Craignant pour sa vie, l'ayatollah Ali Khamenei est retranché dans un bunker. Selon des médias, le Guide suprême iranien de 86 ans a été conduit dans un abri sécurisé dans le nord-est de Téhéran au début des frappes israéliennes la semaine dernière.
A ses côtés se trouvent des conseillers proches et des membres de sa famille, dont son fils Mojtaba, pressenti comme possible successeur à la tête du régime. Pour Khamenei, l'enjeu n'est pas seulement sa propre survie, mais aussi celle de la République islamique.
Israël aurait pu éliminer Khamenei lors des récentes frappes aériennes, mais y aurait renoncé, selon plusieurs médias. Benjamin Netanyahou et Donald Trump évoquent publiquement la possibilité de le faire.
Il n'est pas certain qu'Israël soit en mesure de localiser Khamenei. Mais depuis vendredi, l'Iran a perdu une vingtaine de hauts gradés et généraux lors de frappes aériennes israéliennes. Certains officiers ont été tués chez eux, preuve du niveau de précision avec lequel Israël semble connaître l'emplacement des cadres du régime.
Mercredi, l'ayatollah s'est exprimé par le biais d'une déclaration lue à la télévision. Il y a averti les Etats-Unis qu'une intervention aux côtés d'Israël entraînerait des «dégâts irréparables». Il a également rejeté la demande de capitulation formulée la veille par le président américain Donald Trump. L'émission ne montrait qu'une photo du dirigeant de 86 ans.
Les 36 années de pouvoir de Khamenei ont été marquées par un conflit permanent entre l'Iran et Israël. L'ayatollah a soutenu des milices alliées comme le Hezbollah et les Houthis dans leur lutte contre l'Etat hébreu. Cet «axe de la résistance» visait à rapprocher l'Iran de son objectif: éliminer Israël et chasser les Etats-Unis de la région.
Khamenei a toujours voulu éviter une guerre directe contre les puissances lourdement armées que sont les Etats-Unis et Israël, qu'il considère comme une menace existentielle pour son régime théocratique. C'est pour cette raison qu'il a longtemps refusé de mener des représailles après des frappes américaines ou israéliennes, une approche qu'il qualifiait de «patience stratégique».
L'an dernier, en ordonnant les premières frappes de missiles iraniennes contre Israël, Khamenei a rompu avec sa politique de retenue. Jusqu'alors, les affrontements restaient limités à des escarmouches ponctuelles. Mais les récents bombardements israéliens depuis vendredi scellent la fin définitive de cette stratégie d'attentisme. Sur la plateforme X, Khamenei a affirmé qu'Israël avait commis une grave erreur et serait bientôt détruit.
Le gouvernement de Khamenei propose désormais aux Etats-Unis de renouer des négociations sur le programme nucléaire iranien afin de mettre fin au conflit. Trump estime que, sous la pression militaire israélienne, l'Iran pourrait se montrer plus enclin au compromis lors de ces nouvelles discussions que lors des cinq rounds de négociations menés depuis avril.
Khamenei cherche à éviter une perte de prestige, tant sur le plan intérieur qu'international: il doit frapper Israël avec la pleine puissance des arsenaux de missiles iraniens, faute de quoi l'Iran risquerait d'apparaître comme un tigre en papier.
En revanche, Khamenei ne souhaite pas que la riposte soit suffisamment forte pour entraîner une intervention américaine dans le conflit. Cela menacerait la survie de la République islamique, qu'il considère comme son œuvre de vie.
Nommé en 1989 à la tête de la Révolution iranienne, succédant au fondateur de la République, l'ayatollah Rouhollah Khomeini, Khamenei s'est opposé à l'ayatollah Akbar Hachemi Rafsandjani, alors président et chef du Parlement, qui prônait un pragmatisme en politique étrangère et une ouverture économique. Khamenei reste aujourd'hui à la tête des conservateurs, des Gardiens de la Révolution et des partisans de la ligne dure, profondément méfiants envers l'Occident.
Depuis la mort de Rafsandjani en 2017, Khamenei exerce un pouvoir incontesté. Dans le système politique iranien, les électeurs peuvent certes choisir le Parlement et le président, mais le Guide suprême, élu par un conclave de religieux, détient toujours le dernier mot.
La Garde révolutionnaire, force protectrice du régime, lui est directement subordonnée. C'est cette Garde qui a réprimé la vague de protestations à l'automne 2022, lorsque des millions d'Iraniennes et d'Iraniens réclamaient la chute du régime et la fin des lois islamiques, notamment l'obligation du port du voile.
Depuis quelque temps, Khamenei cherche à organiser sa succession. Son âge avancé et son état de santé rendent cette question urgente. Blessé lors d'un attentat en 1981, il a depuis de grandes difficultés à utiliser son bras droit. Il a été opéré d'un cancer de la prostate il y a onze ans, et, en 2022, il a disparu plusieurs semaines de la scène publique, alimentant les spéculations sur une possible nouvelle maladie.
Le favori était Ebrahim Raïssi, président élu en 2021 et proche de Khamenei, mais il est décédé, l'an dernier, dans un accident d'hélicoptère. Depuis, Mojtaba Khamenei, le deuxième fils aîné du «Guide suprême», est envisagé comme futur successeur. Bien que la République islamique exclue officiellement toute succession dynastique, la Révolution islamique de 1979 ayant précisément renversé la dynastie du Chah, cette perspective reste néanmoins évoquée.
Cependant, le chef du régime peut clairement désigner son successeur, et Mojtaba est visiblement présenté comme l'homme de l'avenir. Depuis quelques années, le plus jeune Khamenei porte le titre d'ayatollah, bien que sa carrière religieuse ne semble pas pleinement justifier ce grade. Or, la fonction d'ayatollah est une condition indispensable pour accéder au poste de «Guide suprême».
Agé de 55 ans, Mojtaba est également un conservateur convaincu, un fidèle soutien de la République islamique, et il entretient des liens étroits avec les services de sécurité. Autant de raisons pour Khamenei de l'emmener avec lui dans le bunker.
Traduit et adapté par Noëline Flippe