Les représentants de l'Otan et les experts militaires occidentaux sont unanimes: l'intrusion d'au moins 19 drones dans l'espace aérien polonais dans la nuit de mardi à mercredi était une action délibérée.
Moscou aurait voulu tester la rapidité et les systèmes d'armes utilisés par la défense aérienne de l'alliance pour réagir aux drones. Cinq des appareils auraient même volé directement vers une base de celle-ci avant d'être abattus par des avions de combat néerlandais.
Après cet incident, la Pologne a convoqué une réunion de l'Organisation du traité atlantique nord en vertu de l'article 4. Au quartier général de Bruxelles, on réfléchit encore à la réponse à apporter à cette provocation. Les experts qualifient la riposte militaire de peu probable. Mais les alliés ne sont pas totalement démunis pour autant; voici un aperçu des options qui s'offrent à eux.
L'incident survenu dans la nuit de mardi à mercredi a certes atteint une ampleur nouvelle, mais ce n'était pas la première fois que des drones russes violaient l'espace aérien polonais. Jusqu'à présent, il s'agissait toutefois toujours d'engins égarés, lancés vers des cibles en Ukraine, mais déviés de leur trajectoire par des interférences radio ukrainiennes. Jusqu'à présent, la Pologne et l'Otan se sont contentées de laisser ces drones égarés s'écraser.
Une réaction militaire plutôt symbolique pourrait consister à abattre à l'avenir tout drone étranger survolant le territoire de l'Otan. Cependant, cela paraît peu probable: on redoute en effet bien trop que Moscou utilise cette manœuvre comme prétexte pour une nouvelle escalade. Depuis l'invasion de l'Ukraine, la Pologne elle-même se réarme fortement et soutient Kiev avec du matériel de guerre, tout en veillant à ne pas se laisser entraîner dans le conflit.
Les experts occidentaux discutent depuis longtemps de la possibilité que l'Otan protège l'ouest de l'Ukraine grâce à ses propres systèmes de défense Patriot en Pologne. Cela soulagerait les forces aériennes ukrainiennes et leur permettrait de se concentrer sur leurs villes et leurs bases dans la moitié est du pays.
Mais cela paraît plus improbable encore. En effet, le Kremlin considérerait certainement une zone d'exclusion aérienne établie par les troupes de l'Otan au-dessus de l'ouest de l'Ukraine comme une intervention directe. Même si cela n'entraînait pas de confrontation militaire, la Russie pourrait profiter d'une telle mesure pour étendre ses «actions hybrides» à l'ouest et dans la mer Baltique.
Il pourrait s'agir d'actes de sabotage, comme ceux commis au début de l'année contre la corvette Emden, encore en construction, ou de nouvelles violations de l'espace aérien de l'organisation. Cette dernière a déjà du mal à poursuivre, voire à repousser, les actions de sabotage et d'espionnage russes.
Il est plus probable, et cela semble d'ores et déjà se confirmer, c'est que l'Otan renforce sa défense aérienne le long de son flanc est à la suite de l'incident de cette semaine. Cela enverrait un signal militaire à Moscou sans risquer de nouvelle escalade de la part de la Russie. En ce sens, le président français Emmanuel Macron vient d'annoncer qu'il enverrait trois avions Rafale pour renforcer l'espace aérien de la Pologne.
La défense contre les drones constitue en soi la plus grande faiblesse de l'Otan. Il faudrait accorder la priorité absolue aux systèmes de défense mobiles à courte portée, tels que le Skyranger du fabricant Rheinmetall. Il est livré à l'Ukraine en tant que successeur du canon antiaérien Gepard.
On discute aussi notamment du char de combat Puma, qui peut abattre des drones grâce à son canon de 30 millimètres. En réalité, il est plutôt conçu pour le combat terrestre. Il y a certes la possibilité d'éliminer les drones avec des systèmes à base de missiles Patriot ou Iris-T.
Mais l'utilisation de ces missiles, coûteux et déjà difficiles à se procurer, reste cependant disproportionnée par rapport aux drones russes, bon marché et souvent déployés en grand nombre. Les Ukrainiens abattent la plupart d'entre eux à l'aide d'hélicoptères de combat, voire d'armes à feu provenant d'anciens avions à hélices.
L'Occident pourrait réagir non seulement militairement, mais aussi politiquement à l'action des drones russes contre la Pologne. L'UE venait d'adopter mi-juillet son 18e train de sanctions contre Moscou, visant en particulier l'industrie pétrolière et gazière du pays. La France et l'Allemagne avaient déjà évoqué en début de semaine de nouvelles sanctions qui pourraient compliquer davantage les exportations de pétrole de la Russie. L'incident en Pologne devrait encore alimenter ces réflexions.
On ne connaît pas pour l'instant la position des Etats-Unis sur cette question. Donald Trump a confirmé en début de semaine qu'il est prêt à aller dans ce sens, mais, jusqu'à présent, il s'est contenté d'annonces.
La seule mesure indirecte prise à ce jour par son gouvernement consiste en des droits de douane de 25% sur les marchandises en provenance d'Inde, qui importe une grande partie de son pétrole brut de Russie. Ces droits de douane devraient au moins pousser l'Inde à exiger des remises plus importantes sur le pétrole russe. Moscou devrait donc moins gagner sur ses exportations.
Mais le grand danger pourrait bien résider dans l'attitude ambiguë du président américain, et dans les calculs de Vladimir Poutine à ce sujet. C'est ce qu'a souligné l'ancien général de la Bundeswehr, Hans-Lothar Domröse dans un entretien avec t-online:
L'ancien général de l'armée de terre, qui a également occupé des postes importants au sein du commandement de l'Otan à Bruxelles, poursuit son explication:
Il estime que les Etats-Unis et les pays européens membres de l'Otan devraient au moins convoquer les ambassadeurs russes et réunir le Conseil de sécurité de l'ONU.
A la demande de la Pologne, celui-ci se penchera vendredi sur les événements du début de la semaine. Et sinon, les réactions internationales se sont jusqu'à présent limitées à des protestations verbales.
(Adaptation française: Valentine Zenker)