La décision du président indonésien Prabowo Subianto d'aller rencontrer Vladimir Poutine plutôt que de répondre à une invitation du G7 peut s'interpréter comme une tentative d'élargir ses alliances, mais fait craindre un basculement de Jakarta en faveur de Moscou, estiment des analystes.
Aux commandes de l'archipel depuis octobre dernier, Prabowo avait été convié par Ottawa au sommet des pays du «groupe des 7» achevé mardi, a indiqué une source gouvernementale canadienne. Mais l'ex-général a préféré accepter une invitation à rencontrer le dirigeant russe à Saint-Pétersbourg pour une visite de trois jours qui débute officiellement mercredi.
La présidence indonésienne a attribué cette décision à un conflit de calendrier. Mais les experts estiment qu'elle envoie un signal aux partenaires occidentaux sur l'orientation stratégique de la première économie d'Asie du Sud-Est qui, historiquement, entretient cependant une politique de non-alignement.
Pieter Pandie, chercheur au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) basé à Jakarta, donne son analyse:
Pour d'autres, le choix du président indonésien est une démonstration de son objectif de développer un réseau mondial d'alliances économiques et militaires, au lieu de s'appuyer uniquement sur les partenaires occidentaux au sein du groupe des économies avancées. Pandie exprime son désaccord:
Dedi Dinarto, spécialiste de l'Indonésie au sein du cabinet de conseil Global Counsel, estime quant à lui que:
Le porte-parole de la présidence indonésienne, Philips Vermonte, soulignait mardi que Prabowo était en visite officielle en début de semaine à Singapour avant de préciser:
Jakarta est habituée à entretenir des relations pondérées avec les grandes puissances, et entretient de longue date un équilibre diplomatique délicat entre les deux rivaux régionaux, à savoir Pékin et Washington.
Au lendemain de sa prise de fonction, Prabowo Subianto a effectué sa première visite à l'étranger auprès du président chinois Xi Jinping, puis s'est rendu à Moscou. Il a également publié plusieurs vidéos de ses appels téléphoniques avec le président américain Donald Trump.
L'ex-général a également cherché à diversifier les alliances indonésiennes par la signature d'un accord de sécurité avec l'Australie, des visites dans les pays du Golfe, une escale au Royaume-Uni, puis l'accueil récent du président français Emmanuel Macron.
Entretemps, il a développé des liens plus étroits avec la Russie, la qualifiant de «grande amie» et organisant les premiers exercices navals conjoints des deux nations autour de l'île de Java en novembre dernier.
Jakarta et Moscou sont également en pourparlers sur des achats d'équipements militaires, la collaboration spatiale et un éventuel accord de libre-échange avec le bloc de l'Union économique eurasienne dirigé par Moscou. En outre, l'Indonésie a rejoint, en début d'année, le groupe des BRICS+, un bloc d'économies émergentes composé de 11 pays comprenant notamment la Chine, l'Inde et la Russie.
Et, tandis que son prédécesseur Joko Widodo avait tenu à se rendre à la fois à Kiev et à Moscou, Prabowo n'a prêté pour le moment attention qu'au côté russe, alors que la guerre entre les deux pays dure depuis plus de trois ans.
Mais pour Dedi, Prabowo ne devrait pas pour autant remettre en cause la stratégie traditionnelle de non-alignement de Jakarta:
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