospective de plus d'un an et demi de guerre. Une analyse très personnelle de la manière dont l'invasion russe a changé son pays et sa propre vie.
Les gens s'adaptent au spectacle horrible de la guerre, mais ne s'y habituent pas, a témoigné l'ancien athlète ukrainien, qui est également le frère cadet du maire de Kiev, Vitali Klitschko. «Le jour, la vie semble plutôt normale et la nuit, on entend des explosions», ajoute-t-il. Rien qu'en regardant les yeux et les visages des gens, Vladimir est capable de dire d'une simple photographie de l'Ukraine a été prise avant, ou après, le début des combats.
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Pendant la discussion, l'ancien boxeur a eu l'occasion de décrire sa rencontre avec Vladimir Poutine, en 2011, dans le cadre d'une manifestation sportive à Sotchi. Vladimir Klitschko aurait alors été très impressionné par l'attitude ouverte et terre-à-terre du président russe. Son entourage aurait également eu l'air «très réservé, très poli».
Aujourd'hui, il a conscience que Poutine est un fin connaisseur de la psyché humaine et qu'il sait gagner les gens à sa cause.
L'Ukrainien affirme, toutefois, que cela fait longtemps qu'il ne se fait plus d'illusions sur les intentions du président russe. Selon lui, Vladimir Poutine continuera à provoquer, à attaquer et à travailler à son plan de restauration d'un empire russe. Si l'Ukraine tombe, les Etats baltes et la Pologne seront les prochains sur la liste, a déclaré l'ex-athlète avec conviction.
Vladimir Klitschko a aussi estimé qu'il lui restait probablement 10% des amis russes qu'il avait autrefois. D'anciens amis qui se sont entièrement laissés prendre par la propagande de Poutine sur l'Ukraine nazie et ses méchants soutiens occidentaux, a constaté l'Ukrainien avec résignation.
Egalement présente sur le plateau, la correspondante à Kiev du quotidien Die Zeit, Olivia Kortas, a avancé que les objectifs de guerre de Poutine restaient inchangés depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. Pour Poutine, il s'agit de détruire et d'anéantir la nation ukrainienne, ainsi que de renverser son gouvernement, a expliqué la journaliste. A Kiev, les gens vivent encore plus intensément qu'avant.
Olivia Kortas souligne que, lorsqu'on s'approche du front ou qu'on atteint des régions libérées des envahisseurs russes, on peut facilement observer qu'une vie normale n'est plus possible.
«Pourtant, les Ukrainiens ne sont pas un peuple brisé, même si j'ai parfois l'impression que c'est exactement ce que l'on veut entendre en Allemagne», poursuit la correspondante.
Parmi les crimes particulièrement perfides commis par la Russie dans cette guerre figurent les enlèvements d'enfants et d'adolescents ukrainiens, qui ont fait l'objet de la deuxième partie de l'émission. Tatjana Kiel, fondatrice de l'initiative #«WeAreAllUkrainians», a accusé la Russie d'enlever systématiquement des garçons et des filles ukrainiens pour les soumettre à un lavage de cerveau propagandiste dans des camps et les confier ensuite à des familles russes.
20 000 cas de ce type sont documentés de manière sûre par les dénonciations des proches, a déclaré la partenaire commerciale de longue date de Klitschko, qui a également publié un livre sur ce thème avec l'ex-boxeur.
Le nombre de cas non recensés dont elle a parlé se situerait toutefois entre 200 000 et 250 000. Selon Tatjana Kiel, des sources russes parleraient même de 700 000 jeunes. L'absence de chiffres plus précis s'expliquerait par l'approche ciblée des autorités russes. «Dès que les enfants enlevés sont dispersés dans la population russe, leur nom ainsi que leur date de naissance sont changés. Il n'est alors presque plus possible de retrouver ces enfants», a constaté l'entrepreneuse.
Il y en aurait «beaucoup, beaucoup plus» que 20 000, a également supposé Olivia Kortas, citant comme exemple de cas non enregistrés les orphelins de guerre qu'aucun parent ne recherche.
Les invités de l'émission ont été unanimes sur le fait que la Russie agirait de manière stratégique en enlevant des jeunes Ukrainiens. La correspondante du Zeit a expliqué que les parents ukrainiens à faibles revenus subissent des pressions ciblées pour confier leurs enfants à la garde de la Russie pour des raisons de sécurité, et ne peuvent ensuite plus les récupérer. Et Tatjana Kiel d'ajouter qu'une incitation claire était liée à la distribution ultérieure en Russie. «Les familles en Russie reçoivent de l'argent pour "héberger" des enfants ukrainiens», a expliqué la manager engagée dans le rapatriement des enfants.
(Traduit de l'allemand par Léa Krejci, adapté par mbr)