La semaine dernière, les Etats-Unis ont ouvert un nouveau chapitre d'une histoire qui préoccupe aussi beaucoup la Suisse. Le gouvernement du président Joe Biden et de la vice-présidente Kamala Harris a en effet annoncé son intention de combler ou de réduire considérablement une lacune juridique par laquelle un flot de paquets en provenance de Chine a déferlé sur les Etats-Unis ces dernières années.
L'administration Biden a annoncé une série de décrets présidentiels visant à lutter contre «l'augmentation considérable des abus» de l'exception dite de «minimis». Cette réglementation est surtout utilisée par des plateformes en ligne créées en Chine. Il a notamment cité les deux détaillants de fast-fashion Temu et Shein, qui ont également connu une croissance explosive en Suisse.
Au cours des dix dernières années, le nombre d'envois pour lesquels des exceptions de minimis sont utilisées a considérablement augmenté: de 140 millions à plus d'un milliard par an. Cette augmentation exponentielle rend plus difficile l'application des lois et des réglementations visant à protéger les droits, la santé ou la sécurité des consommateurs. Il est aussi plus difficile d'empêcher l'afflux de produits contrefaits ou de drogues de synthèse comme le fentanyl.
Dans le cadre de l'exception de minimis, les colis d'une valeur inférieure à 800 dollars peuvent être envoyés aux Etats-Unis sans payer de droits de douane. Cela va changer avec les mesures prises: l'exception sera en effet supprimée pour de nombreux produits, ont expliqué des représentants du gouvernement aux médias américains. Il en résultera une réduction «drastique».
Des représentants de l'administration Biden, des politiciens du parti démocrate ainsi que des associations économiques ont présenté une série d'arguments en faveur de la suppression de cette lacune juridique – ce qui montre que l'afflux de paquets touche de très nombreuses personnes.
Un conseiller économique de Joe Biden a déclaré que certaines entreprises étrangères contournaient les droits de douane afin d'affaiblir l'industrie américaine du textile et de l'habillement. A ses yeux, celles-ci créent des dizaines de milliers d'emplois et méritent d'être mises en concurrence à armes égales.
La Fédération nationale du textile a fait référence à la fermeture de 18 usines l'année dernière et a ajouté que l'exception de minimis avait créé un véritable marché noir pour des produits dangereux comme le fentanyl. Une représentante de l'association a donc déclaré que «l'exception de minimis était destructrice».
Selon Voice of America, l'organisation faîtière des policiers a déclaré que le comblement de cette lacune législative contribuerait à «endiguer le flux de drogues et à protéger la vie de nos enfants, de nos familles et de nos amis».
Environ 120 députés du Parti démocrate avaient demandé au président américain d'agir, arguant notamment que les vêtements bon marché étaient en partie fabriqués dans le cadre du travail forcé. Amnesty International avait signalé que Shein, en particulier, suivait un modèle dans lequel les conditions de travail restaient obscures.
En revanche, un économiste de l'université de Yale affirmait dans le New York Times que si la règle de minimis était supprimée, ce sont surtout les personnes aux revenus les plus faibles qui devraient en supporter les coûts. En effet, les recherches montrent qu'ils achètent plus de produits chinois que les personnes gagnant plus d'argent.
En Suisse, Temu et d'autres portails d'achat chinois peuvent échapper à la TVA, ainsi qu'aux douanes, s'ils livrent en petits colis et restent dans la franchise douanière de 62 francs. C'est entre autres pour cette raison que le chiffre d'affaires de Temu et Shein croît rapidement dans notre pays.
Selon le conseiller en entreprise Carpathia, elles se situaient en 2023 dans le top 15 des places de marché en ligne. Shein a plus que triplé par rapport à l'année précédente, Temu a même atteint le chiffre «incroyable» de 350 millions de francs après son lancement au printemps 2023. Carpathia ne pense toutefois pas que Temu devienne un bulldozer capable de raser l'ensemble du commerce de détail suisse.
Aliexpress n'est pas non plus un bulldozer, même si, comme Temu, il livre en Suisse des produits bon marché provenant directement de fabricants chinois. En 2018 déjà, AliExpress avait atteint un sommet de hype, mais a depuis perdu du chiffre d'affaires.
La Swiss Retail Federation ne veut néanmoins pas rester spectatrice. Avec sept autres associations, elle a déposé une plainte contre Temu Suisse auprès du Secrétariat d'Etat à l'économie. La fédération reproche par exemple à Temu de faire de la publicité de manière illégale avec des rabais en pourcentage et des prix barrés ou avec des offres en dessous du prix de revient.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)