Grâce aux avancées de la médecine, l'humanité peut espérer «une vie active plus longue et bien différente de ce que l'on connaît aujourd'hui», a déclaré mercredi Vladimir Poutine, présent à Pékin aux côtés de Xi Jinping. Peu avant, le président russe avait même été surpris en train d'évoquer la vie éternelle auprès de son homologue chinois.
A l'heure actuelle, aucune donnée scientifique n'appuie la possibilité de vivre pour toujours. Il n'existe même pas de consensus sur l'existence d'une limite biologique indépassable à la vie humaine. «Le débat n'est pas tranché», résume la professeure Ilaria Bellantuono, spécialiste de la biologie du vieillissement à l'université de Sheffield (Angleterre).
Certains scientifiques constatent que, malgré de grands progrès mondiaux sur la santé et les modes de vie, les records de longévité stagnent, notamment depuis la mort à 122 ans de la Française Jeanne Calment à la fin des années 1990.
Mais des démographes contestent cette lecture. Publiée en 2018 dans la revue Science, une étude montrait ainsi qu'au-delà d'un très grand âge, le taux de mortalité reste stable. Autrement dit, nous n'aurions pas plus de risque de mourir à 115 qu'à 105 ans.
Mais les propos de Vladimir Poutine dépassent ce débat. Le chef d'Etat russe n'évoque pas seulement la possibilité de ralentir l'arrivée de la mort: il parle de techniques qui permettraient de renouveler en permanence notre organisme pour le rajeunir éternellement. En particulier, le «remplacement d'organes».
«C'est du grand délire», tranche le biologiste du vieillissement Eric Boulanger, chercheur au CHU de Lille (France). Il liste tout ce qui ne va pas sur le plan éthique ou médical: il faudrait trouver en permanence des organes neufs, les interventions chirurgicales à répétition ne sont pas neutres pour notre organisme... Surtout, celui-ci ne se limite pas aux organes, il est aussi fait de tissus graisseux, d'os. Tous ces éléments jouent sur notre vieillissement, d'une manière complexe et interconnectée qui rend irréaliste l'idée d'agir en remplaçant un organe, puis l'autre.
Reste qu'à travers le monde, d'importants financements sont accordés à des recherches autour de la notion de régénérescence du corps humain et de prolongation de l'espérance de vie. A commencer par Vladimir Poutine lui-même: la «médecine régénérative» fait partie d'un programme de recherche lancé en 2024 par le Kremlin et financé à hauteur de 38 milliards de roubles (environ 400 millions d'euros).
Le sujet est aussi au cœur des préoccupations du mouvement transhumaniste, auquel adhèrent notamment plusieurs figures de la Silicon Valley comme le milliardaire Peter Thiel, soutien de Donald Trump.
Mais les pistes suivies – par exemple, utiliser des techniques d'immunothérapie pour éliminer les cellules vieillissantes – ne convainquent pas la grande majorité du monde scientifique, qui les juges par trop simplistes et spéculatives.
Tout, du point de vue du consensus scientifique, n'est toutefois pas à jeter dans les recherches sur l'interruption des processus de vieillissement. Les chercheurs interrogés jugent notamment un moyen d'action prometteur: l'épigénétique.
Celle-ci désigne la manière dont nos gènes se traduisent concrètement en mécanismes biologiques. Or, au fil du temps, notre matériel génétique tend à s'exprimer de moins en moins bien, un processus central dans le vieillissement.
Publiée dans la revue Aging Cell début 2025, une méta-analyse – qui compile plusieurs études préalables – montre ainsi qu'une molécule connue pour jouer sur ces mécanismes, la rapamycine, aide à prolonger la vie de certains animaux.
Mais rien ne dit encore que la molécule fonctionnera chez l'humain, et un message revient chez les chercheurs: au lieu d'hypothétiques moyens d'accroître notre espérance de vie, mieux vaut réfléchir à comment bien vivre le plus longtemps possible. La spécialiste Ilaria Bellantuono conclut: