Une militante féministe marocaine, Ibtissame Lachgar, a été placée mardi en détention pour «atteinte à la religion islamique» après la publication sur les réseaux sociaux d'une photo jugée «offensante envers Dieu», a annoncé le parquet.
La militante de 50 ans avait publié fin juillet une photo d'elle-même portant un t-shirt où apparaissait le mot «Allah» suivi de la phrase «is lesbian» («est lesbienne»). La photo était accompagnée d'un texte qualifiant l'islam, «comme toute idéologie religieuse», de «fasciste, phallocrate et misogyne».
Placée en garde à vue dimanche, Ibtissame Lachgar «a été poursuivie mardi pour atteinte à la religion islamique et placée en détention», a déclaré à l'AFP une source au parquet. L'article 267-5 du Code pénal marocain, en vertu duquel elle est poursuivie, punit de six mois à deux ans de prison ferme «quiconque porte atteinte à la religion musulmane». La peine est susceptible d'être portée à cinq ans d'emprisonnement si l'infraction est commise en public, «y compris par voie électronique».
Les défenseurs des droits humains dénoncent ce texte de loi qu'ils accusent d'entraver la liberté d'expression. La publication d'Ibtissame Lachgar avait suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, certains internautes appelant à son arrestation.
Dans une publication sur Facebook, Ibtissame Lachgar avait affirmé être victime depuis plusieurs jours de cyberharcèlement et avoir reçu «des milliers de menaces de viol, de mort, d'appels au lynchage et à la lapidation». La date de son procès n'est pas connue.
Elle avait co-fondé en 2009 le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali). Parmi ses actions les plus marquantes figure un pique-nique organisé en 2009, durant le ramadan, pour défendre le droit de ne pas jeûner et contester l'article 222 du code pénal marocain sanctionnant toute personne musulmane rompant ostensiblement le jeûne en public sans motif religieux valable.
Depuis, son mouvement a mené plusieurs campagnes médiatisées contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité. Son militantisme lui a valu plusieurs démêlés avec les autorités, sans qu'elle soit poursuivie. En 2016, elle a été interpellée à Rabat pour trouble à l'ordre public et son entourage avait dénoncé une arrestation «injustifiée». En 2018, après une campagne pro-IVG de Mali, elle a de nouveau été détenue pendant 24 heures, notamment pour «délit d'ivresse», selon la presse locale. (ame/afp)