Chacun scrute les réseaux sociaux de l’autre. Attend une réaction. Espère un soutien. La guerre déclenchée au Proche-Orient par les massacres du Hamas sur des civils israéliens, le 7 octobre, trouve un large écho dans les rues européennes. Aux premiers rassemblements de soutien à Israël ont succédé des manifestations propalestiniennes, attisées par l’intensification de la répression de Tsahal dans la bande de Gaza, où le nombre de morts s'élève à 2215, civils pour la plupart, dont 724 enfants, selon un bilan fourni dimanche par les autorités locales. Dans ce conflit sans fin depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, l'opinion, en Europe, semble pencher majoritairement en faveur des Palestiniens privés d'Etat. Un sentiment d'abandon gagne parmi les juifs.
👉 Notre direct sur l'attaque du Hamas contre Israël 👈
«Où sont mes potes musulmans? Pourquoi vous n’êtes pas avec nous?», demandait le comédien français juif Philippe Lellouche, samedi soir sur France 2 dans l’émission «Quelle Epoque!». Bouleversé par les attaques terroristes des commandos du Hamas, qui, selon les autorités israéliennes, ont fait 1400 morts, hommes, femmes, vieillards et enfants, il ajoutait:
Philippe Lellouche s'exprime dans l'émission QUELLE ÉPOQUE su France 2 #PhilippeLellouche #QuelleEpoque #France2 #Isreal #Hamas #Palestin pic.twitter.com/KqmG9WiiYJ
— Erreur 404 (@Erreur455769746) October 15, 2023
Philippe Lellouche s’adressait à la grande famille du spectacle. Où juifs et musulmans peuvent être les meilleurs amis du monde, surtout lorsqu'ils partagent une origine nord-africaine.
Mais rien. Le mutisme. Comme si, pour un acteur de cinéma, position visible et exposée, condamner les tueries du Hamas, c’était prendre un gros risque, celui d’apparaître comme un «vendu» aux yeux d'une partie du public. A l’inverse, apporter son soutien aux Palestiniens vous fera bien voir de la «base», mais pourrait vous valoir des problèmes dans la «profession». Les sous-entendus sont explicites.
Sa prise de parole était attendue: elle est tombée dimanche 15 octobre à 17h55 sur X (ex-Twitter). Il s'agit du Ballon d'or Karim Benzema, 20 millions d'abonnés sur le réseau social, parti jouer en Arabie Saoudite, un pays musulman où il sait que les gens l’«aiment»:
Toutes nos prières pour les habitants de Gaza victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n’épargnent ni femmes ni enfants.
— Karim Benzema (@Benzema) October 15, 2023
Dans l’avalanche de likes félicitant le joueur pour sa position «courageuse» en faveur des Palestiniens gazaouis, quelques tweets lui reprochent «son indignation sélective».
Cette «indignation sélective», le sentiment que les «victimes juives ne comptent pas», cette comédienne française de théâtre, de confession juive, qui a perdu une partie de sa famille dans les camps nazis, les ressent fortement ces jours-ci. Le lendemain des tueries commises par des commandos islamistes, elle s’est rendue dans le théâtre de la région parisienne où elle joue actuellement.
Elle-même issue de la gauche, résolument opposée à la politique de Benjamin Netanyahou, elle a un mot à dire sur ses «copains de gauche et d’extrême gauche»: «Ils ne parlent des massacres du Hamas qui ont frappé des juifs que pour accabler la politique de gouvernement Netanyahou. Comme si ces atrocités étaient le retour de bâton, le prix à payer, vous l’avez voulu, vous l’avez eu.»
Cette insensibilité lui pèse:
Dans le tramway qui la ramenait du théâtre, elle a entendu un jeune homme prononcer des «paroles insensées»:
En Suisse, où, comme ailleurs, «tout le monde déteste Israël», pour paraphraser un slogan en vogue à l’extrême gauche visant la police, les milieux juifs ne s’attardent pas publiquement sur les victimes juives des attaques du Hamas. Une famille lausannoise qui a perdu un de ses membres dans la tuerie du kibboutz de Beeri ne souhaite ainsi pas parler à la presse. Elle a fait connaître les motifs de son refus à une intermédiaire jointe par watson:
A ce propos, la Cicad (Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation) est intervenue auprès de la ville de Genève pour des tags antisémites (une cinquantaine) et auprès de divers médias pour des propos de même nature tenus dans des forums de lecteurs. La Cicad est particulièrement attentive aux amalgames et dérapages qui pourraient survenir en milieu scolaire au détriment des élèves ou professeurs juifs, indique-t-elle à watson.
Sur son compte X, le président du groupe socialiste au conseil municipal de la ville de Lausanne, Louis Dana, a écrit, le 9 octobre:
Ce message s'adressait-il à certains de ses camarades n’ayant pas immédiatement trouvé les mots pour qualifier, au nom du Parti socialiste, l’attaque du Hamas du 7 octobre, comme l'avait repéré watson le lendemain? «Non, dit-il, la position du PS est claire: nous condamnons les attaques terroristes, ainsi que la politique d'extrême droite du gouvernement israélien. Je partage pleinement cette position.»
En France, alors que les synagogues et écoles juives sont sous surveillance, alors que le pays est placé en alerte «urgence attentat», le plus haut niveau de vigilance, depuis l'assassinat d'un professeur de lycée par un jeune islamiste tchétchène, le 13 octobre à Arras, les citoyens d'origine maghrébine ne sont pas non plus à l’abri de violences verbales ou physiques. Le 14, lors du déplacement d’un membre du gouvernement à Hayange, une commune mosellane dirigée par un maire Rassemblement national, un député de ce parti, Laurent Jacobelli, a tenu des propos menaçants à un autre député, Belkhir Belhaddad, du parti Renaissance:
Il n’y a pas seulement les 2 fois où ce député RN lance «racaille», «joue pas ta racaille» à un autre élu de la Nation.
— Paul Larrouturou (@PaulLarrouturou) October 14, 2023
Entendez-vous Laurent Jacobelli répondre «on verra» quand Belkhir Belhaddad lui dit «surtout pas de menaces»hier à Hayange? On verra quoi? (📹@lerepu) pic.twitter.com/o64koM0AEP
Dès le 7 octobre, l’entrepreneur français d’origine marocaine, Aziz Senni, enfant du Val-Fourré, la plus grande cité française, située des les Yvelines, écrivait dans un tweet: «Les Israéliens ont droit à la sécurité, les Palestiniens ont droit à un Etat, les 2 ont droit à la #paix: œuvrons à cela.»
Je crains les conséquences de l'importation du conflit israélo-palestinien dans notre pays 🇫🇷 évidement manipulé par les extrémistes politiques et religieux
— Aziz Senni (@azizsenni) October 7, 2023
Les israéliens ont droit à la sécurité, les palestiniens ont droit à un Etat, les 2 ont droit à la #paix : œuvrons à cela
Dans un contexte inflammable, où l’origine et la religion supposée des intervenants pèsent de tout leur poids, une parole rare et somme toute courageuse.