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Israël-Palestine: «La pitié ne va pas du côté des juifs»

People participate at a demonstration of solidarity with the Palestinian people, in Geneva, Switzerland, Saturday, May 15, 2021. Protesters called for a free Palestine in response to days of violent c ...
Manifestation propalestinienne, Genève, 14 octobre 2023.Image: KEYSTONE

«La pitié va immédiatement d’un côté et ce n'est pas du côté des juifs»

Des juifs constatent à regret que les victimes israéliennes des massacres du Hamas «n'ont pas droit à la considération accordée par les opinions occidentales aux victimes palestiniennes». Etat sous le feu des critiques de la communauté internationale pour son non-respect des résolutions de l'ONU, Israël se sent et se sait mal-aimé.
17.10.2023, 06:1017.10.2023, 12:54
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Chacun scrute les réseaux sociaux de l’autre. Attend une réaction. Espère un soutien. La guerre déclenchée au Proche-Orient par les massacres du Hamas sur des civils israéliens, le 7 octobre, trouve un large écho dans les rues européennes. Aux premiers rassemblements de soutien à Israël ont succédé des manifestations propalestiniennes, attisées par l’intensification de la répression de Tsahal dans la bande de Gaza, où le nombre de morts s'élève à 2215, civils pour la plupart, dont 724 enfants, selon un bilan fourni dimanche par les autorités locales. Dans ce conflit sans fin depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, l'opinion, en Europe, semble pencher majoritairement en faveur des Palestiniens privés d'Etat. Un sentiment d'abandon gagne parmi les juifs.

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«Où sont mes potes musulmans?»

«Où sont mes potes musulmans? Pourquoi vous n’êtes pas avec nous?», demandait le comédien français juif Philippe Lellouche, samedi soir sur France 2 dans l’émission «Quelle Epoque!». Bouleversé par les attaques terroristes des commandos du Hamas, qui, selon les autorités israéliennes, ont fait 1400 morts, hommes, femmes, vieillards et enfants, il ajoutait:

«On n’a rien contre une caresse de ses compatriotes, et cette caresse-là, on l’attend»
Philippe Lellouche

Philippe Lellouche s’adressait à la grande famille du spectacle. Où juifs et musulmans peuvent être les meilleurs amis du monde, surtout lorsqu'ils partagent une origine nord-africaine.

Mais rien. Le mutisme. Comme si, pour un acteur de cinéma, position visible et exposée, condamner les tueries du Hamas, c’était prendre un gros risque, celui d’apparaître comme un «vendu» aux yeux d'une partie du public. A l’inverse, apporter son soutien aux Palestiniens vous fera bien voir de la «base», mais pourrait vous valoir des problèmes dans la «profession». Les sous-entendus sont explicites.

Karim Benzema parle

Sa prise de parole était attendue: elle est tombée dimanche 15 octobre à 17h55 sur X (ex-Twitter). Il s'agit du Ballon d'or Karim Benzema, 20 millions d'abonnés sur le réseau social, parti jouer en Arabie Saoudite, un pays musulman où il sait que les gens l’«aiment»:

«Toutes nos prières pour les habitants de Gaza victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n’épargnent ni femmes ni enfants»

«Indignation sélective»

Dans l’avalanche de likes félicitant le joueur pour sa position «courageuse» en faveur des Palestiniens gazaouis, quelques tweets lui reprochent «son indignation sélective».

Cette «indignation sélective», le sentiment que les «victimes juives ne comptent pas», cette comédienne française de théâtre, de confession juive, qui a perdu une partie de sa famille dans les camps nazis, les ressent fortement ces jours-ci. Le lendemain des tueries commises par des commandos islamistes, elle s’est rendue dans le théâtre de la région parisienne où elle joue actuellement.

«Ce qui m’a le plus touchée, c’est que personne, parmi mes collègues de travail, n’a eu un mot pour les massacres du Hamas»
Une comédienne française de confession juive

Elle-même issue de la gauche, résolument opposée à la politique de Benjamin Netanyahou, elle a un mot à dire sur ses «copains de gauche et d’extrême gauche»: «Ils ne parlent des massacres du Hamas qui ont frappé des juifs que pour accabler la politique de gouvernement Netanyahou. Comme si ces atrocités étaient le retour de bâton, le prix à payer, vous l’avez voulu, vous l’avez eu.»

«L’antisémitisme est très pervers, il est très ancien»

Cette insensibilité lui pèse:

«Mes copains de théâtre ne me parlent que du massacre à venir des Palestiniens, jamais de celui commis sur des juifs. La pitié va immédiatement d’un côté. Ce n’est pas normal. L’antisémitisme est très pervers, il est très ancien, il n’est pas conscient, pas volontaire.»
Une comédienne française de confession juive

Dans le tramway qui la ramenait du théâtre, elle a entendu un jeune homme prononcer des «paroles insensées»:

«Il criait: "On va vous couper la tête!". Il parlait d’"effet boomerang". C’était après l’assassinat du professeur d’Arras. Le jeune homme était un Noir. D’autres jeunes Noirs dans le tramway étaient gênés par son comportement. Chez les gens, la partie la plus visible est toujours la pire.»
Une comédienne française de confession juive

Une famille lausannoise endeuillée à Beeri

En Suisse, où, comme ailleurs, «tout le monde déteste Israël», pour paraphraser un slogan en vogue à l’extrême gauche visant la police, les milieux juifs ne s’attardent pas publiquement sur les victimes juives des attaques du Hamas. Une famille lausannoise qui a perdu un de ses membres dans la tuerie du kibboutz de Beeri ne souhaite ainsi pas parler à la presse. Elle a fait connaître les motifs de son refus à une intermédiaire jointe par watson:

«Si c’est encore pour voir dans les commentaires qu’il est normal et pas dommage de tuer des juifs, non merci»
Une famille lausannoise endeuillée par le massacre du kibboutz de Beeri

A ce propos, la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation) est intervenue auprès de la ville de Genève pour des tags antisémites (une cinquantaine) et auprès de divers médias pour des propos de même nature tenus dans des forums de lecteurs. La Cicad est particulièrement attentive aux amalgames et dérapages qui pourraient survenir en milieu scolaire au détriment des élèves ou professeurs juifs, indique-t-elle à watson.

Sur son compte X, le président du groupe socialiste au conseil municipal de la ville de Lausanne, Louis Dana, a écrit, le 9 octobre:

«On doit défendre l’existence d’un état palestinien et le respect du droit international. Cela n’explique pas l’inexcusable tiédeur de certains dans la condamnation des actes terroristes immondes commis par le Hamas.»
Louis Dana, élu socialiste lausannois

Ce message s'adressait-il à certains de ses camarades n’ayant pas immédiatement trouvé les mots pour qualifier, au nom du Parti socialiste, l’attaque du Hamas du 7 octobre, comme l'avait repéré watson le lendemain? «Non, dit-il, la position du PS est claire: nous condamnons les attaques terroristes, ainsi que la politique d'extrême droite du gouvernement israélien. Je partage pleinement cette position.»

Un député français d'origine maghrébine menacé

En France, alors que les synagogues et écoles juives sont sous surveillance, alors que le pays est placé en alerte «urgence attentat», le plus haut niveau de vigilance, depuis l'assassinat d'un professeur de lycée par un jeune islamiste tchétchène, le 13 octobre à Arras, les citoyens d'origine maghrébine ne sont pas non plus à l’abri de violences verbales ou physiques. Le 14, lors du déplacement d’un membre du gouvernement à Hayange, une commune mosellane dirigée par un maire Rassemblement national, un député de ce parti, Laurent Jacobelli, a tenu des propos menaçants à un autre député, Belkhir Belhaddad, du parti Renaissance:

«Il va bien le Hamas?», «Tu me parles autrement, racaille. Joue pas ta racaille»
Laurent Jacobelli, député RN

Dès le 7 octobre, l’entrepreneur français d’origine marocaine, Aziz Senni, enfant du Val-Fourré, la plus grande cité française, située des les Yvelines, écrivait dans un tweet: «Les Israéliens ont droit à la sécurité, les Palestiniens ont droit à un Etat, les 2 ont droit à la #paix: œuvrons à cela.»

Dans un contexte inflammable, où l’origine et la religion supposée des intervenants pèsent de tout leur poids, une parole rare et somme toute courageuse.

Gaza après les bombes
Video: watson
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