Samedi matin, les soldats du Hamas palestinien ont lancé un assaut sur le territoire d'Israël à partir de la bande Gaza: attaque de postes de police, mais aussi massacre de civils et kidnappings. Les âmes fauchées se comptent par centaines, alors que les images des atrocités commises, immondes, remontent sur les réseaux sociaux. L'Iran se réjouit de ces attaques. Dimanche matin, c'est au tour du Hezbollah libanais de bombarder le nord du pays alors qu'Israël mobilise ses réservistes en grand nombre.
Mais le Hamas, c'est quoi? Quelle est la différence avec le Hezbollah? La Cisjordanie, c'est quoi comme pays? Et que viennent faire les Iraniens là-dedans? Vous avez sauté les cours d'histoires et de géographie et vous avez besoin d'un petit refresh pour savoir ce qui se passe dans la région? Suivez le guide.
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Un peu d'histoire: à la fin du 19e siècle, l'antisémitisme monte en Europe et un groupe d'intellectuels juifs lance l'idée d'un retour sur la terre promise qui accueillit leur peuple à l'antiquité: c'est le sionisme.
Ces terres se trouvent alors sur le territoire de l'Empire ottoman, démantelé à la fin de la Première guerre mondiale. Le Royaume-Uni, qui contrôle désormais colonialement la région, offre à des colons israéliens des terres pour venir poser leurs valises. Ceux-ci s'installent graduellement dans les années 1920 et 30.
A la fin de la Seconde guerre mondiale, les rescapés du nazisme en Europe viennent s'installer en grand nombre, accompagnés d'autres juifs du monde entier. La population juive augmente rapidement et entend faire d'une partie des terres de la Palestine britannique un Etat, son Etat, ce qui n'est pas du goût de la population arabe, qui se sent submergée.
En 1947, les Britanniques, qui jouaient le rôle de médiateurs entre les nouveaux et les anciens habitants, annoncent qu'il vont se retirer de la région, laissant derrière eux un territoire dont la souveraineté n'est pas certaine ni claire. L'Onu nouvellement créée propose un plan de partage entre deux Etats, l'un arabe et l'autre juif, qui est accepté.
Mais les peuples arabes ne tolèrent pas cette décision, et de premières violences éclatent. Israël proclame son indépendance en 1948: c'est la goutte de trop. Une coalition militaire arabe attaque l'Etat juif et sera repoussée en 1949. C'est la première guerre d'une longue lignée qui n'a plus cessé depuis.
Deux zones composent la Palestine:
Depuis les années 1950 et les tensions et violences qui ne faiblissent jamais, la Palestine échoue à imposer son indépendance en tant qu'Etat souverain. Sa reconnaissance aux Nations Unies est difficile. Actuellement, 70% des pays du monde ont approuvé celle-ci, mais pas la majorité de l'Occident. Parmi eux, les Etats-Unis, le Canada, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou... la Suisse ne reconnaissent pas officiellement la Palestine comme un Etat.
Avant d'aller plus loin: la carte de la région en 2023.
A la fin des années 1980, un nouveau mouvement naît sur le territoire de la bande de Gaza: le Hamas. Cette organisation armée, ouvertement islamiste et créée avec le soutien des Frères musulmans égyptiens, a pour objectif la libération de la Palestine et la destruction — pure et simple — d'Israël. Il partage ce combat avec un autre groupe, le Djihad islamique, lui aussi présent dans les territoires palestiniens.
Dans les années 1990 et 2000, le Hamas étend son emprise sur la bande de Gaza. Il en prend le contrôle en 2007, en tant que parti politique et utilise désormais ce territoire hautement peuplé comme base pour ses opérations. Les derniers conflits ouverts entre Israël et le Hamas ont eu lieu en 2012, 2014 et 2021. Chacun a fait plusieurs centaines de morts, mais aucun n'a atteint l'intensité de la guerre qui a commencé ce mois-ci.
A la différence du Hamas, de confession sunnite, le Hezbollah est un groupe armé islamique chiite, basé au Liban. En ce sens, il est lié au grand pays chiite du monde musulman: l'Iran. Il collabore également avec d'autres mouvements pro-iraniens du Moyen-Orient.
Le Liban est partagé entre trois communautés religieuses distinctes: chrétiens, sunnites et chiites, qui comptent chacun environ pour un tiers de la population. Et ce sont justement les chiites qui sont présents au sud du pays, à la frontière avec Israël. Pour Hasni Abidi, politologue et spécialiste du Moyen-Orient à l'Université de Genève, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen:
Tout comme le Hamas, le Hezbollah est une organisation paramilitaire avec des ramifications politiques. Dans les années 2000, le parti a une influence notable sur la politique libanaise et en 2006, une guerre éclate entre Israël et le Liban. Des officiers iraniens étaient même venus prêter main-forte.
Dimanche, au lendemain de l'attaque du Hamas, le Hezbollah a lui aussi attaqué Israël depuis le territoire du Liban en tirant des obus d'artillerie et des missiles guidés.
Aucun soldat n'a cependant tenté de pénétrer en territoire israélien et le parti ne dispose plus de la même influence qu'en 2006. Mais son pouvoir de nuisance est, lui, intact. Le n°2 du Hezbollah a ainsi déclaré à cette occasion:
La République islamique est l'actuel ennemi mortel d'Israël. Depuis la prise de pouvoir des Mollahs, en 1979, il souhaite, comme le Hamas, la disparition pure et simple de l'Etat hébreu. L'Iran fournit en armes et en équipements le Hezbollah libanais. Mais il a aussi opéré «un rapprochement pragmatique» avec le Hamas, explique Hasni Abidi.
Dans la région, Israël sert aussi «d'avant-poste» occidental pour les Etats-Unis, qui craignent que l'Iran ne développe des armes nucléaires. Tel Aviv et Washington collaborent amplement en matière d'espionnage industriel et parfois même dans des actions militaires secrètes contre des sites nucléaires iraniens.
Le régime des Mollahs a été un des premiers à féliciter ouvertement le Hamas de son attaque sur Israël, bien qu'il a nié toute implication dans les attaques. L’ayatollah Ali Khamenei, figure spirituelle du pays, a déclaré:
Le président iranien Ebrahim Raïssi a appelé les autres «gouvernements musulmans» à prendre position de manière similaire. De nombreux manifestants se sont réunis sur la Place de la Palestine, dans la capitale Téhéran. «La grande libération a commencé», pouvait-on lire sur une banderole déployée sur un immeuble, alors que des drapeaux israéliens étaient brûlés.
Selon le Wall Street Journal, des officiels du Hamas et du Hezbollah se sont entretenus avec des responsables militaires iraniens au Liban, il y a une semaine. Cette réunion aurait été le point d'orgue d'un soutien qui aurait duré «plusieurs semaines» et qui aurait permis de coordonner efficacement les attaques du Hamas par voie terrestre, maritime et aérienne. Le gouvernement américain, de son côté, n'a pas réussi à confirmer cette information bien qu'il estime que le Hamas a lui aussi été «financé, équipé et armé» par Téhéran.
Car sur le terrain du soutien financier et militaire, l'Iran vient notamment remplacer le «Royaume» saoudien, qui a historiquement soutenu le Hamas à ses débuts. Mais celui-ci a préféré prendre ses distances depuis plusieurs années, notamment pour se rapprocher des Etats-Unis, sous l'impulsion du jeune prince Mohammed Ben Salmane.
Lors de ses premières décennies d'existence, la plupart des pays musulmans de la région étaient hostiles à Israël. Plusieurs guerres lancées par des coalitions de pays arabes, notamment la Syrie et la Jordanie, et menés par l'Egypte, ont eu lieu contre Israël:
Ces deux guerres ont été gagnées par Israël, contre une armée égyptienne pourtant très puissante. L'Egypte signera un traité de paix avec Israël en 1979 et la Jordanie fera de même en 1994. Depuis lors, les relations se sont apaisées entre ces acteurs. Pour certains Palestiniens, cet évènement a été vécu comme une véritable trahison.
Samedi, des milliers de Turcs ont participé à Istanbul à une marche pour soutenir les Palestiniens. «Le peuple palestinien ne fait que défendre sa patrie», pouvait-on notamment entendre. Des manifestations similaires ont eu lieu au Yémen, en Irak et en Syrie.
Les Emirats arabes unis et Bahreïn, deux pays qui ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020, ont dénoncé la prise en otage de civils israéliens. Ces deux pays ont notamment signé les Accords d'Abraham en 2020, encadrés par les Etats-Unis et l'administration Trump.
La position de la Russie est un peu particulière et risque d'évoluer encore ces prochains jours. Si Moscou a en théorie de bonnes relations historiques avec Israël, de nombreux Russes y habitant, il a déclaré en urgence la création d'un Etat palestinien comme une priorité, un no-go diplomatique bien connu pour Israël.
Une situation d'autant plus ambiguë qu'en septembre dernier, Sergeï Lavrov accueillait à Moscou un des dirigeants du Hamas, une rencontre inimaginable dans un pays occidental.
(Cet article a été réalisé avec des ajouts de l'ATS)